photo : michel
Le canton de Granville, qui nous reste a parcourir, est encore plus remarquable. Dans le principe, Granville n'était qu'un rocher aride et désert. En 1206, on pensa qu'il convenait de placer, sur ce point le plus avancé et le plus éminent de la côte, la statue de celle que l'Église appelle l'Étoile de la mer, afin que de son regard elle embrassât et protégeât toute cette baie si remplie de récifs. Dans cette vue, Jean d'Argouges obtint de Philippe-Auguste la concession du rocher, et on y éleva la belle église de Notre-Dame qu'on y voit aujourd'hui. Dès lors, un pèlerinage s'y établit, des habitations se fondèrent tout autour, et la ville prit naissance. C'est ce que nous apprend Charles VII dans une charte mémorable: « C'est une place et champ sur un roc, presque tout environné de mer, dit-il, auquel n'était aucun édifice ni habitation. On y a fait une église parochiale très-dévote, fondée en l'honneur et révérence de Notre-Dame. Ladite place nommée Granville, que l'on dit être un des plus anciens pèlerinages de notre pays de Normandie, et où sont avenus et aviennent souvent beaux et apparents miracles. »
En 1440, on fit de Granville une place de guerre et on y éleva des ouvrages de défense. Les Anglais, pendant la guerre de l'Indépendance, vinrent en effet la bombarder; mais, chose merveilleuse, unique dans les fastes militaires, toutes les bombes allèrent s'ensabler dans la grève; pas une ne tomba sur les maisons ni dans l'intérieur de la ville; pas une ne fit de dégât. Dans leur reconnaissance pour Marie qui avait si visiblement protégé leur cité, les habitants lui érigèrent au pignon de l'église une statue qui domine la ville entière, tenant un boulet dans la main et divers autres boulets dans les plis de ses vêtements.
Tous les environs de Granville offrent également des souvenirs de la sainte Vierge. Dans les terres, c'est Notre-Dame de Kairon; sur la mer, c'est la chapelle des rochers d'Ecréhon, entre Jersey et Carteret. Ces rochers d'autant plus dangereux que, s'élevant a peine au-dessus de l'eau, ils ne peuvent que difficilement être aperçus, et par conséquent être évités au moment de la tempête ou au sein de l'obscurité, avaient été donnés en 1203 par Pierre des Préaux à l'abbé de Valricher, à condition qu'on y élèverait une église consacrée a Marie, Basilicam in honore Dei et beatae Mariae, et qu'on y entretiendrait deux religieux pour y célébrer tous les jours les saints mystères. L'abbaye exécuta le contrat avec fidélité ; mais l'édifice a force d'être battu par les flots s'écroula. Il n'en resta que les ruines qu'on trouve encore marquées dans une carte de 1687, par Mariette; et ces ruines elles-mêmes ont fini par disparaître: aujourd'hui les rochers restent seuls, et les flots les recouvrent dans toutes les hautes mers.
Source : Notre-Dame de France, L'histoire du culte de la Sainte Vierge par André Jean Marie Hamon 1865.
Source : Ministère de la culture.