Eglise Notre-Dame du Pré

Quoique Notre-Dame-du-Pré ne soit plus qu'une ruine, cette ruine est assez remarquable pour qu'on fasse ici mention de cette curieuse église prieuriale, en parlant de sa consécration. Nous avons trouvé sur un ancien Missel, provenant du prieuré du Pré, cette note inscrite au 4 juin : Dédicace De L'église De NOTRE-DAME-DU-PRÉ.

En quelle année a eu lieu cette consécration ? par qui a-t-elle été faite ? Il est difficile de répondre à ces questions d'une manière bien précise. Nous allons essayer cependant d'élucider la question. Nos historiens font remonter la fondation de ce monastère à Hervé 1er, baron de Donzy, vers l'an 1100. Née de La Rochelle rapporte que Hervée II accorda de grands biens à Notre-Dame-du-Pré, fondée par ses prédécesseurs. Quoi qu'il en soit, il est certain que dès 1155 ce prieuré était occupé par des religieux de Cluny ; la bulle du pape Adrien IV en fait foi. Dans cette bulle, datée du 4 des ides de mai, première année de son pontificat, ce pape fait l'énumération des biens appartenant à Notre-Dame-du-Pré, de ses droits sur Donzy-le-Châtel, Castrum Donziacense, sur Bouhy, Pougny, etc., et prend ce monastère sous sa protection, comme avait fait Anastase, son prédécesseur. Cette bulle nous apprend encore que les moines du Pré tenaient une partie de ces biens d'un évêque d'Auxerre. Leboeuf présume que cet évêque est Hugues de Montaigu, sorti de l'ordre de Cluny et qui occupa le siège d'Auxerre de 1115 à 1136. C'est lui sans doute qui a consacré l'église du Pré, vers 1120, quand Hervé II la dota.

Ce prieuré eut beaucoup à souffrir dans les guerres dont le Donziais fut si souvent le théâtre. En 1170, lors de la prise du château de Donzy par Louis VII et par Gui, comte de Nevers, l'église fut réduite au plus triste état. Elle n'avait pas encore été rétablie en 1364, puisque le pape Urbain V accorda alors des indulgences aux fidèles qui visiteraient l'Église de Notre-Dame-du-Pré à certaines fêtes, et y feraient des aumônes pour aider à la rétablir.

Lors de la prise de Donzy par les protestants, en 1569, le prieuré du Pré fut presque entièrement détruit. Quand des jours plus calmes eurent succédé à ces temps orageux, les religieux furent dans l'impossibilité de réparer le mal fait à leur monastère, car les titres avaient été brûlés, et ils ne pouvaient plus rentrer en possession des terres importantes qu'ils possédaient auparavant. L'abbé de Cluny, par une ordonnance du 3 octobre 1628, réduisit le couvent au prieur et au sacristain. L'ordonnance portait :

1. que cette disposition subsisterait pendant seize ans ;
2. que le prieur ferait réédifier le prieuré et rétablir une petite chapelle, en attendant la reconstruction de l'église.

Ce fut alors que cette église fut réduite au tiers. La tour, qui avait été réparée, en 1597, comme le constate une inscription qu'on lit encore sur une des pierres du sommet, avait aussi été réduite au tiers, ainsi que le clocher.

En 1793, quelques révolutionnaires sacrilèges entreprirent de détruire cette église, mais on rapporte que les femmes du Pré s'armèrent de pierres et les mirent en fuite. Après la Terreur, le conseil municipal, qui ne connaissait pas le prix de ce monument, le vendit, et l'acquéreur se mit à démolir ; mais le conseil de fabrique protesta contre cet acte de vandalisme, et revendiqua son droit de propriété, qui fut reconnu en conseil de préfecture ; ce fut ainsi que ces ruines restèrent debout.

Outre la tour, qui est un des points de triangulation de Cassini pour sa carte de France, il reste deux travées de la grande nef et celles des bas-côtés qui les flanquent ; au-dessus de ces deux travées régnait une large tribune. Tous ces restes sont du douzième siècle et d'un travail parfait, soit sous le rapport de la sculpture, soit sous le rapport architectural. On remarque encore sur les piliers des traces des croix de consécration en peinture polychrome de l'époque.

Le portail est surtout remarquable par son ornementation d'une richesse rare. Le tympan représente la Vierge-Mère, assise et tenant son enfant sur ses genoux. Le style est tout à fait byzantin ; d'un côté un ange balance l'encensoir, de l'autre un personnage vénérable tient un phylactère sur lequel était peinte autrefois une inscription ; c'est un des Prophètes qui ont annoncé la Vierge-Mère.

Cette église était tout à la fois prieuriale et paroissiale ; l'autel de la paroisse était dédié à saint Biaise.

Le dernier prieur du Pré fut un M. Georges-François-Marie Sol, de la congrégation de la mission de France ; il posséda ce prieuré depuis 1772 jusqu'à la grande révolution française.

Source : Hagiologie nivernaise ou, Vies des saints et autres pieux personnages par Augustin-Joseph Crosnier 1860.