Eglise

Tirée des Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie cette description partielle de l'église de savigny est surtout axée sur l'aspect pictural de la décoration du coeur. Sachant que cette fiche porte sur le classement des peintures murales, j'ai privilégié cette citation plutôt qu'une autre.

Description de l'église

L'église de Savigny, près Coutances, a déjà été l'objet de nombreux travaux. Elle a été décrite à notre connaissance par M. Le Masson, par M. le conseiller Renaut et par M. le chanoine Pigeon. L'antiquité de sa construction et les particularités architecturales qu'elle présente, justifient complètement, hâtons-nous de le dire, l'attention dont elle a été l'objet de la part des archéologues normands.

Savigny est en effet une des églises romanes les plus anciennes et les mieux conservées du Cotentin, et la série de modillons bizarres qu'elle nous offre à l'extérieur de la nef, côté méridional, mériterait à elle seule une étude détaillée et approfondie. Nous ne songeons pas en ce moment à l'entreprendre nous voudrions seulement, à propos des dernières découvertes qui ont eu lieu, signaler certains détails que l'on ne soupçonnait pas et qui ont été tout à coup mis en évidence.

Notre tâche, ainsi limitée, a d'ailleurs été singulièrement facilitée par les recherches entreprises à ce sujet par M. le chanoine Pigeon, que nous tenons à remercier ici de ses obligeantes communications.

Les découvertes, qui remontent déjà à quelques années, mais qui n'ont pas encore dit leur dernier mot, ont eu pour résultat tout d'abord de dégager le fond de l'abside romane dissimulée derrière une boiserie de l'effet le plus malencontreux.

Inscriptions et peintures murales

Cette abside élégante et de très petite dimension, s'ouvre sur la nef par une large arcade décorée de zig-zags elle est éclairée par une baie cintrée, flanquée à droite et à gauche de deux arcades aveugles. Les chapiteaux des colonnes sont ornés de dessins géométriques, de figures d'animaux et d'inscriptions. On y remarque un cheval buvant dans une coupe, deux colombes s'abreuvant dans le même vase, des lions avec la légende Leones, des serpents à face humaine bizarrement enlacés, des bêtes fantastiques sous lesquelles on lit le mot Cocodrias, enfin une inscription d'autant plus précieuse qu'elle nous fait connaître la date de l'édifice et le nom du bâtisseur ou peut-être du prêtre par les soins ou sous la direction duquel cette construction a été entreprise.

Cette inscription est ainsi conçue

...HI. M. C. XX. VIII A. TURC

Et ailleurs, sur deux lignes :

TURCH O. PAIS

Dans l'état actuel, la première inscription se lit ainsi :

AB. INC JESU CHI M. C. XXVII A TUROPE. SUNT.

Mais les six premières lettres ont été refaites ou ajoutées : AB. INC. JESU C. Il en est de même des lettres depuis 26 jusqu'à 32 inclusivement : CPE. SUN...

La pierre sur laquelle est gravée la partie ancienne de l'inscription est une pierre dure la partie refaite a été gravée sur une pierre d'aspect semblable, mais beaucoup plus tendre. Il est regrettable qu'avant tous ces remaniements, il n'ait pas été pris un estampage de cette précieuse inscription, en ne tenant compte que des parties non touchées. Deux choses restent à l'abri de toute contestation, la date M. C. XX. VIII et le nom du constructeur Turc ou Turch.

La baie centrale qui éclaire l'abside n'appelle aucune observation. Les deux arcades aveugles qui la flanquent à droite et à gauche réclament, au contraire, un examen particulier. Elles étaient couvertes, en effet, de peintures murales représentant, ainsi qu'il est encore facile de s'en convaincre, différentes scènes de la vie de sainte Barbe. Depuis les travaux, nous ne disons pas le restauration, mais de reconstitution, dont elles ont été l'objet de la part de M. Francis Jacquier, on en saisit immédiatement, non seulement l'ensemble, mais encore tous les détails essentiels. La première scène, qui a d'ailleurs le moins souffert, est peut-être aussi celle qui est la plus remarquable comme sentiment et comme naïveté dans l'exécution.

La sainte est représentée à genoux, la tète inclinée sur l'épaule le bras droit est replié et la main fermée, sauf l'index, qui est dressé le bras gauche : pend le long du corps. L'expression du visage est tout à la fois douce et rêveuse. Les cheveux sont relevés sur le cou, et une mèche en accroche-coeur est fixée au milieu du front, ce détail typique de coiffure se remarque dans les autres scènes.

Le fond du tableau est rempli par de gracieux entrelacs formés par les branches d'un arbre portant à l'extrémité de chacun de ses rameaux trois feuilles triangulaires.

Les couleurs employées sont exclusivement le roux, le jaune, le noir et une sorte de gris bleuté, obtenus au moyen de l'ocre rouge, de l'ocre jaune, du noir de charbon et du blanc de Meudon. Cette palette est certainement assez pauvre, mais l'effet produit n'en est pas moins satisfaisant, et, dans son genre, ce petit panneau de Sainte Barbe en prière, d'une expression si pénétrante et si sincère, nous paraît un pur joyau, qui mériterait à tous égards de prendre place dans le grand ouvrage de MM. Gelis-Didot et Laffilié, sur la peinture décorative en France du XIe au XVIe siècle.

La seconde arcade nous raconte l'arrestation de sainte Barbe et comporte quatre personnages le père de sainte Barbe, les deux soldats chargés de l'arrestation et sainte Barbe.

Sainte Barbe est toujours à genoux et en prière le père, l'index de la main droite levé, se tient en arrière et ordonne l'arrestation. Les gardes mettent la main sur l'épaule de la sainte et lui arrachent son voile.

La troisième arcade représente le supplice. Sainte Barbe à genoux, nimbée, tend les mains vers le ciel, ses cheveux dénoués flottent sur ses épaules. Son père la saisit de la main gauche et brandit le glaive de la main droite pour la frapper. Les peintures qui décoraient la quatrième arcade ont entièrement disparu.

M. le chanoine Pigeon qui, le premier, s'est occupé de la description et de l'interprétation de ces curieux fragments, avait pensé que le quatrième panneau qui nous manque, devait représenter le père de sainte Barbe foudroyé par le feu du ciel, en punition de son forfait.

Cette supposition doit être écartée aujourd'hui. L'enlèvement complet du badigeon dans la troisième scène a mis à découvert toute une partie de la décoration que l'on ne soupçonnait pas; deux têtes d'anges à droite dans le ciel, et à gauche la foudre qui tombe sur le père homicide au moment même de l'accomplissement de son crime. Le peintre a suivi scrupuleusement les indications de la légende en nous donnant ainsi la représentation simultanée de l'assassinat et de son châtiment. Il y a donc lieu de penser que le quatrième tableau devait être consacré soit au couronnement de sainte Barbe, soit à l'arrivée de ses reliques en Normandie.

Il ne saurait y avoir aucune difficulté pour la fixation de la date de la construction de l'église de Savigny, déterminée et par le caractère architectural de l'édifice et par la teneur même de l'inscription que nous avons précédemment transcrite. Sans avoir à notre disposition les mêmes éléments d'appréciation, nous nous croyons cependant fondé à considérer les peintures murales que nous venons de décrire comme appartenant à la fin du XIIe siècle.

L'aspect général de cette décoration, la sobriété des couleurs, la physionomie et les costumes des personnages nous paraissent justifier cette manière de voir. Nous devons ajouter toutefois que ces peintures doivent être postérieures à l'édification de l'abside.

On sait en effet que l'église de Savigny dépendait du prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge, situé en la paroisse d'Écajeul, au diocèse de Lisieux, et il est naturel de penser que c'est à des religieux venus de cet établissement qu'est dû le choix du sujet de la décoration picturale dont nous nous occupons. Or ce fut sous l'épiscopat de Richard de Bohon, vers 1165, que Geoffroy de Brucourt fonda un prieuré à Savigny et l'aumôna à Sainte-Barbe-en-Auge. Ce serait par conséquent, selon toute probabilité, au moment de l'entrée en possession de ces religieux, qu'aurait eu lieu la reproduction dans les arcades du choeur des principaux épisodes de la vie de leur patronne.

Les découvertes ne devaient pas s'arrêter là. Tout récemment des grattages pratiqués dans les murs de la nef ont révélé sur une grande étendue la présence de peintures ayant le même aspect et le même caractère que celles de l'abside.

L'un des fragments les plus importants, parmi tous ceux qui ont été dégagés jusqu'ici, représente la cène (ndw : voir photo "Peinture murale du XIVème représentant la Cène" de Normandie Héritage plus bas) avec ses personnages ordinaires. Nous ne voulons pas apprécier pour l'instant un morceau de cette valeur, nous nous contenterons d'indiquer que la bordure qui l'encadre est composée exclusivement de motifs empruntés à l'architecture romane. C'est un détail qui a sa signification en ce sens qu'il vient confirmer l'attribution que nous avons faite de ces peintures à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIII siècle.

Mais s'il convient de renvoyer à plus tard la description complète de cette décoration murale de la nef, on doit dès aujourd'hui appeler l'attention sur une sculpture ramenée au jour par M. le curé de Savigny de la manière la plus inattendue et qui soulève un problème d'une nature assez délicate. En pénétrant sous le toit d'une sacristie de date relativement récente, accolée au pignon de l'église, M. le curé remarqua qu'au-dessus de la baie absidale éclairant le choeur se trouvait une autre ouverture de même forme mais plus élevée. Ces deux fenêtres superposées, ou, pour parler plus exactement, cette grande baie romane à deux compartiments, a été ainsi décrite par M. Francis Jacquier

« L'ouverture centrale formant la fenêtre du sanctuaire n'offre rien de remarquable à l'intérieur, mais présente à l'extérieur une disposition extrêmement curieuse dont nous ne connaissons aucun exemple. »

« Pour décorer cette, partie de l'édifice, le constructeur a imaginé une grande et haute arcature avec ornement reposant sur deux colonnes à chapiteau sculpté qui, partant de la même hauteur que celle de l'intérieur, reposent directement sur le mur couronné d'un cordon mouluré à 2 m. 50 du sol. »

Cette arcature que figure notre dessin est comme on peut le voir, divisée en deux parties. La partie inférieure forme l'ouverture de la baie centrale de l'abside de l'église la partie supérieure prenait jour à la naissance même de la voûte. En la supposant ouverte, et en admettant que la voûte soit de l'époque, elle n'eût pu éclairer que le comble.

Voici maintenant les particularités les plus saillantes relativement à la décoration sculpturale qu'il y ait lieu de signaler. La pierre qui forme le centre de l'arcade inférieure nous présente une scène cynégétique assez délicatement traitée. D'un côté un chasseur ou un centaure armé de l'arc de l'autre un cerf poursuivi par un chien quelques feuillages figurent la forêt.

Pour le surplus, l'arcade supérieure, avec ses chapiteaux élégants et son triple rang de zig-zags, n'offrirait rien d'exceptionnel si elle ne servait d'encadrement à une sculpture du plus haut intérêt au point de vue de l'art religieux.

Elle représente le Christ portant le nimbe crucifère (ndw : voir photo "Christ en majesté, bas-relief du XIIème siècle" de Normandie Héritage plus bas), les pieds nus, assis dans une attitude hiératique sur un siège dont les bras sont terminés par une boule. Le visage est jeune, la barbe est taillée en pointe. Le Christ bénit de la main droite et tient de la main gauche un bâton terminé par une croix. Il porte deux vêtements une robe aux plis raides et symétriques, et, par dessus, une sorte de manteau terminé en pointe sur le devant.

Nous n'avons pas besoin d'insister sur la valeur de cette représentation du Christ qui rappelle celle qui se trouvait à Caen, à l'église Sainte-Paix, et dont M. de Caumont a donné une reproduction fort exacte dans son Abécédaire monumental Mais c'est là que se pose la question que nous avons précédemment indiquée.

Cette sculpture est-elle bien à sa place ? N'a-t-elle pas plutôt été adaptée après coup, tant bien que mal, à cette ouverture ?

C'est cette seconde hypothèse qui nous paraitrait la plus vraisemblable.

A moins de supposer chez les ouvriers de ce temps une maladresse tout à fait extraordinaire, il faut admettre que la sculpture n'a pas été faite pour l'ouverture dans laquelle elle a été encastrée. Elle y est placée, en effet, de la façon la plus irrégulière, laissant à droite et à gauche des vides de largeur inégale, qui ont été remplis très grossièrement par des pierres de rapport. L'ornementation même de cette ouverture, analogue à celle de toutes les fenêtres proprement dites, semble exclure dans la pensée du constructeur l'existence du complément qui est venu l'obstruer plus tard.

Je serais par conséquent porté à penser que le Christ, qui apparaît d'une façon absolument insolite à l'ouverture supérieure de l'abside extérieure n'occupait pas originairement cette place. Il provient, ou d'un autre édifice, ou plus vraisemblablement d'une autre partie de l'église qui, ainsi qu'il est facile de le voir, a subi des remaniements nombreux et de véritables transformations.

Ajoutons que, pour témoigner de son intérêt à l'oeuvre de recherche et de restauration qui se poursuit à Savigny, la Société française d'Archéologie, à ma demande et sur la proposition du savant et dévoué directeur de la Compagnie, M. le comte de Marsy, a accordé à M. le curé, avec une médaille d'argent, une subvention de cent francs.

Par M. E. de BEAUREPAIRE

Source :

  • Titre : Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie
  • Auteur : Société des antiquaires de Normandie
  • Éditeur : Société des antiquaires de Normandie (Caen)
  • Date d'édition : 1860

Histoire

L'église Notre-Dame de Savigny est datée de 1128, elle est donnée en 1165, par Geoffroy de Brucourt, à la collégiale de Sainte Barbe en Auge, qui possédait déjà à Savigny un prieuré fondé en 1107.

M. l'abbé Aristide Joubin, curé de Savigny, près Coutances est décédé le 11 novembre 1896, dans sa quarante-cinquième année.
M. Joubin était un prêtre distingué, auquel on doit la découverte et la conservation des peintures murales si curieuses de l'église de Savigny.

photo pour Eglise

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 81451
  • item : Eglise
  • Localisation :
    • Basse-Normandie
    • Savigny
  • Code INSEE commune : 50569
  • Code postal de la commune : 50210
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Date de protection : 1970/12/07 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/11/22

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • Le décor est composé de : 'peinture'
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Peintures murales classées O.M. 10 07 1905 (arrêté).
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : 1304c5d4decc027ba590252dd815983c.jpg
  • Détails : Eglise (cad. D 280) : inscription par arrêté du 7 décembre 1970
  • Référence Mérimée : PA00110610

photo : Normandie Héritage

photo : Normandie Héritage

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