thionville

Jolie et forte ville. Chef-lieu de sous-préfecture. Place de guerre de troisième classe. Tribunal de première instance. Société d'agriculture. Collège communal. 5,645 hab.

Thionville n'est connu que depuis le Ve siècle ; c'était alors un des riches domaines que les rois de France habitaient pour y soigner la rentrée de leurs revenus territoriaux. Charlemagne y tint en 805 deux conciles nationaux. Deux autres conciles y furent tenus en 821 et en 825, par Louis le Débonnaire, qui y tint aussi une diète en 836, où Lothaire envoya les principaux seigneurs de sa cour pour traiter de sa réconciliation avec son père. Après l'extinction de la race carlovingienne, cette ville eut des seigneurs particuliers, et passa ensuite, sous la domination des comtes de Luxernbourg. En 1443 elle fût assiégée sans succès par Philippe de Bourgogne. Plus tard elle appartint successivement aux ducs de Bourgogne, à la maison d'Autriche et aux rois d'Espagne. Le maréchal de la Vieuville et le duc de Guise l'assiégèrent et la prirent d'assaut le 23 juin 1558, après une défense opiniâtre. Le maréchal de Strozzy y perdit la vie; on chassa les habitants de tout âge et de tout sexe, et on vendit leurs maisons aux Messins qui vinrent la repeupler. L'année suivante, Thionville fut rendu à Philippe II, par le honteux traité de Cateau-Cambresis : on rappela les bourgeois expulsés de la ville, et on les rétablit dans leurs demeures. Le marquis de Feuquières attaqua cette ville en 1637 avec une armée de 13,000 hommes, qui fut taillée en pièces le 7 juin sous les murs de la place. Le duc d'Enghien, qui plus tard fut le grand Condé, prit Thionville par capitulation en 1643, après trois mois de siège et trente jours de tranchée ouverte. En 1792, celle ville fut investie par les Autrichiens, et souffrit quelques heures de bombardement ; elle fut bloquée étroitement dans les deux invasions de 1814 et de 1815.

Les fortifications de Thionville ont un grand développement; sept à huit mille hommes sont nécessaires pour leur défense. Ces retranchements si multipliés, élevés en différents temps, à dater de Charles-Quint, appartiennent à plusieurs systèmes que l'on a coordonnés autant que cela a été possible. Le corps de la place est un heptagone irrégulier, avec des demi-lunes, des contre-gardes et des lunettes; Vauban et Carmontaigne y ont épuisé les ressources de leur art.

Thionville est la seconde ville du département par son importance militaire et par sa population. La ville et ses fortifications occupent une surface parfaitement plane ; on y entre par trois portes : celles de Metz, de Luxembourg et du Pont Couvert. La plupart des rues sont larges, mais en général irrégulièrement percées. Les maisons sont solidement construites; quelques-unes appartiennent au XVIe siècle, époque que constate sur plusieurs bâtiments une date sculptée. La Moselle, large de 130 mètres, borne la ville au midi; pour se rendre sur la rive droite, on la traverse sur un pont couvert qui est loin de mériter la réputation dont il jouit. La place d'armes est belle; trois corps de casernes en occupent trois côtés ; le quatrième est occupé par le manège de cavalerie, regardé comme un des plus beaux qu'il y ait en France.

Parmi les édifices publics dignes de fixer l'attention, on cite l'église paroissiale achevée en 1760, dont le portail est décoré de quatre pilastres d'ordre ionique, d'un fronton, et surmonté d'un attique ; il a 26 mètres de largeur sur 21 mètres de hauteur jusqu'à la balustrade qui sépare les deux tours, élevées à 30 mètres au-dessus du sol. L'intérieur présente un choeur en hémicycle, entouré de pilastres, une nef et des collatéraux séparés de chaque côté par six colonnes d'ordre ionique, le tout voûté en berceau avec arcs doubleaux intermédiaires. On remarque encore à Thionville les casernes ; la halle aux blé; la salle de spectacle; le manège ; le collège ; l'hôpital civil. Le gouverneur habitait avant la révolution un vaste hôtel fort simple, occupé aujourd'hui par la sous-préfecture, le tribunal, la mairie et la caserne de gendarmerie; près de ce bâtiment est un jardin de botanique bien entretenu.

En entrant à Thionville, un étranger est frappé du mouvement qui y règne; en effet, par la petite surface affectée aux maisons des citoyens, la population y est fort nombreuse ; les familles du peuple sont entassées dans d'étroits logements; une garnison de deux régiments, l'un d'infanterie et l'autre de cavalerie, augmente encore ce mouvement.

Patrie de Merlin de Thionville ; du sculpteur Roux.

Fabriques de bonneterie. Aux environs, nombreuses distilleries d'eau-de-vie de grains, de cerises et de prunes. Forges. Verreries. Tanneries. Fabrique de sucre de betteraves.

Commerce de grains, légumes, chanvre, lin, etc.

Source :

  • Titre : Guide pittoresque du voyageur en France
  • Auteur : Girault de Saint-Fargeau, Eusèbe (1799-1855)
  • Éditeur : F. Didot frères (Paris)
  • Date d'édition : 1838