martinique

L'île de la Martinique est située dans l'océan Atlantique. Elle est à 53 kilomètres sud-est de la Dominique, à 35 kilomètres nord de Sainte-Lucie, à 110 kilomètres au sud-est de la Guadeloupe, et environ 7,000 kilomètres de Brest. En calculant à 40 lieues marines de 20 au degré la traversée de France à la Martinique, cette dernière est à 32 jours environ de navigation du port de Brest.

Cette île doit son nom à la francisation de celui de Martinina, par lequel les Espagnols, qui la découvrirent

L'ile de la Martinique a été découverte en 1493 par les Espagnols; elle était alors peuplée par la race caraïbe à l'état sauvage. Pendant près d'un siècle et demi les Européens n'y fondèrent aucun établissement.

Cependant la compagnie des Iles d'Amérique, qui avait obtenu du gouvernement français la propriété et le commerce exclusif pendant vingt ans de toutes les iles qu'elle mettrait en valeur dans le Nouveau-Monde, songea à s'en emparer. C'est en son nom que M. d'Enambuc, gouverneur de Saint-Christophe, en prit possession dans le courant de l'année 1635. Il y débarqua avec cent hommes habitués au climat et qui apportaient avec eux tout ce qui leur était nécessaire pour y former des habitations. Ils prirent terre à quatre kilomètres environ de l'emplacement qu'occupe aujourd'hui la ville de Saint-Pierre.

La population caraïbe ne s'était pas d'abord montrée hostile à la colonie nouvelle. Mais la paix ne fut pas de longue durée ; la lutte s'engagea bientôt entre les Français et la race indigène, qui ne tarda pas à succomber et à céder la place aux vainqueurs. C'est ainsi que partout dans le Nouveau-Monde la civilisation refoula les tribus sauvages, qui disparurent peu à peu quand elles ne furent pas exterminées par la force. En 1658, vingt-trois ans après que les Français s'étaient emparés de la Martinique, presque tous les Caraïbes avaient été tués ou expulsés, et quelques années plus tard, en 1664, à peine en restait-il quelques-uns dans l'ile.

Le nombre des premiers colons s'augmenta par des émigrations nouvelles. La plupart des nouveaux émigrants, amenés aux frais de la compagnie ou du gouvernement, contractaient, en compensation, l'engagement de servir gratuitement dans la colonie pendant trois années. C'était une véritable servitude qui les soumettait souvent à une vie extrêmement dure et aux plus rudes traitements. Ils étaient chargés de la culture et des travaux dont on pense généralement, mais à tort, que les noirs seuls sont capables sous le ciel des tropiques. Après ces trois années de servage, les engagés blancs obtenaient des concessions et prenaient rang parmi les colons proprement dits. Cet état de choses dura jusqu'en 1733, c'est-à-dire pendant un siècle ; alors l'esclavage des noirs remplaça définitivement la servitude des blancs.

La compagnie des Iles d'Amérique ne prospéra pas. En 1651. M. Duparquet, gouverneur particulier et sénéchal de la Martinique, s'en rendait acquéreur, ainsi que de Sainte-Lucie, de la Grenade et des Grenadins, moyennant 60,000 livres. Mais il ne jouit pas longtemps de son acquisition : il mourut, et, en 1664, le gouvernement acheta de ses enfants mineurs la Martinique moyennant 4 20,000 livres.

La colonie retomba immédiatement entre les mains d'une compagnie. Le gouvernement en fit la concession à la compagnie des Indes occidentales, avec privilège pendant quarante ans de la navigation et du commerce. Mais cette compagnie administra si mal, arrêta le développement de la colonie par tant de règlements, de prohibitions, d'entraves de toutes sortes, qu'il fallut changer cet état de choses : la compagnie des Indes occidentales fut supprimée en 1674, et dès l'année suivante la Martinique fut réunie au domaine de l'État.

Le gouvernement suivit une marche plus libérale et plus intelligente que celle qui avait conduit à sa ruine la compagnie des Indes occidentales. Il dégagea la colonie de quelques-unes des entraves qui la comprimaient ; tous les Français furent admis à venir s'y fixer. Enfin, en 1717, il l'affranchit des droits excessifs qui avaient d'abord été établis sur ses produits et qui devaient la frapper de mort en lui enlevant jusqu'à l'intérêt de produire.

La Martinique, débarrassée de la cupidité des compagnies qui croyaient s'enrichir en l'accablant de taxes, semblait destinée à de rapides développements. Mais les événements vinrent s'y opposer. La guerre de 1744 éclata, la Martinique arma des corsaires, fit des prises importantes, qu'on évalua à 30 millions, mais les cultures furent négligées, et il en résulta des pertes presque irréparables. La guerre de 1755 ne lui fut pas moins funeste ; le 13 février 1762, les Anglais s'emparèrent de L'île et la gardèrent seize mois elle nous fut rendue en vertu du traité de Versailles en 1763.

La prospérité agricole et commerciale de la Martinique se développa considérablement jusqu'en 1790. Mais alors la révolution avait éclaté dans la métropole ; l'ébranlement se communiqua à la colonie ; elle fut bientôt en proie à la guerre civile à la suite des décrets de la Convention nationale, qui prononçait l'égalité des gens de couleur et l'affranchissement des noirs ; la guerre étrangère vint aggraver cette situation déjà si désastreuse : les Anglais attaquèrent la Martinique et y débarquèrent le 3 février 1794 avec quinze mille hommes et de l'artillerie. Le général Rochambeau, qui commandait aux Antilles, se retira avec six cents hommes dans le fort Bourbon. Après trente-deux jours de siège et de bombardement, il fut obligé de capituler quand la garnison fut réduite de moitié par le feu de l'ennemi.

Les Anglais occupèrent pendant huit années la Martinique, qui nous fut restituée par le traité d'Amiens en 1802. Mais la guerre ayant éclaté de nouveau, la colonie eut à subir une nouvelle attaque. Les Anglais reparurent avec quinze mille hommes et une artillerie formidable, Je fort Bourbon capitula après vingt-sept jours de siège et un bombardement ; la Martinique retomba au pouvoir des Anglais le 24 février 1809. Elle fut restituée à la France en vertu des traités de 1814 et de 1815.

Cette longue période passée sous la domination anglaise fut stérile pour ses progrès. En effet, l'Angleterre, qui ne l'admit jamais aux privilèges dont elle fait jouir ses nationaux, ne lui accorda pas non plus la liberté de commerce il en résulta pour ses produits une absence presque complète de débouchés dont son industrie eut à souffrir.

Rentrée sous la domination française depuis 1813, la Martinique, pendant de longues années de paix, a vu se développer sa population et son commerce dans des proportions moindres cependant que sa situation, l'étendue et la fertilité de son territoire ne devaient le faire présager. Parmi les causes qui expliquent ce résultat, il faut citer surtout la concurrence redoutable que fait au sucre de canne, principale et presque unique ressource de la Martinique, le sucre de betterave, les taxes élevées auxquelles sont soumis les produits de nos colonies, et qui arrêtent la production en ne laissant aux cultivateurs que de trop faibles bénéfices, enfin, la crise, heureusement passagère, de l'affranchissement des esclaves.

La Martinique s'honore d'avoir vu naître Joséphine Tascher de la Pagerie, qui épousa en secondes noces le général Bonaparte, suivit la fortune du grand homme et devint impératrice des Français ; le brave général dont elle était veuve lorsqu'elle épousa le général Bonaparte appartenait aussi à la colonie Alexandre Beauharnais était né à Fort-Royal peu de temps après la défaite des Anglais par son père. Thibaut de Chavalon, correspondant de l'Académie des sciences; l'administrateur Moreau de Saint-Méry; le mulâtre Belgarde, qui gouverna la colonie après le départ de Rochambeau ; Magloire Pélage, homme de couleur, qui fut aussi placé à la tète du gouvernement de la Guadeloupe ; le littérateur d'Avrigny, membre de l'Académie française, sont également des enfants de la Martinique.

Source : La France illustrée Géographie, histoire, administration et statistique par Victor-Adolphe Malte-Brun 1862.

fontaine

Fontaine en fonte comportant une petite plaque commémorative (où est inscrite la date et entre autres le nom du gouverneur) avec bassin octogonal en pierre et une grille en fer forgé.