Château de Pirou

Bâti au XIIe siècle sur un îlot artificiel entouré de trois douves et de cinq portes fortifiées, le château fort de Pirou, doté de hauts remparts, est le plus anciens des châteaux forts normands.

Légende

Pirou est un ancien château de la Basse-Normandie, assis sur la côte du Cotentin, entre Coutances et Lessay.

Il fut aussi habité par des fées , qui avaient subi une métamorphose singulière. Ces fées étaient filles d'un grand seigneur du pays, célèbre magicien ; elles avaient bâti le château de Pirou, bien des années avant l'invasion des Normands, et elles y passaient leurs jours ensemble dans la plus édifiante union.

Troublées dans leur solitude par la descente des pirates norwégiens, et redoutant les violences de ces barbares, elles imaginèrent, pour s'y soustraire, de se transformer en oies sauvages.

Il n'est que la vieillesse et l'expérience pour s'inventer d'admirables précautions. Malgré leur métamorphose, les fées de Pirou n'abandonnèrent pas leur demeure. Les anciens du pays vous confirmeront que, tous les ans, le 1er de mars, une troupe d'oies sauvages revenaient habiter les nids qu'elles s'étaient creusés dans les murs du château de Pirou.

Légende rapportée par Amélie Bosquet dans La Normandie romanesque et merveilleuse.

Excursion description

« Pirou, en Normandie, diocèse de Coutances, seigneurie une des plus anciennes de cette province, titrée de marquisat, qui a donné son nom à une famille éteinte depuis longtemps. »

« Pirou est un ancien château garni de tours ; devant se trouve une grande mare dite la mare de Pirou, et qui est remarquable en ce sens que le flux et le reflux de la mer s'y fait apercevoir. »

En réunissant les matériaux pour une Histoire de la Châtellenie de Tracy, au canton de Vire (Calvados), j'avais rencontré, à diverses reprises, les noms de plusieurs seigneurs de  Pirou, commune du canton de Lessay, arrondissement de Coutances (Manche).

Un de mes amis, qui avait vu le vieu donjon de Pirou, son château, ses fortifications et ses fossés encore remplis d'eau, m'engagea, si l'occasion se présentait, à l'aire une excursion dans cette commune, à laquelle il attribuait une origine saxonne, et queBullet fait remonter, paraît-il, à l'époque celtique.

Cette excursion s'imposa. En effet, je m'étais livré a de nombreuses recherches sur Guillaume de Pirou, seigneur de Tracy et de Pirou, et sur Philippot de la Haye, un autre seigneur de Pirou, avec lequel Guillaume d'Amphernet, seigneur de Tracy, partageait l'hommage dû au roi pour son fief de Tracy, et tous les auteurs que j'avais consultés parlaient du fief de Pirou comme d'un fief important dans les siècles de chevalerie.

Ayant élargi le cercle de mes investigations à l'occasion d'une notice que je préparais sur la baronnie et les barons de Brécoy, je me trouvai en présence des soigneurs de Pirou eux-mêmes, par suite de la fusion des familles de Vassy, de Brécoy, et du Bois, de Pirou. Une visite au château de Pirou, devenait donc nécessaire tant pour les constatations matérielles que pour le groupement des traditions que les vieillards du pays pouvaient encore conserver.

C'est au mois de juillet dernier (1883), que s'effectua ma course dans le pays Cotentinais. Arrivé le soir à Coutances, je pris toutes les dispositions nécessaires pour traverser la lande de Lessay, — dont la mauvaise réputation n'existe plus que dans les souvenirs des vieux marchands forains et dans l'Ensorcelée de M. Barbey d'Aurevilly, — et parvenir le lendemain, dès la première heure, aux ruines de Pirou.

Le lendemain samedi, huit juillet, vers huit heures du matin, j'aperçus dans le lointain, le bourg de Pirou et à quelque distance à travers les arbres, le château, but de mon excursion. Cette distance fut bientôt franchie et, après un parcours d'une trentaine de mètres au milieu de petits arbres, chétifs et rabougris, je parvins au pont qui faisait autrefois communiquer le dehors avec la première enceinte des fortifications du château de Pirou. Mon attention fut attirée, dès cet endroit, par la présence de deux constructions situées de chaque côté de l'extrémité intérieure du pont. Ces constructions voûtées devaient servir de corps de garde aux défenseurs du château. Les petites ouvertures rondes percées de distance en distance dans les murs permettaient
devoir ce qui se passait dans la campagne.

A l'intérieur de ces deux corps de garde dont les murailles mesurent un mètre et plus d'épaisseur, le fermier du château de Pirou me montra l'ouverture de deux puits étroits de forme carrée, dont l'un, celui du nord, est maintenant rempli d'eau; et dont l'autre, celui du sud, parait encore très profond, si on en juge par le temps relatif qui s'écoula entre le moment où une pierre fut jetée par lui et celui où je l'entendis rebondir dans les profondeurs du sol. Ce sont, d'après les traditions constantes et généralement admises, les orifices des deux souterrains qui communiquaient l'un, avec la campagne, auprès de;
de l'ancienne mare de Pirou, maintenant desséchée, et l'autre avec le donjon, en passant sous les fossés intérieurs dont le fond est pavé de larges dalles en granit. La descente serait serait assez facile dans le souterrain du midi qui atteint de telles hauteurs, au dire des habitants, qu'à une faible distance, des cavaliers y circuleraient facilement.

Plus loin, à l'intérieur et à quarante pas environ, on trouve une autre enceinte carrée dont les portes sont cintrées. Dans l'épaisseur des murs, à l'intérieur, sont pratiquées des niches également à plein cintre, établies de manière qu'un homme puisse s'y asseoir ; chaque niche entre l'entrados du cintre et le banc en pierre qu'elle contient mesure un mètre vingt-cinq centimètres de hauteur, et à la hauteur de ce banc quatre-vingt-quatre centimètres de largeur. Il n'y a pas lieu de douter que ces niches ne fussent destinées aux soldats qui gardaient l'entrée du château ; ils pouvaient, en s'y asseyant, se mettre à l'abri de la pluie et se reposer.

Toutes ces constructions sont très délabrées, et se plaignent de leur abandon ; le chêne, le hêtre et le lierre, fidèles compagnons des lieux d'où la vie se retire, y poussent pêle mêle ; on constate avec un vif sentiment de tristesse que le silence le plus complet règne là où autrefois retentissaient les appels réitérés des hommes d'armes de Pirou, et où aussi se firent entendre, à diverses reprises, les cris de rage et le râle des mourants, auxquels se mêlaient les cris de joie féroce des Anglais vainqueurs.

Le château de Pirou, — dont la partie la plus ancienne remonterait, d'après MM. de Gerville et Renault, au temps où la famille du Bois le possédait, et dont la partie la plus moderne daterait seulement de deux siècles, — est des plus remarquables. Il est renfermé dans la troisième enceinte. Séparé de la seconde par des fossés profonds qui atteignent quinze à seize mètres dans leur plus grande largeur et six à sept mètres dans leur plus petite, ce château n'offre aucun accès au nord. L'ancien pont levis se trouve de l'autre côté au midi et donne entrée dans la cour intérieure.

Le donjon et le château pouvaient donc opposer une longue résistance à cause des ouvrages avancés et de la largeur des fossés qui les environronnaient et eu défendaient les approches. Malheureusement, ce château a subi de nombreuses et importantes modifications pendant les derniers siècles, alors que la féodalité avait disparu, et que la cuirasse avait fait place au pourpoint de velours. Il faut constater la disparition des plus beaux appartements du donjon féodal; ce qui en reste devait être affecté à la garnison : les appartements des châtelains ont été remplacés par les constructions modernes du sud-ouest. Toutefois, une partie des murailles du vieux donjon, murailles d'environ deux mètres d'épaisseur, sont couronnées par une galerie, et, dans les
murs du donjon, on remarque des meurtrières. Mais là, aussi, les siècles ont passé apportant avec eux leurs changements, leurs moeurs ; et un fermier remplace maintenant dans ce château tombant de vétusté, les seigneurs dont les noms brillent à presque toutes les pages de notre histoire.

Je parcourus, grâce à sa bienveillance, tout l'intérieur du château. Aucune salle n'est restée dans son état primitif, les unes ont perdu complètement leur antique aspect, les autres paraissent s'étonner des couches de badigeon dont elles ont été revêtues en maint endroit. Les dortoirs de la garnison paraissent avoir conservé seuls, partie de la physionomie d'autrefois. Mais tout est mesquin à l'heure actuelle dans cette demeure ; il est préférable d'en contempler l'extérieur.

Je pensais retrouver quelque part au château de Pitou, les écussons ou armoiries des anciennes familles qui l'ont possédé, mais, malgré une minutieuse attention, je n'en ai vu aucunes traces.

On m'avait entretenu pendant le trajet de Coutances à Pirou, de la vieille et constante légende des oies de Pirou ; j'en parlai au fermier. Il la connaissait parfaitement On la raconte toujeurs à Pirou, me dit-il, mais les oies sauvages ont abandonné les murailles et les fossés du château, les fermiers, ses prédécesseurs, ayant cessé de leur construire des nids. Toutefois, on voit encore beaucoup de ces volatiles dans les marais ; mais les habitants de la commune affirment qu'ils n'ont rien de commun avec les descendants des guerriers transformés en oies pour échapper du blocus où les retenait le premier duc normand Rollon, et que ces derniers constatant, après maintes recherches dans les fossés, que les livres magiques étaient introuvables, auront renoncé à de lointaines pérégrinations désormais sans but pour eux.

Cette légende des oies de Pirou a été souvent narrée ; on la trouve dans les Mélanges d'Histoire et de littérature, de Vigneul-Marville, dans le Dictionnaire Celtique de Bullet,dans le Grand Dictionnaire historique de Morcri, dans les Notices sur les anciens châteaux de la Manche, par M. de Gerville, dans la Statistique monumentale de l'arrondissement de Coutances, par M. Renault, et dans une chronique de notre compatriote normand Jean de Nivelle, publiée dans le Soleil, reproduite dans le Moniteur du Calvados. Jean de Nivelle ne nous gardera pas rancune de lui emprunter son récit :

Cela ne date pas d'aujourd'hui ; cela se passait du temps de Rollon, premier duc de Normandie, qui, avant d'être investi de son duché, par le roi de France, bataillait pour son compte, se disant, sans aucun doute, que la besogne faite, il n'y aurait plus qu'à consacrer la chose accomplie. Depuis lors, j'ai retrouvé le récit dans les livres, sans la moindre variante, mais dépourvu de la couleur que savait lui donner le conteur naïf. Peut-être aussi qu'alors il frappait davantage ma jeune imagination, très mal à l'aise, quand la nuit était venue, après l'audition de quelque histoire fantastique ; et quand le vont d'hiver, sec et sifflant, apportait mille bruits insolites qui font que l'enfant, comme malgré lui, cherche la sécurité sous ses couvertures. Or, il arriva que le bon Rollon, s'étant emparé de tout le Cotentin, se trouva, un beau jour, arrêté devant les murailles du château de Pirou, dont l'origine se perdait dans la nuit des temps, et que l'on disait bâti par les fées.

Aujourd'hui, les fées ne bâtissent plus rien et se sont retirées d'un monde où l'on ne croit plus à leur puissance. Dans ce temps là, il n'en était pas de méme, et il était visible pour chacun, que ces larges fossés avaient été creusés, et que ces tours et donjons, merveilleusement hauts, avaient été construits par des puissances surnaturelles. Sans quoi, donjons, murailles et fosses n'auraient pas plus arrêté l'invincible Rollon, que tant d'autres châteaux-forts dont il avait eu raison, rien qu'en se montrant au pied des murs, avec ses hommes qui ne plaisantaient pas et que rien n'était capable de faire reculer. Aussi, fut-il grandement surpris d'une résistance qu'il n'attendait pas, et, ne pouvant prendre la place de vive-force, l'investit. Le Normand, quoique vaillant et hardi, était prudent et sage, et savait que la lutte n'est plus possible, quand on n'a plus rien à se mettre sous la dent.

De leur côté, les défenseurs du château de Pirou avaient solennellement juré de défendre jusqu'à la dernière extrémité et de ne céder que devant la famine, qui arriva. Un beau matin, le futur duc de Normandie fut fort surpris de ne plus voir porsonne sur les remparts. Derrière les murailles, le silence était complet ; on eût dit une forteresse abandonnée. D'abord, le rusé crut à une ruse; mais, le silence se prolongeant outre-mesure, il finit par juger bon de
s'en assurer, fit dresser des échelles et lancer des multitudes de projectiles pour protéger les assaillants, qui couronnèrent bientôt les remparts, sans rencontrer la moindre résistance et reconnurent que la place était vide. Par où les assiégés avaient-ils pu fuir ? Comment s'étaient-ils dérobés ? Peu importait! Le château de Pirou appartenait aux Normands, qui se promettaient bien de n'en point déloger.

Or, voici ce qui s'était passé. Les seigneurs de Pirou, gens experts en magie de père on fils, se voyant réduits à la dernière extrémité et ne voulant point se rendre aux brigands du Nord, s'étaient transformés en oies sauvages et avaient pris leur vol, en passant par dessus les assaillants, qu'ils saluèrent sans doute de leurs cris. Mais allez donc croire que des guerriers bardes de fer, puissent se changer en oies sauvages et remplacer leurs armures par un épais duvet et leurs voix mâles en cris disgracieux ! Seulement, dans lour empressement à accomplir l'oeuvre magique, les seigneurs oublièrent de consulter le grimoire où se trouvait indiquée la manière de reprendre la forme humaine, si bien que, oies devenus, à leur gré, oies ils sont restés depuis en dépit de tous.

Depuis lors, à ce que raconte la tradition, il ne se passait pas une année, sans que les pauvres oiseaux revinssent au nid, c'est-à-dire au château, faisant leurs couvées dans les fossés, dans les trous et crevasses des muraille ruinées, tant et si bien que, d'année en année, il en revenait des quantités de plus en plus considérables, au point d'obscurcir le ciel, sur une vaste étendue, car un chacun sait que les oiseaux sont plus prolifiques que les chevaliers, de sorte que toutes les oies sauvages qui se ruent, en hiver, sur la côte bas-normande, descendent peut-être des seigneurs de Pirou, condamnés à jamais par expiation d'un moment de négligence. D'autant plus que les Normands de Rollon, pour se venger du temps qu'on leur avait fait perdre, avaient commencé par brûler le château, et, bien entendu, tous les livres qui s'y trouvaient, sans excepter les livres de magie.

A mon avis, un fait moral se dégage de cette légende; mais son développement immédiat me conduirait trop loin ; il prendra place dans un travail plus important sur la chàtellenie de Pirou.

  • Titre : Notice sur les seigneurs de Pirou
  • Auteur : Brunet, Victor-Armand (1849-19..)
  • Éditeur : Impr. de A. Guérin (Vivre)
  • Date d'édition : 1884

voir aussi les photos du château de Pirou sur le site de Normandie Héritage.

photo pour Château de Pirou

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 81301
  • item : Château de Pirou
  • Localisation :
    • Basse-Normandie
    • Pirou
  • Code INSEE commune : 50403
  • Code postal de la commune : 50770
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : manoir
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Date de protection : 1968/07/04 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/11/22

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :3 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • élévation
    • toiture
    • abords
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : 1992
  • Photo : a886feb1fa033d5229f73739c9e781b4.jpg
  • Détail :
    • Façades et toitures
    • abords du château (cad. D 643 à 645, 651 à 657) : inscription par arrêté du 4 juillet 1968
  • Référence Mérimée : PA00110540

photo : Normandie Héritage

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