Dans la commune de Sainte-Gemmes d'Andigné, arrondissement de Segré, existe un château nommé la Blanchaye, appartenant à M. Fortuné d'Andigné. Une chapelle, dite de Saint-Claude, en fait partie; elle est ornée d'un autel où l'on voit, au retable, un très-curieux bas-relief en pierre calcaire, je devrais plutôt dire haut-relief, tant les personnages qui le composent se détachent en forte saillie. La pierre a cela même de particulier qu'à sa base elle est plus épaisse qu'à son sommet. Cette épaisseur a été ménagée afin de mieux accentuer le premier plan de la scène qui s'y développe. Ce procédé, vraiment ingénieux, méritait d'être signalé.... Ce bas-relief conserve encore de nombreuses traces de peintures finement appliquées. Il représente Notre-Seigneur crucifié entre les deux larrons. Trois anges, tenant chacun une coupe en forme de calice, reçoivent le précieux sang qui coule des plaies du Sauveur. Au pied de la croix, paraissent les saintes femmes, puis les soldats armés de hallebardes et de lances. Quatre cavaliers, aux montures élégamment caparaçonnées, deux à droite et deux à gauche, forment le principal groupe. L'un de ces chevaux présente un raccourci qui accuse de la part du sculpteur une sérieuse entente de la perspective.
Le bon larron se distingue par un ange au-dessus de sa tête, le mauvais par un démon aux ailes de chauvesouris.
A gauche du spectateur, on voit un prie-Dieu devant lequel, vêtu de sa cotte d'armes, est agenouillé un chevalier; derrière lui, paraît un abbé debout et armé d'une crosse : c'est son patron.
A droite, on distingue un autre prie-Dieu et une dame agenouillée qu'un personnage patronne également.
Sur l'un des côtés du prie-Dieu, on remarque un
blason chargé d'un chevron cantonné de trois pommes de pin, malheureusement les émaux sont méconnaissables. Ces deux personnes agenouillées sont évidemment les donateurs du bas-relief. Les archives de la Blanchaye pourraient donner des renseignements à ce sujet.
Quoi qu'il eu soit, ce beau travail, de l'époque du XVIe siècle, est d'une charmante exécution. La composition en est très-heureuse et rappelle, par son ordonnance et ses costumes, certains tableaux de l'école flamande.
M. Chapeau, sculpteur, chargé de le restaurer, est en voie d'accomplir sa tâche avec habileté.
Ce bas-relief est vivant, les nombreux personnages s'y meuvent à l'aise et sans confusion; c'est une belle page du drame divin à conserver.
Source : Répertoire historique et archéologique de l'Anjou par Académie des sciences, belles-lettres et arts d'Angers. Commission archéologique de Maine et Loire 1866.