Château de la Garde-Guérin

La garde Guérin et ses consuls

I

A l'extrême limite Est du département de la Lozere, presque au versant d'an vaste plateau granitique d'où le point de vue s'étend jusque sur le littoral de la Méditerranée, se trouve le village de La Garde-Guérin (commune de Prévenchères). Sa situation, les fortes murailles qui l'entourent, ses fossés taillés dans le roc, son château flanqué de hautes tours carrées, tout indique que La Garde était une position militaire très-importante.

Placé auprès de la voie Régordane, ancien chemin romain, défendu d'un côté par d'affreux escarpements, à plus de 850 mètres au dessus du niveau de la mer, enfin aux limites du pays des Gabales, le château de La Garde désignerait incontestablement une de ces anciennes stations romaines, un lieu de gîte pour les voyageurs qui fréquentaient cette route. On comprend d'ailleurs que, sur ce plateau élevé, sous un rude climat, les abris ne pouvaient être trop multipliés.

Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas à nous occuper du rôle qu'a pu remplir cette localité, soit pendant l'occupation romaine, soit sous les premières races de nos rois. L'intérêt qui s'attache à La Garde-Guérin est tout entier dans son organisation féodale dès le milieu du XIIe siècle ; organisation curieuse qui n'eut peut-être pas sa pareille en France.

La Garde était habitée par un certain nombre de nobles pariers nobiles pariarii formant entre eux une association ou communauté. Elle était présidée par deux consuls et reconnaissait pour chef suprême l'évêque de Mende.

Chaque membre de l'association devait avoir une maison forte dans l'enceinte du village.

La parerie (Pareria, parerie ou coseigneurie), c'est-à-dire la portion d'un parier, s'aliénait parfois par acte de vente ; l'évêque en donnait l'investiture à l'acquéreur et pouvait, s'il le jugeait convenable, retenir la parerie par retrait féodal.

Les pariers avaient en commun la haute et la basse juridiction dans le village, mandement et dépendances de La Garde-Guérin. Ils percevaient le droit de péage sur la voie Régordane et c'était l'une des branches les plus importantes de leurs revenus. Ils avaient le droit de guidage, d'arrière-guidage (droit que les seigneurs levaient pour la sûreté du passage et du transport des marchandises par leur terre. Au moyen de ce droit, acquitté par les marchands, les seigneurs les garantissaient de tout vol) et de cartalage (Cartilage ou Cartelage, droit perçu pour les denrées qui se mesuraient à la carte).

Tous les émoluments provenant de la perception de ces divers droits étaient divisés par égale part entre les nobles pariers et distribués au prorata des paieries qu'ils possédaient.

Toutefois, parmi les pariers, quelques-uns n'avaient aucun droit sur la juridiction et sur le guidage ou arrière-guidage, mais seulement sur le péage, cartalage, et autres revenus.

Au milieu du XIVe siècle, le nombre des pareries était de vingt-sept, dont vingt-une appelées vives et six appelées mortes. Les premières avaient part à la haute et à la basse juridiction. Les pareries mortes n'avaient droit qu'à la basse, et ne contribuaient à aucune dépense.

Il n'y avait que deux sortes de pareries: les pareries entières et les demi-pareries.

Chaque année, les seigneurs pariers élisaient deux membres de la communauté qui prenaient le titre de consuls-nobles de La Garde-Guérin. Ils devaient prêter serment de fidélité entre les mains de l'évêque ou de son délégué.

Les consuls étaient comme les chefs de l'association; leur fonction durait une année. Ils devaient avoir l'œil à tout ce qui intéressait la communauté, exiger les rentes et revenus généraux qui consistaient en rentes nobles, péage, mesurage, charroi, courtage et autres redevances sur les denrées vendues aux foires et marchés qui se tenaient à La Garde.

Ils procédaient à la répartition et distribution des revenus entre les pariers.

Ils veillaient à l'entretien des murailles de la forteresse, de l'enceinte des remparts, des ponts et chemins de la seigneurie. Ils avaient l'administration à l'hôpital.

Mais le principal soin des consuls était d'être attentifs à la sûreté du pays, à appeler et à réunir, dans les occasions ordinaires et extraordinaires, les nobles pariers, défendre leurs droits et prérogatives, et, avec leurs enfants, serviteurs et emphytéoles, former un corps pour résister aux incursions, guerres et pillages qui n'étaient pas rares à cette époque.

Un article des statuts excluait de la participation aux revenus les enfants ou les frères d'un parier impropres au service militaire.

Les consuls de La Garde-Guérin étaient appelés aux assemblées annuelles des Etats particuliers du Gévaudan. Ils prenaient ainsi une part active à l'administration du pays.

De concert avec les pariers ils créaient leur bailli, leur notaire, le sergent et les autres officiers de La Garde et de son mandement.

Le sceau des seigneurs pariers nous est parvenu. En voici la description:

Dans le champ, sur un cheval au galop, un cavalier de profil, coiffé du heaume, l'écu au bras droite ! l'épée levée de la main gauche. La légende en caractères gothiques est ainsi conçue : Dominorum de la Garda. Au revers : Un saint Michel foulant aux pieds un dragon et lui enfonçant dans la gueule la pointe d'une lance. La légende est : S, Michaëlis archangeli.

St-Michel était le patron de là communauté des pariers, et la chapelle de La Garde-Guérin était placée sous le vocable de cet archange.

II

Au milieu du XIIe siècle, le château de La Garde. était un asile de malfaiteurs, un repaire de brigands. Ces malheureux étaient la terreur de la contrée. Non contents de dépouiller les voyageurs, ils les maltraitaient cruellement, souvent ils leur arrachaient la vie.

Les tristes exploits de ces malfaiteurs redoutables avaient ému les populations. Plus d'une fois les prélats des diocèses limitrophes (Mende, Uzès et Viviers) avaient essayé, mais en vain, de mettre un terme à cette calamité.

Aldebert, surnommé le vénérable, de la noble famille Du Tournel, évêque de Mende, qui avait déjà mis à la raison plusieurs de ses vassaux remuants et inquiets, et qui le premier fit entourer de remparts sa ville épiscopale, entreprit de dompter les hôtes dangereux de La Garde. Il employa d'abord la persuasion et les armes spirituelles ; elles n'eurent aucun succès. Il se mit alors à la tête de la noblesse du pays et vint assiéger les brigands dans leur formidable repaire. Forcés de se soumettre, ils durent se rendre à Mende pour implorer la clémence du vainqueur. Le prélat se laissat fléchir, et, chevaliers, leurs fils, leurs serviteurs, les enfants, les vieillards, tous, en présence d'une foule immense, renoncent solennellement à leur triste métier, promettant sur les saints Evangiles de n'exercer désormais aucune violence sur les voyageurs. L'évêque leur imposa une pénitence en expiation à leurs forfaits.

Dès lors, les voyageurs purent traverser en toute sécurité cette route, et La Garde ne fut plus un lieu redouté, un lieu d'épouvante et de terreur.

Tout en croyant à la sincérité delà promesse des habitants de La Garde, Aldebert le Vénérable, par mesure de prudence, dut confier la surveillance du château à un seigneur influent du pays. Ce fut probablement à un membre de la noble et puissante famille de Randon, à un Guérin ou Garin, nom patronymique affecté à la branche d'Apchier et Du Tournel. Dès lors au nom de La Garde on ajouta celui de Garin ou Guérin castrum de Garda-Garini.

L'évêque donna, avec divers droits et revenus, des règlements à la petite communauté.

Guillaume II de Peyre, évêque de Mende, successeur d'Aldebert, reçoit, en 1207, le serment de fidélité de Guigon de la Garde. Ce vassal promet par les saints Evangiles d'être, pendant toute sa vie, obéissant et fidèle au prélat son seigneur. Il s'efforcera d'exécuter ses ordres, n'aura aucune liaison avec ses ennemis ; ne fera rien contre lui ni contre l'église de Mende. Enfin, s'il ne peut détourner les projets qui menaceraient le prélat, il lui en donnera connaissance aussitôt qu'il pourra.

Ce serment fut confirmé par le frère de Guigon, Gaucelin, qui se porta caution pour lui, s'obligeant, en cas d'infraction de la foi promise, à se mettre au pouvoir de l'évêque, là où il lui serait ordonné de se rendre. Galtier et Guillaume de La Garde font la même promesse. Pons, Raymond et Guillaume de Châteauneuf, surnommé le domp, Blavi, Pons, Etienne, Guillaume d'Altier et Guillaume de Navis, s'engagent pour une somme de mille sols. Guy de Châteauneuf, comtor, et G. Mescliin, le Jeune, se portent caution pour pareille somme en faveur de Gaucelin.

Parmi les témoins présents à cet acte figurent Guillaume de Peyre, Jourdan Du Tournel, Brunel de Châteauneuf, Guillaume de Nogaret, B. de Morangiés, M. de Servieres.

Etienne, évêque de Mende, successeur de Guillaume de Peyre, s'étant rendu à La Garde, les seigneurs pariers le prièrent de vouloir bien expliquer certains points obscurs de leurs statuts et de rédiger quelques articles explicatifs, afin de mettre un terme aux contestations qui s'élevaient souvent entre eux au sujet des anciennes coutumes.

L'évêque accepta, mais, ne pouvant prolonger son séjour au château, il invita les pariers à revoir eux mêmes leurs statuts et à y ajouter ce qui leur paraîtrait utile. Il leur promit de leur envoyer bientôt son officiai, Raymond Atger, homme prudent et discret. Ce qu'il fit dès son arrivée à Mende.

En conséquence, les coseigneurs se réunissent le 20 mai 1238 dans la chapelle St-Michel, et, sans préjudice pourtant des anciennes coutumes et constitutions, adoptent les articles suivants :

  • L'hérédité d'un parier sera partagée entre ses fils ou héritiers, s'ils sont chevaliers, alors même qu'ils auraient moins de vingt ans. Toutefois, l'aîné aura seul le droit de péage, de cartalage et d'arrière-guidage. Les autres enfants ne participeront à ces droits que lorsqu'ils auront été reçus chevaliers. Si le fils cadet, âgé de plus de 16 ans, était fait chevalier avant l'aîné, il aurait la jouissante de ces divers droits ; ce dernier ne pourrait y prétendre avant d'être chevalier. Ce qui s'observe à l'égard de deux frères, le sera lorsqu'il y en aura un plus grand nombre.
  • Le seigneur parier pourra instituer pour héritier le plus jeune de ses enfants.
  • Celui qui aura moins d'une demi-parerie dans le domaine du château ne pourra prétendre à aucun droit sur l'arrière-guidage.
  • La paierie ne pourra être divisée qu'en deux portions.
  • L'acquéreur d'une parerie ou d'une demi-parerie pourra la transmettre, nue et sans augmentation, à ses héritiers. Toutefois ils n'auront aucun droit sur l'arrière-guidage ni sur les autres revenus.
  • Un parier peut transmettre sa portion à ses enfants, mais s'ils perçoivent déjà quelques droits, la portion du père s'éteint à sa mort.
  • Celle d'un parier étranger ne peut, à sa mort, être transmise qu'à son héritier universel.
  • Aucun parier ne peut, pour cause de lucre, pas même pour cause de dot, acquérir une autre portion. S'il reçoit une parerie du chef de son épouse, il percevra seulement les droits de péage et de cartalage. La perception de ces droits cessera à la mort de sa femme.
  • Si le parier meurt laissant deux ou plusieurs filles, le droit d'arrière guidage n'appartiendra qu'à celle qu'il aura-désignée. S'il n'a pas fait ce choix, ce droit sera en faveur de celle d'entre les sœurs qu'elles-mêmes désigneront.
  • Les personnes promus aux ordres sacrés majeurs, les religieux, ne pourront acquérir, posséder, ni même conserver aucun droit dans le domaine du château.
  • Celui qui veut aliéner sa parerie, est tenu de la vendre à la communauté des pariers au prix de 60 livres pougeoises et la moitié 30 livres de la même monnaie. Si la communauté refuse, il pourra la céder à tout autre acquéreur.
  • Pour avoir droit à l'arrière-guidage, l'héritier d'une parerie doit avoir sa résidence à La Garde Guérin.

La même année Albert et Maurand, frères pariers, voulant vendre leur parerie, refusaient de se soumettre à l'article des nouveaux statuts qui en fixait le prix à 60 livres. De là des contestations. Toutefois, pour éviter les ennuis d'un procès, on soumit le différend à Thomas de La Garde, ecclésiastique d'un grand mérite, avec promesse réciproque de la part des pariers de se soumettre à sa décision.

Cet arbitre prenant en considération le désir que nourrissait Maurand d'entrer en religion, décide que la communauté des pariers lui donnerait la somme de 50 livres pougeoises pour sa demi-parerie, pourvu qu'il exécute sa détermination dans un délai de quatre ans ; autrement, il ne lui sera payé que30 livres, suivant la teneur des statuts.

Cette décision, du 15 octobre 1238, fut prononcée dans la chapelle St-Michel de La Garde, lieu ordinaire des séances de la communauté.

III

La famille de Randon avait des droits assez importants à La Garde. Par acte du 28 janvier 1242, Pierre Barthélemy déclare avoir reçu et tenir de Guigues Méchin de Châteauneuf-de-Randon, seigneur d'Altier, tout ce qu'il possède dans le château et mandement de La Garde.

Ce Guigues Meschin, était fils d'Odilon Guérin et de Marguerite Du Tournel. Le 15 avril 1226, ces seigneurs avaient écrit au roi de France « qu'ils possédaient leurs terres en fief de l'église de Mende ou de l'abbaye de St-Gilles ; mais qu'ils les lui offraient comme à leur seigneur principal, avec promesse de recevoir son armée chez eux si elle passait dans le Gévaudan. Ils chargèrent l'abbé de Saint-Gilles, pour lors à la cour, d'assurer le prince de leur fidélité et qu'ils n'avaient aucune liaisons avec Raymond, comte de Toulouse. »

Des contestations s'élevèrent de nouveau, entre les chevaliers et damoiseaux pariers de La Garde, au sujet des émoluments du péage et du cartalage. Armand de Peyre, prévôt de l'église du Puy et Armand de Rouffinc, vicaire général de l'évêché Se Mende sont choisis pour arbitres par les vingt-cinq pariers.

L'un d'eux, Thomas de La Garde, tant en son nom qu'en celui de son neveu, exigeait la portion du péage telle que son père la percevait, c'est-à-dire deux sols pougeois sur chaque faix. Les pariers prétendaient que le neveu de Thomas, attendu qu'il n'avait pas encore 16 ans, n'avait rien à prétendre sur les douze deniers qui étaient partagés entre les divers pariers domiciliés à La Garde.

Les arbitres, après avoir pris connaissance des titres concernant la matière, décident que les émoluments du péage, qui était autrefois de deux sols pougeois sur chaque faix, géraient divisés de la manière suivante:

  • L'aîné seul des fils d'un damoiseau, s'il a vingt ans, et qu'il habite au château de La Garde, aura sa part des douze deniers.
  • Les chevaliers et damoiseaux, pères de famille, majeurs ou mineurs, pourvu qu'ils soient chevaliers, auront chacun leur portion sur les émoluments. Les absents n'y participeront point.
  • Les hommes, les enfants n'importe leur âge, les pères de famille, les femmes, les héritiers des pariers, s'ils ne sont point chevaliers, n'auront droit qu'à la moitié de ce que perçoivent ces derniers.
  • Celui qui épouse la fille d'un parier aura sa portion comme les chevaliers.
  • Celle des filles d'un parier qui sera son héritière percevra seule la portion du péage.
  • L'acquéreur d'une parerie n'aura aucun droit sur les émoluments du péage.
  • Si une parerie est donnée en dot, ni la femme ni le mari n'auront rien à prétendre.
  • Le damoiseau, fils d'un parier, n'aura rien à exiger pour sa parerie du vivant de son père, à moins qu'il ne soit fait chevalier, ou que son père n'entre en religion.
  • Le parier qui n'a point d'enfant ou qui embrasse la vie religieuse, ne peut laisser sa succession qu'à son héritier universel. S'il en institue plusieurs, celui-là seul qu'il désignera héritera de ses droits sur les émoluments du péage. S'il meurt sans avoir fait son testament, nul, pas même ses héritiers légitimes, ne pourront prétendre à la perception de ses droits sur le péage.
  • Le mari d'une femme héritière d'une parerie aura, comme les autres pariers, sa portion sur les émoluments du péage et du cartalage.

A cette époque plusieurs pariées rendaient hommage aux seigneurs de Randon. Le dernier février 1251, ces puissants châtelains reçoivent le serment de fidélité de Pierre Raymond, de Jaucelin Eraclée, de Garin et de Bernard de La Garde, d'Hugues de Cubières et de Bertrand de La Garde, pour ce qu'ils ont dans le village, l'Estrade, (c'est-à-dire la voie Regordane) et le chemin de La Garde. Ces feudataires déclarent qu'ils doivent rendre le château à chaque mutation de seigneur qui, incontinent après, le leur remettra à moins qu'il ne lui soit nécessaire pour soutenir la guerre.

Le 24 août de l'année 1253, Odilon de Mercœur, évêque élu de Mende, recevait l'hommage d'un feudataire de cette église, Gaucelin de Borne, écuyer et parier de La Garde-Guérin. L'année suivante, Pierre Eraclée et Bertrand de Pierremale lui prêtent serment de fidélité. L'acte fut dressé à La Garde dans la maison de Bertrand de La Molette, en présence de Guillaume de Montrevel, chanoine de Mende, et de Thomas de La Garde, devenu précenteur de l'église du Puy de simple clerc qu'il était quelques années auparavant.

Quatre ans après, à pareil jour, et dans la même maison, l'épouse d'Aldebert Blavi, Francone, reconnaissait tenir en fief de l'église de Mende ce qu'elle avait dans le château de La Garde, dans le mas de La Rochette, paroisse de Ghasseradès, dans le lieu du Rachas, dans les mas d'Albespeyre, du Mont, dans celui du Chambonet, paroisse de Ste-Marguerite, dans le lieu d'Elze, paroisse de St-Pierre de Malons, aux Aynes, paroisse de St-Victor de Gravières.

Quelque temps après, Guillaume Blavi approuva et ratifia l'hommage de sa mère.

En 1258, l'évêque Odilon de Mercœur dut modifier divers articles des statuts. Il le fit à la demande des pariers et de concert avec quatre d'entre eux chargés des intérêts de la communauté. En voici la substance:

  • Le parier qui a reçu de son père ou de sa mère des droits sur le péage et l'arrière-guidage, s'il n'a point d'enfants, frères, neveux ou nièces, peut transmettre ses droits à son héritier universel auquel il sera tenu de donner sa maison paternelle ou maternelle, condition sans laquelle les droits de péage et d'arrière guidage appartiendraient à la communauté.
  • Le parier qui n'a pas d'enfants, ne peut instituer qu'un seul héritier pour la même portion.
  • La parerie qui donne droit au péage et à l'arrière guidage ne peut être vendue qu'à la communauté. La valeur de la parerie est de 60 livres pougeoises; celle de la demi-parerie de 30 livres.
  • Le plus proche parent d'un parier décédé sans enfants et intestat, lui succède et jouit des droits qu'il avait sur le péage et l'arrière-guidage.
  • L'élection consulaire se fera chaque année le 15 août. Les deux consuls à élire seront pris parmi les chevaliers et les damoiseaux. En entrant en fonction, ils prêteront serment, de bien, loyalement et fidèlement surveiller, défendre et maintenir les droits de la communauté.

Ils ne pourront être réélus que trois ans après l'expiration de leur précédent consulat.

Le prélat détermine ensuite les attributions de ces magistrats en matière judiciaire.

La punition des délits commis dans la juridiction de la communauté appartient aux consuls.

Lorsque le délit a lieu sur les terres d'un parier, la punition appartient aux consuls, si le délinquant est étranger ; s'il n'est pas étranger, l'affaire ressortit alors du parier.

Un article est relatif aux actions réelles et aux actions personnelles, soit civiles, soit criminelles. On pourra avoir recours aux consuls pour éviter les lenteurs de la procédure.

Les amendes pécuniaires sont ainsi réglées :

  • Pour un coup de poing ou un soufflet, s'il y a effusion de sang, 7 sols pougeois ; s'il n'y a pas effusion de sang, 3 sols ½ ; si la blessure est faite avec une pierre, avec un bâton, ou avec un instrument tranchant, et qu'il y ait effusion de sang, l'amende est alors de 60 sols.
  • La punition sera plus forte suivant la qualité des personnes, la gravité de l'offense, le dommage causé au blessé etc.
  • La faculté de fixer l'amende contre ceux qui tiendraient ou feraient usage de mesures prohibées, fausses et illégales, est laissée à l'arbitraire des consuls.
  • La moitié de l'amende appartient au parier sur le domaine duquel le délit a été commis; l'autre moitié appartient à la communauté.

La promulgation de ces statuts eut lieu à Mende le mardi après la fête de St-Jacques apôtre, en l'année 1260.

IV

Si quelques familles de la Garde-Guérin se transmettaient, avec un religieux respect, leur antique héritage, leur parerie, d'autres disparaissaient et faisaient place à de nouveaux venus. Vers l'an 1260, Pierre Merle, appartenant à une noble et puissante maison, avait pris pied à La Garde. Il fit hommage à Odilon de Mercœur, évêque de Mende. Cet acte fut passé à St-Léger, près Verdezun.

La famille Merle avait de nombreuses possessions à Serverette. L'un de ses membres, Guillaume Merle, avait pris part aux croisades, et, lorsqu'il partit pour la terre sainte en 1202, il fit à l'église de Mende de pieuses largesses. Jusqu'à la fin du XIVe siècle, le chef de cette famille eut le privilège de conduire par la bride le cheval de l'évêque lors de sa première entrée dans sa ville épiscopale, et de devenir propriétaire de la monture dès que le prélat avait mis pied à terre. Aquest chaval me apperte, disait-il, per la novella introdo de Mossegnor ; ce cheval m'appartient pour la nouvelle entrée de Monseigneur. Ce privilège passa dans la suite dans la famille des seigneurs de Montialoux..

Les Blavi et plusieurs autres pariers de vieille souche, conservaient toujours leur ancien lustre. Guillaume Blavi fait hommage à l'évêque et lui prête serment de fidélité sur les saints Evangiles en 1260. Cet acte eut lieu dans le cimetière du prieuré de Prevencheres, en présence de Gaucelin de La Garde,chanoine de Mende, qui devait dans la suite porter la mitre épiscopale.

Mais le plus puissant, le plus illustre des feudataires de l'église de Mende était, sans contredit, Randon de Châteauneuf. A cette époque, cette noble famille était à l'apogée de sa puissance et de sa gloire. Ses diverses branches dominaient sur un grand nombre de paroisses soit en Gévaudan, soit en Vivarais, soit ailleurs. Au mois de mars 1268, Chateauneuf de randon fut invité par Odilon de Mercœur, évêque de Mende, de lui rendre la tour qu'il possédait à La Garde; il refusa, attendu, répondit-il, que cet acte de vassalité ne devait avoir lieu qu'à la mutation du seigneur ou du feudataire.

Des contestations suivirent ce refus. Le prélat se plaignait de ce que les seigneurs de Randon avaient fait, sans son consentement et au préjudice des droits de son église, de nombreuses acquisitions à La Garde, entre autres, celle de la tour de Bernard d'Anduse, divers revenus sur le péage et sur cartalage. Ils empiétaient sur la juridiction épiscopale en recevant les reconnaissances de plusieurs pariers qui leur avaient rendu la tour commune du château.

De son côté, lé seigneur de Randon invoquait des griefs contre l'évêque, entre autres plusieurs empiétements sur les droits qu'il avait à Serverette, au Chaylard, à St-Amans et ailleurs.

Une sentence arbitrale prononcée par noble Béraud de Mercœur, mit un terme à toutes les contestations.

La paix entre le seigneur de Randon et l'évêque de Mende fut sincère, puisque nous voyons, quelque temps après, ce puissant feudataire ordonner à divers coseigneurs de La Garde de faire hommage à ce prélat. Nous trouvons parmi ces pariers Pierre d'Altier, Berenger de La Garde et Hugon de Cubières. Ce dernier, en prêtant hommage et fidélité à l'église de Mende, déclare que c'est au nom de sa femme Sibille qu'il agit, et non pour ce qu'il possède personnellement.

Avant l'accord intervenu entre le prélat et le seigneur de Randon, les pariers de La Garde avaient eu à se plaindre des exigences de ce puissant feudataire. Contrairement à ce qui s'était toujours pratiqué, il voulait contraindre les seigneurs et les habitants de La Garde à lui payer un droit de péage dans le lieu de Montfort aujourd'hui Villefort. Le seigneur de Randon dut se désister de ses prétentions et laisser les choses telles qu'elles étaient auparavant.

Le noble prélat qui gouvernait alors l'église de Mende, Odilon de Mercœur, ne perdait pas de vue les intérêts de La Garde. Le 23 septembre 1269, du consentement des pariers, il donne une plus grande extension aux privilèges des consuls. Il veut que ces magistrats puissent nommer des procureurs pour les seconder dans les affaires importantes ; qu'ils aient un pouvoir coercitif sur tous les emphytéotes de la communauté ; et enfin qu'un seul consul, en l'absence de son collègue, puisse traiter les affaires qui concernent les personnes et les propriétés.

Le 30 octobre suivant, le prélat mit fin a une contestation survenue pour la propriété d'une parerie qui avait appartenu à Bernard Margot. Roland, neveu du propriétaire décédé, la revendiquait en qualité d'héritier légitime. Les pariers prétendaient qu'il n'avait aucun droit.

L'évêque donna gain de cause à Roland. Toutefois, il déclara que si la communauté avait des droits en vertu d'actes passés avec Pierre Eraclée au nom de sa fille, épouse de Bernard Margot, elle pourrait les faire valoir et que justice lui serait rendue.

La sentence épiscopale fut prononcée à Mende en présence de Gaucelin de La Garde et d'Etienne de Mazauric, chanoines.

En 1275, ce dernier ecclésiastique occupait le siège épiscopal de Mende. Il reçut l'hommage des pariers de La Garde-Guérin. Nous n'avons rien d'important à signaler pendant son épiscopat.

Il eut pour successeur le célèbre Guillaume Durand, surnommé le speculator. Ses nombreux vassaux lui firent hommage. Jourdan de La Garde, l'un des consuls, au nom de la communauté des nobles pariers, renouvela cet acte, et lui fournit le dénombrement détaillé de ses possessions et de ses droits. En voici le sommaire:

  • On doit rendre le château à chaque élection d'évêques, en temps de guerre et toutes les fois que les circonstances et la nécessité l'exigent.
  • La communauté tient en fief de l'église de Mende la troisième partie du mas d'Albespeyre, une portion du moulin, divers droits sur les mas du Thort, de Font-Chabrière et autres; ce qu'elle a dans le village de La Garde, sur l'Estrade, au Hachas, et dans ses dépendances .

Le 2 décembre 1292, à la réquisition de Guillaume de Montesquieu, bailli de l'évêque, les pariers lui font la remise du château. Le délégué du prélat, après avoir reçu les clés, en ferme et en ouvre les portes et en prend possession. Ensuite il fait arborer sur la tour la bannière de Saint-Privat. Un héraut, placé à côté de l'étendard épiscopal, crie à haute voix et à diverses reprises : Saint Privât pour Monseigneur l'évêque de Mende ! Saint Privât pour Monseigneur l'évêque de Mende ! Saint Privât ! Dieu le veut ! Deus o vol ! Après cela, le représentant de l'évêque remet aux consuls les clés du château, et se retire.

Vers la même époque, Guillaume de Randon se fit rendre hommage par ses emphytéotes de La Garde-Guérin. L'un deux, Fulcon de La Molette, en lui prêtant serment de fidélité se reconnut son homme lige. Guillaume de Verfeuil, jurisconsulte fut présent à cette déclaration.

A Guillaume Durand le speculator avait succédé, sur le siège épiscopal de Mende, Guillaume Durand, son neveu. Comme son prédécesseur, il reçut l'hommage des pariers de La Garde-Guérin.

Occupé de la conservation des droits et des privilèges de son église, ce prélat confia, pendant ses longues absences, l'administration du diocèse à son vicaire général, Raymond Barrot, personnage d'un talent reconnu, et d'un grand mérite.

En 1299, Raymond d'Altier, chevalier, et Gaucelin de La Garde, damoiseau, consuls, au nom des pariers, prient ce représentant de l'évêque d'abroger un article des statuts qui portait que la portion des enfants d'un parier sur le péage et l'arrière-guidage, excepté celle de l'héritier universel, devait s'éteindre à leur mort.

Vers la même époque, on porta de 60 à 100 livres tournois le prix de la parerie, et de 30 à 50 livres celui de la demi-parerie.

Guillaume Durand, à la prière des nobles consuls, ordonna que les enfants et les frères des pariers qui, pour quelque vice de conformation corporelle,seraient impropres au maniement des armes ne pourraient point participer aux revenus communs de l'association.

Fulcon de La Molette, habitant de La Garde, renouvelle, au mois de septembre de l'année 1300, en faveur de Guillaume de Randon, seigneur du Luc, l'hommage fait en 1291. Fulcon se reconnaît homme lige et taillable de ce seigneur, et déclare que lui et les siens lui doivent à perpétuité l'hommage et le serment de fidélité, à genoux et les mains jointes. Il déclare de plus que lui et les siens ne peuvent transférer ailleurs leur domicile, sans la permission expresse de ce puissant chevalier.

Dans les premières années du XIVe siècle, lorsque les commissaires royaux dressaient, avec un soin minutieux, le dénombrement des fiefs du Gévaudan, les pariers de La Garde s'empressèrent de déclarer ceux qu'ils tenaient de l'église de Mende.

Au mois de janvier 1304, ils nommaient des syndics, pour défendre les droits de la communauté par devant le juge et viguier d'Anduse, commissaire député par le Sénéchal de Beaucaire et de Nîmes.

Radulphe des Cours-jumelles (de Curtibus-jumellis) clerc du Roi de France, juge-mage de la sénéchaussée, se trouvait à Marvejols à l'effet de recevoir les déclarations des fiefs du Gévaudan. Le vendredi après la fête de St-Barthélémy de l'année 1307, Odilon de La Garde, damoiseau et parier, se rend auprès de ce magistrat, et, en présence du vicaire général du diocèse et de plusieurs témoins,il donne et cède à Hugues de La Laporte, procureur du Roi, et à Etienne Augues, procureur de l'évêque, et par égale part, la moitié de toute la juridiction haute et basse qu'il possède au château de La Garde, au Rachas et au Thort. Il leur cède aussi la moitié des revenus casuels qu'il a droit d'exiger des personnes qui fraudaient le péage. L'acte de cette cession fut passé à Marvejols dans la maison des frères prêcheurs.

Par ses lettres patentes du 31 mars 1308, Philippe-le-Bel, n'agréa point cette cession ; il fit ajourner, à Paris, le généreux donateur pour voir casser l'acte de donation, contraire d'ailleurs aux constitutions de la communauté.

Après l'acte de pariage intervenu, en 1307, entre le roi de France et l'évêque de Mende, le prélat aurait pu s'occuper plus librement de l'administration intérieure de son diocèse, mais il se reposa encore de ce soin sur son vicaire général, Raymond Barrot, qui s'en acquittait d'ailleurs avec succès, avec un zèle infatigable.

En 1310, les pariers prièrent ce vertueux ecclésiastique de vouloir bien apporter quelques modifications importantes à leurs statuts. R. Barrot accéda à leur désir. Voici le résumé des articles les plus intéressants qui furent publiés :

  • Les revenus de l'arrière-guidage seront divisés par égale part entre les pariers présents et absents sans différence d'âge ni de sexe.
  • Celui qui ne possède qu'une demi-parerie aura autant que celui qui jouit d'une parerie entière.
  • Chaque parier doit jurer le maintien des coutumes et statuts. Il doit accomplir cet acte dans un délai de quinze jours. Il ne pourra jouir des émoluments du péage avant d'avoir prêté ce serment.
  • Le fils aîné d'un parier lui succède dans ses droits à moins qu'il n'entre en religion ou qu'il ne soit inhabile au service militaire. Le cas advenant, le second fils prend ses droits et ainsi de suite. A défaut de mâles, les filles succèdent au père ; l'aînée à la préférence sur les autres. On exige pourtant qu'elle soit apte à contracter mariage.
  • Le prix d'une parerie entière est fixé à 250 livres et et celui d'une demi-parerie à 150 livres.
  • Celui qui veut vendre sa parerie doit l'offrir à la communauté. Si elle refuse de l'acquérir, il pourra l'aliéner, soit à un noble, soit à un roturier, mais il ne pourra la céder à un baron à peine de nullité du contrat de vente. Si la parerie devient la propriété d'un roturier, il n'aura droit qu'aux revenus du péage et du cartalage. L'acquéreur prêtera serment d'observer les statuts, et contribuera aux dépenses communes.
  • On fixe à la fête de la Nativité de St-Jean-Baptiste l'adjudication du péage, du cartelage, de l'arrière-guidage et des revenus communs de la communauté.
  • L'adjudication de la leyde et des censives aura lieu vers la fin du mois de septembre.
  • Les pariers ne peuvent, sans le consentement des autres coseigneurs, concourir à cette adjudication.
  • L'élection annuelle des consuls doit se faire le jour de St-Jean-Baptiste. L'un deux doit avoir sa résidence à La Garde. On doit les prendre parmi les chevaliers; toutefois on peut en choisir un parmi les damoiseaux. Ils prêteront serment de fidélité.
  • Les consuls ont la haute et la basse juridiction. Ils peuvent élire, créer et choisir le juge, les notaires, les banniers et les autres officiers nécessaires à une bonne administration.

Trois ans après, les seigneurs de La Garde demandèrent à l'évêque, qui se trouvait alors dans le diocèse, de vouloir bien confirmer les précédents articles. Le prélat y consentit, mais il ne voulut pas qu'une parerie pût être vendue à un roturier ou à une personne plus puissante que les autres pariers du château, afin d'éviter que le puissant opprimât les faibles.

Il veut que la communauté ait, pendant les quarante jours qui suivent la vente d'une parerie, le privilège de la retenir. Ce délai expiré, cette faculté cesse entièrement.

Quelques années après, un fait peu ordinaire se produisit dans la communauté des pariers. L'un deux, Eraclée de Brésis, ou Brésilh, damoiseau, venait d'être condamné envers la Cour commune du Gévaudan à une amende de 40 livres tournois. Le peu d'empressement qu'il apporta à payer cette somme obligea les officiers de la Cour à mettre aux enchères publiques la demi-parerie qu'il possédait à La Garde. Aldebert Blavi, damoiseau, se rendit à Mende pour concourir à l'enchère. Il agissait au nom de la communauté. La demi parerie lui fut adjugée au 'prix de 50 livres.

Toutefois, avant de payer cette somme, il demanda à l'évêque, en qualité de seigneur dominant, de vouloir bien confirmer cette acquisition. Le prélat refusa, et, par droit de retrait féodal, retint cette demi-parerie, le 14 décembre 1315.

Vers cette époque, les nobles seigneurs de Randon commençaient à décliner. Chaque année plusieurs fiefs se détachaient de leur antique baronnie.

Au mois de février 1320, deux pareries et demie, une tour, 30 sols de censives et 18 livres de revenus qu'ils avaient sur le péage de La Garde-Guérin sont vendus aux enchères publiques et retenus par l'évêque au prix de 360 livres.

Dès lors Guillaume de Randon ne posséda plus que deux fiefs à La Garde : c'étaient deux pareries que tenaient de lui Guillaume de Beauvoir et Pons de Montferrant, mari d'Agnès de Vernon.

Par acte du 4 octobre 1322, ce même seigneur céda gratuitement ces deux fiefs à l'église de Mende et ajouta à cette libéralité plusieurs droits qu'il avait à Pourcharesses, à Veyrunes, à Villesoule, etc.

En 1328 les vicaires généraux de Guillaume Durand retiennent par droit de prélation, au prix de 260 livres, la parerie de Roland de La Garde. Les consuls protestent. L'évêque instruit de leur prétention les invite, par lettre du 18 juillet, datée de Paris, à soumettre le différent à la décision des arbitres. Les consuls furent déboutés de leur demande.

La même année les vicaires généraux du diocèse de Mende retiennent la parerie que noble Pierre de Borne avait vendue à la communauté des pariers.

Trois ans après, les consuls transigent avec Guillaume de Randon, seigneur du Luc, et Jean de Randon son fils, pour la juridiction du lieu du Rachas, dépendance de La Garde-Guérin. Par cet accord, la juridiction est déclarée commune entre les pariers et ces seigneurs ; elle doit être administrée à trais communs, et, de concert on doit nommer les officiers.

Les seigneurs de Randon se réservent, avec les censives, la connaissance des actions réelles et le droit de prélation dans les fiefs de leur mouvance.

Les consuls font les mêmes réserves pour les fiefs de la communauté. Ils conservent en outre la juridiction sur les chemins, le droit de péage, de guidage, de cartalage et le privilège d'ordonner, tenir et marquer les mesures en usage dans les terres de la juridiction de La Garde-Guérin.

Lefour du Radias appartiendra, comme auparavant, aux seigneurs de Randon et les consuls n'en pourront construire aucun autre sans leur autorisation expresse.

Soumis à la sanction épiscopale, cet accord fut confirmé le 18 octobre 1331.

V

Les consuls de La Garde-Guérin avaient fait valoir, auprès du sénéchal de Nîmes, leur prétention au droit du retrait féodal. Inutiles efforts!., les évêques furent maintenus dans ce noble privilège, en 1334.

Nous passons sous silence les nombreux actes d'hommages rendus par les seigneurs pariers à Albert et à Guillaume Lordet son neveu, évêques de Mende. Nous constaterons seulement l'importance commerciale de

La Garde-Guérin au XIV siècle. Nous dirons aussi que ses consuls, zélés administrateurs, ne négligeaient rien pour lui procurer quelque avantage, quelque faveur. Ils firent ressortir l'intérêt qui en résulterait pour les trois diocèses de Mende, d'Uzès et de Viviers si l'on établissait une foire dans le village de La Garde.

Prenant cette demande en considération, Louis d'Anjou, comte de Maine, 2e fils du Roi de France, et son lieutenant en Languedoc, accorda à La Garde-Guérin une foire le jour de Ste-Catherine et un marché le lundi de chaque semaine. La foire devait durer trois jours consécutifs.

Cette concession est du 22 janvier 1367. L'autorité royale fait défense aux officiers de la Cour commune du Gévaudan, sous peine de 500 marcs d'argent fin, de troubler les habitants de La Garde dans la jouissance du privilège qui leur est accordé.

Mais ce qui donnait surtout une grande importance au modeste village, c'étaient ses remparts, et son château fort qui protégeaient non seulement les habitants de La Garde, mais encore ceux du voisinage. En effet, par un compromis du mois de septembre 1363, les emphytéotes du prieuré de Prévenchères ont droit de refuge à La Garde-Guérin, et cela tant qu'il n'y aura point de château ou fort dans les terres du prieuré en question.

Toutefois, s'il faut s'en rapporter à la généalogie historique de la maison de Molette de Morangiés, le château de La Garde serait tombé au pouvoir des Anglais l'année précédente.

Au mois de novembre 1381, le vicaire général de l'évêque de Mende donnait commission à Guillaume de Saint-Jean, prêtre et notaire, de saisir les biens, droits et revenus communs des pariers, et de faire défense aux consuls, Armand de Borne, seigneur du Champ, et Pierre de Lussan, de s'immiscer dans le gouvernement et administration du château en ce qui dépendait de la mouvance de l'église de Mende. Il ordonnait de faire placer des panonceaux, aux armes du prélat, sur les portes de la clôture commune de la forteresse et sur la porte de la tour. Les clefs furent enlevées aux consuls. On enjoignit même à celui qui percevait les droits du péage de ne rendre compte de sa gestion qu'à l'évêque de Mende.

Nous ignorons les motifs qui portèrent le prélat à cet acte de sévérité. Cependant les bons rapports entre les pariers et le siège épiscopal ne tardèrent pas à se rétablir.

En effet, le 16 décembre suivant, la communauté, par l'un des consuls, Armand de Borne, lui rendait hommage et donnait le dénombrement de ce qu'elle tenait de sa mouvance. Dans cette énumération on mentionne le four du Radias, acquis, par la communauté, en 1337, de Guillaume et de Jean de Randon son fils.

L'évêque enjoignit au consul de lui spécifier au vrai et de lui déclarer, avec les noms et les confronts, tout ce que la communauté des pariers tenait de l'église de Mende.

En conséquence, ces derniers invitèrent leurs emphytéotes à leur donner le dénombrement de tout ce qu'ils tenaient. Ce qu'ils firent du 22 avril au 25 août de l'année suivante.

Parmi les quarante-deux emphytéotes figure Pierre Bolard, hospitalier de l'hôpital de La Garde, qui reconnaît au nom de cet établissement charitable un pré et deux propriétés dans le territoire du château.

Aigline de Portes déclare avoir la jouissance des eaux pluviales qui sortent par la porte du village, appelée de Saint-Michel. Elle peut les conduire dans ses terres. Elle paie à la communauté une censive de 20 deniers tournois.

Si les eaux étaient nécessaires pour remplir les fossés du château, la dame Aigline serait déchargée de cette redevance pendant-tout le temps qu'elle en serait privée.

Bernard Pages a la jouissance des eaux qui s'écoulent par la porte dite du Rachas.

Dans les dernières années du XIVe siècle, de nouvelles familles s'étaient fixées à La Garde. Nous mentionnerons celle de Gayffier de Bessettes. En 1395, le 24 janvier, Guillaume Gayffier, damoiseau, reconnaît tenir en fief de l'évêché de Mende la moitié d'une parerie qu'il a acquise de Guillaume de Baruse, seigneur de Morangiés.

Le 16 juillet 1438, Guillaume de Naves, seigneur de Mirandol, acquérait de noble Jean de Lussan, coseigneur de Bane, diocèse de Viviers, une parerie au prix de 80 moutons d'or, coin de Montpellier. L'évêque Ramnulphe confirma cette vente. Toutefois, par acte du 16 juillet de l'année suivante, l'acquéreur revendit cette parerie à son ancien propriétaire.

Au XVIe siècle, les pareries chargent fréquemment de maîtres, et les anciens pariers, à l'exception d'an très-petit nombre, finissent par disparaître. L'antique association se réduit à quelques membres seulement. Les évêques de Mende font toujours respecter leurs droits de haute seigneurie dans le château de La Garde, et nous voyons, en 1501, Clément de La Rovère révoquer certaines proclamations faites par le seigneur du Tournel.

En 1569, Renaud de Reaune aliéna, avec divers autres fiefs de l'évêché, ses sept pareries et demie de La Garde-Guérin. Le seigneur de Morangiés s'en rendit acquéreur au prix de 888 livres. Toutefois, les évêques conservèrent la haute juridiction et le majeur domaine.

Pendant les guerres de religion, le château de La Garde Guérin, par sa forte position, eut encore un rôle important à remplir. Il fut pendant plusieurs années le boulevard des catholiques. Il fut toutefois pris par les protestants, et Antoine de Molette qui y commandait périt glorieusement les armes à la main.

Dans le siècle suivant, La Garde-Guérin était encore considérée comme l'un des points les plus importants du diocèse. En 1623, les Etats particuliers du pays imposaient une somme de 400 livres pour l'entretien de la garnison de ce château.

Nous lisons dans la vie du duc de Montmorency, qu'à la même époque le marquis de Portes, gouverneur du Gévaudan, alla pourvoir à la sûreté de ce village; c'est, dit-on, « un château qui ferme le passage des Cevennes d'un côté et défend la montagne des courses que les rebelles pouvaient. faire. Le repos du Gévaudan et du Velay dépendant en partie de la conservation de cette place. »

Les anciens châteaux forts s'écroulent en grand nombre sous le règne de Louis XIV... celui de La Garde-Guérin ne voit que rarement ses maîtres... . Il est abandonné à la surveillance des fermiers, et c'est à l'imprudence de l'un d'eux que cet antique manoir devient en partie la proie des flammes en 1722 !

Jusqu'à l'époque de la grande Révolution française, les seigneurs de Morangiés remplissent aux Etats du diocèse de Mende la place des consuls-nobles de La Garde-Guérin. C'était tout ce qui restait des privilèges de l'ancienne association des pariers.

En 1795, l'une des fortes tours,adossée au château, s'écroula tout-à-coup avec un horrible fracas. La maison du citoyen Ghabalier fut écrasée et pour ainsi dire broyée par la chute de cette lourde masse.

Le vandalisme et l'injure du temps ont exercé là aussi leurs funestes ravages … . Une seule des tours a résisté, et, tandis que tout a disparu : chevaliers, damoiseaux, consuls, association de pariers, privilèges, elle s'élève encore fière, imposante et majestueuse au-dessus de ces ruines pleines de souvenirs et d'intérêt.

Source : Revue du Gévaudan par Société des Lettres, Sciences et Arts de la Lozère 1827-1954

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 75608
  • item : Château de la Garde-Guérin
  • Localisation :
    • Languedoc-Roussillon
    • Lozère
    • Prévenchères
  • Code INSEE commune : 48119
  • Code postal de la commune : 48800
  • Ordre dans la liste : 3
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : château
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 13e siècle
  • Date de la notice : 1993/10/21
  • Date de protection : 1929/11/30 : classé MH

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Un élément répertorié fait l'objet d'une protection : donjon
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Château de la Garde-Guérin (donjon et vestiges) (cad. E 1, 2, 3) : classement par décret du 30 novembre 1929
  • Référence Mérimée : PA00103898

photo : filou30