Petit château du Prince Charles-Alexandre de Lorraine, dit La Favorite

On raconte que Léopold, voulant récompenser le prince Charles, son fils, alors âgé de quatorze ans, et lui donner, par la même occasion, une leçon de modestie, justifiée par des propos d'enfant qu'il avait tenus sur le compte de Bolfrand, l'autorisa de faire bâtir un petit château, dans un terrain voisin des bosquets, à l'unique condition qu'il en serait lui-même l'architecte.

Notre présomptueux de se mettre à la besogne, avec l’inexpérience de son âge, distribuant, par-ci par-là, ses ordres au nombreux personnel mis à sa disposition.

L'œuvre terminée, le nourrisson de Vitruve va chercher son père et le prie de lui dire son avis. Celui-ci, après avoir examiné attentivement le rez-de-chaussée, veut aussi visiter l'étage des mansardes; mais, par mégarde, l'escalier avait échappé à la prévoyance de notre novice. Peine revint à Boffrand de réparer la bévue au moyen de deux tourelles d'un assez agréable effet.

Le prince Charles aimait son petit château d'un amour paternel ; lorsque les hasards de la guerre l'amenèrent par la suite en vainqueur sur nos frontières, il eut l'attention de prévenir Stanislas de ne pas se déranger, qu'au cas échéant son petit château lui suffirait.

Source : Le chateau de Lunéville: histoire de Lorraine au XVIIIe siècle par Alexandre Joly 1859.

Reportons-nous à cent cinquante années Temps où semblaient d'augustes destinées S'ouvrir encore pour les peuples lorrains Temps où brillait, perle des souverains, Non par le glaive ou la folle richesse, Mais par des faits, de grandeur d'âme empreints, Ce Léopold, exemple de sagesse, Cher aux meilleurs, honoré des plus craints.

Sous Léômont, aux bords où la Vezouse Modestement parcourt des prés fleuris, Un art local, émule de Paris, Pour ce doux maître et sa royale épouse Avait planté des bosquets favoris, Où, non loin d'eux, de leur plaire jalouse Errait la foule, invoquant leur souris. Dans leurs salons, au centre du pourpris Qu'à tout mérite ouvrait leur courtoisie, Entrons un peu, Messieurs.

Sous ces lambris, D'esprits .ornés quelle troupe choisie !

Ici Vayringe, au succès triomphal, De laboureur devenu machiniste. Là Claude Charle et Jacquart, couple artiste Là Saint-Urbain le graveur ; là, Duval, Pâtre, on le sait, fait bibliothécaire Là ces grands noms qui ne sonnent plus guère Des pairs lorrains ce groupe sans rival, Chefs d'un sénat fidèle et non servile Du ÇHATELET, LÉNONCOURT, LIGNIVILLE, Puis Bassompierre, ou Ludre, ou Raigecourt, Milry, Choiseul, Du Hautoy, d'Haussonville, D'Ourches, Gourcy, Custine Coupons court. Les étrangers, voyant, dans cette cour, Grandeur princière élégante et civile, Et retrouvant AUSSI BIEN (sinon mieux) Que ce qu'en France avaient cherché leurs yeux, De vingt pays arrivaient comme en file. « Qui de Versaille allait à Lunéville, Ne croyait pas avoir changé de lieux »

Mais avançons. Point ne faut qu'on babille, Même à Voltaire en faisant des emprunts : Or, sur un banc soustrait aux importuns, Siège entouré de marbre et de charmille, Vers qui, dans l'ombre, envoyaient leurs parfums, De loin, l'orange, et de près, la jonquille, L'heureux Monarque aspirait l'air, un soir. En cercle intime il avait fait asseoir Quelques amis et sa jeune famille.

L'un de ses fils, esprit ouvert et vif, Charle-Alexandre, avec élan naïf, Dit tout à coup :

« Papa duc, je ne cesse D'entendre ici, jusque par les valets, Jusqu'à la paume, avant, après la messe, Vanter Boffrand, qui bâtit vos palais. Les chefs de l'Art, certes je les respecte ; L'Art, nous dit-on, c'est un souffle divin. Mais est-il donc si difficile, enfin, De devenir excellent architecte ? D'atteindre un jour votre Monsieur Boffrand ? J'y tâcherais, bien sûr, si j'étais grand. Même.., qui sait ?

Vraiment ? dit le bon père. Qui sait ?

Mais oui. Dès à présent, j'espère, A mon honneur je m'en pourrais tirer. Ma plume a beau laisser à désirer. Je tracerais, en ordre et symétrie, Portes, plafonds, fenêtres, galeries.

Tu construirais un pavillon ?

Fort bien. A ma bâtisse il ne manquerait rien. »

Mais c'est très-bon à savoir.

« Moquerie ! Vous vous gaussez de moi, je le parie. »

Moi ! cher enfant ; me moquer? Point du tout. Je voudrais voir mis à l’œuvre ton goût : Commençons-en l'épreuve, je t'en prie.

« Le puis-je ? Et l'or de mes menus plaisirs Suffirait-il au plan de mes désirs ? Pour la dépense où serait ma recette ? »

Marche sans peur : j'ai permis d'essayer.

« Quoi ! vrai? bien vrai..? Vous daigneriez payer? »

C'est entendu ; payer sur ma cassette.

« Oh ! papa roi ! quels dons inespérés! Je serai sage et prudent... Vous verrez. »

L'enfant, soudain, s'échappe. A son pupitre Il court se mettre.

On l'a fait plein arbitre ; Soyez tranquille ; il n'abusera point; Il va chercher à tout faire avec soin.

La maman rit. Graon, l'ami du prince, S'étonne encor.

« Non, non ; le risque est mince, » Dit Léopold, « et j'en ai fait la part. Ecoutons bien Cicéron : Le jeune homme, Dont à l'excès nous redoutons l'écart, S'il ri a pas TROP, n'a pas ASSEZ plus tard. Ainsi parlait le vieux consul de Rome, A grand'raison. Croyez-moi, cher Beauvau ; Charle-Alexandre est aux moments d'effluve, Le vin d'orgueil qui lui monte au cerveau S'affaissera. Qu'il bouillonne et qu'il cuve. Fougue impuissante amène ordre et niveau. Laissons agir notre petit Vitruve. »

Ainsi fut fait.

Au fils du Souverain, Qui put à l'aise y bercer sa marotte, On s'empressa d'accorder un terrein (Terrein connu : le jardin Saucerotte). Puis gens experts, gens des divers métiers, Maçons, paveurs, plâtriers, charpentiers, Peintres, que sais-je? au constructeur novice Furent prêtés, mis à son plein service. Charles voyait tous ses ordres suivis ; Nul ouvrier ne risquait un avis. Chutt.. ! L'escouade, intelligente et digne, Avait vu clair... et compris la consigne.

Talent et zèle opérant à la fois, En peu de temps la tâche fut remplie. Nul trait bizarre ; aucun air de folie, L'adolescent, s'il se donnait sa voix, Se la donnait pour une oeuvre jolie. Fier de l'avoir terminée en six mois, Il pouvait bien la trouver accomplie.

De triompher vient pour lui le moment A son appel la cour et le Monarque Se sont rendus. Chacun loue et remarque Chacun au prince offre son compliment.

Blancheur de lait, par l'azur rehaussée, Met en relief un fier rez-de-chaussée . « Très-bien, mon fils; c'est noble, régulier, » Dit Lèopold, aux splendeurs familier. « Reste à juger de ton premier étage. »

Or, on venait d'ôter l'échafaudage Et, pour monter, manquait... UN ESCALIER.

Qui fut surpris et penaud... ?

Le Duc père Ne souffle mot, fait les yeux à Boffrand.

Boffrand, bénin, d'un air indiffèrent, S'avance... Il parle ; et chacun de se taire.

« Messieurs, » dit-il, « charmant est ce travail ; Galant, complet ; complet, sauf un détail. Si Monseigneur n'a pas fait..... les tourelles, Il a fort bien laissé place pour elles. »

Aux entendeurs le demi-mot suffit ; Vive un bon peuple et, sa délicatesse !

Deux minarets... Le vieux Boffrand les fit. On peut encor les voir (non sans tristesse) Entre des toits dont un reste survit. Mais la leçon parlait... La jeune Altesse Sut la comprendre et la mettre à profit. Charles, muet, de son étourderie Avait rougi jusques au blanc des yeux. Il vit dès lors (chaque jour il vit mieux) Que le vouloir ne fait pas la science ; Que difficile est le métier de roi ; Qu'il faut toujours se défier de soi... Nul aperçu ne vaut l'expérience;

Le Petit château de Lunéville : historiette en deux journées lue à la séance publique annuelle de l'Académie de Stanislas, le 27 mai 1869 / par P. G. de Dumast

Apport utilisateur

De septembre 1963 à juin 1966,j'ai vécu dans ce château merveilleux (en compagnie de jeunes filles de mon age) qui abritait une école ménagère agricole. Quand je constate le délabrement de cette petite merveille je suis effarée et très malheureuse !!! quel gâchis !!! je suis revenue à Lunéville il y à environ 15 ans et j'ai constaté qu'une partie du parc était occupée par un hôtel, une horreur. Je souhaite que la ville se réveille et que l'on remette en état cette belle demeure.

Source : maubeugeois 2014.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 84800
  • item : Petit château du Prince Charles-Alexandre de Lorraine, dit La Favorite
  • Localisation :
    • Lorraine
    • Meurthe-et-Moselle
    • Lunéville
  • Adresse : 3 avenue Voltaire
  • Code INSEE commune : 54329
  • Code postal de la commune : 54300
  • Ordre dans la liste : 90
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : château
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 18e siècle
  • Années :
    • 1730
    • 1735
  • Date de protection : 1992/12/14 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/11/03

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Inscription 13 09 1984 (arrêté) non annulée
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :2 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • parc
    • ARC
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Château, y compris le parc (cad. AD 16) : inscription par arrêté du 14 décembre 1992
  • Référence Mérimée : PA00106080

photo : jano

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