mausolée

La commune de Lanuéjols, dans le Valdonnez, à 8 kilomètres sud-est de Mende, possède on monument romain le mieux conservé et le plus remarquable du département de la Lozère.

Ce monument était peu connu. Le premier auteur qui en ait parlé est le Père L'Ouvreleul, de la doctrine chrétienne. Voici ce qu'il en dit dans ses Mémoires historiques sur le pays du Gévaudan :

« On considère comme une belle pièce d'architecture le mausolée de Plancus, chef de l'armée romaine, qui passa autrefois par le Gévaudan. Il est dans un champ entre le village de la Nuëjol et le château du Boy, à une lieue de Mende. Le temps a tellement gâté l'inscription du frontispice, qu'on ne peut la déchiffrer, »

A l'époque où le bon Père publia ces quelques lignes, à peu près en 1724, on était peu versé en archéologie dans le Gévaudan, et son opinion n'eût pas de contradicteurs. On ne considéra plus, sur sa parole, le monument de Lanuéjols que comme le mausolée de Plancus. Un recteur de collége devait alors faire autorité en matière d'histoire; mais L'Ouvreleul ne dit pas sur quoi il fonde cette opinion. Aucune des personnes qui ont lu les quelques mots déchiffrables de l'inscription n'y a trouvé le nom de Plancus.

Dailleurs on sait que Plancus, qui commandait avec Lépide et Silanus quelques légions romaines dans les Gaules, en l'an 710 de Rome, fonda, d'après les ordres du sénat, la colonie de Lyon et celle des Rauriques, et que, rentré en Italie, il y mourut, l'an 731 de Rome, revêtu de la dignité de censeur, ainsi que le porte l'inscription qu'on lit encore sur son tombeau, à Gaëte, ville du royaume de Naples.

Postérieurement à l'opinion de L'Ouvreleul, le monument de Launéjols fut indiqué sous le nom de tombeau romain, dans la 55e feuille de la carte de Cassini, dont l'exécution fut commencée vers 1750. Ainsi ce savant académicien ou les ingénieurs géographes employés sous lui ne trouvant rien, dans ce qu'on pouvait alors lire de l'inscription, qui justifiât qu'il eût été érigé à Plancus, le désignèrent sous un nom générique plus convenable.

Le monument de Lannéjols est situé à l'ouest de ce village, à côté du pré dit des Clastres, qui fut vendu comme bien national. Le nouveau propriétaire tenant peu à sa conservation, se proposait, en 1805, de le démolir et d'en employer les matériaux à construire des murs pour clore sa propriété. M. Florens, alors prefet du département, instruit de ce projet, s'opposa à son exécution, et le monument fut respecté; mais il est voisin d'un petit ravin qui , à la suite de grandes averses on d'orages, l'encombre de terre et de pierrailles.

Lorsque M. Gamot, qui avait succédé à M. Florens dans la préfecture de la Lozère, fut le visiter, vers la fin de mai 1813, accompagné de M. Le Boullenger, ingénieur en chef des ponts et chaussées du département , il ne put remarquer sans peine que ce monument, digne d'exciter l'attention publique, était presque moitié enterré, et il adressa au Ministre de l'intérieur, le 3 juin 1813, une notice sur son état, en lui demandant les fonds nécessaires pour le faire déblayer.

Cette notice, qui était la première description qu'on eût faite de ce monument, fut insérée, par extrait, dans le Journal de la Lozère du 25 juillet 1813. Numéro 745.

M. le Ministre ayant accordé son autorisation, des fouilles furent commencées au mois d'octobre suivant et suspendues en novembre, à cause des pluies et des gelées. Les résultats de ce premier travail furent constatés, et un nouveau rapport fut adressé au même Ministre, le 10 août 1814, et communiqué par S. Exe. à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 3e classe de l'Institut de France.

C'est ce rapport que j'ai déjà désigné sons le nom de Notice manuscrite, en ce qui concerne les monumens de la période gauloise et Javols, sur lesquels on avait fourni à M. Gamot des données bien erronnées, que j'ai cru devoir combattre.

Il n'en est pas tout à fait de même de la description du monument de Lanuéjols et de ses dimensions, qui laissent peu à désirer. M. Gamot, assisté de M. Le Boullenger, en présence d'un objet d'art, n'avait pas besoin de notes officieuses; ses yeux et un mètre ont suffi pour qu'il fut à même de le décrire d'une manière exacte et minutieuse, ainsi que la commission de l'Institut se plaît à le reconnaître.

Je crois convenable de consigner ici tout ce qui, dans ce rapport, a principalement trait à la partie descriptive de ce monument, et je m'occuperai ensuite des opinions émises sur son origine et sa destination.

Voici comment M. Gamot s'exprime sur le résultat de sa première visite an monument de Lanuéjols. (Extrait de la lettre du 3 juin 1813, à M. le Ministre de l'Intérieur) :

« Le monument, situé à l'ouest du village de Lanuéjols, est un quadrilatère dont chaque face regarde un des points cardinaux du globe. Trois côtés sont apparens et enterrés aux trois quarts à peu près de leur hauteur, le quatrième est tout-à-fait enterré. Le chemin du village passe sur la face opposée au nord. Chaque côté du quadrilatère a extérieurement 6 mètres 75 centimètres et intérieurement 5 mètres 55 centimètres, ce qui donne d'épaisseur aux murs 58 centimètres.

Toutes les pierres ont cette largeur sur une longueur de 1 à 4 mètres. Le milieu de la façade de l'est est occupé par les arrachements en saillie d'un arc de voûte, On aperçoit dans la pierre de taille, sur le nu du mur, les encastrements du fronton qui devait le recouvrir.

La façade opposée à l'ouest est percée dans son milieu par une porte dont on n'aperçoit plus que l'imposte et l'arc en plein cintre qui le surmonte; cet arc a deux mètres 8 centimètres de diamètre; il est ceint d'une archivolte décorée d'une frise, portant des génies ailés et des enroulements ornés de feuilles de pavots. Cette archivolte a de largeur 35 centimètres.

L'imposte est formée par une pierre plus fine et malheureusement plus tendre que les autres : elle renferme dans un cadre en sculpture une inscription presqu'illisible, il y a cependant beaucoup de lettres très apparentes. J'ai cru lire assez; distinctement Circùm jacentibus. Au reste, le bout de cette imposte du côté du nord est enterré, ainsi qu'une partie de la façade qui porte l'inscription.

Le milieu de la façade opposée au sud, est occupé par un porche dont la saillie est de 1 mètre 30 centimètres. Ce porche a été couronné par un fronton dont on voit les encastrements dans le mur adjacent. On n'aperçoit que la partie supérieure du porche : le reste est enterré. Les quatre angles apparents du monument sont décorés de quatre pilastres. Ceux de la façade de l'ouest sont corinthiens; ceux de la façade du sud sont, l'un corinthien, du côté de l'ouest; l'autre d'une espère de dorique, formé par des lames imbriquées ; ceux de la façade de l'est sont de l'espèce de dorique dont il vient d'être parlé. Ces chapiteaux ont 70 centimètres de hauteur.

La largeur du pilastre près l'astragale est de 48 centimètres. L'architrave a 63 centimètres de hauteur. Elle est formée de trois bandeaux en imbrication, les uns sur les autres, de 83 centimètres de saillie, couronnés par une cymaise. La frise est toute unie et a 56 centimètres de hauteur. La corniche est d'un beau profil ; la saillie est supportée par des modillons consolés de 27 centimètres de largeur, espacés tant plein que vide. La hauteur est de 63 centimètres sur pareille saillie.Le seul quartier qui en reste est d'un bloc et a 62 centimètres de hauteur sur un mètre 11 centimètres de largeur.

Du côté du sud, les pilastres ne sont apparents que de 1 mètre 40 centimètres. Du côté, du nord, le chemin du village les couvre. En supposant que les pilastres aient 10 décimètres de hauteur, la hauteur totale serait de 4 mètres 70 centimètres, à quoi il faut ajouter la hauteur du dé et le soubassement de l'édifice, s'il y en a un. On peut estimer la hauteur totale à 6 mètres 10 millimètres.

Les pierres calcaires employées à ce monument sont extrêmement dures, d'un très-gros volume et semblent avoir été unies par des goujons de cuivre que l'on s'est efforcé de retirer en ruinant les pierres au droit des gonjous, Le monument est sans couverture; ses parois inférieures n'offrent aucun ornement. »

M. Gamot, dans son Mémoire du 10 août 1814 auquel est joint le plan et les élévations de chaque face du monument qu'il avait fait mesurer avec soin, chaque pierre même s'y trouvant figurée avec sa longueur et sa largeur, rend compte à M. le Ministre de l'intérieur du résultat des fouilles de la manière suivante :

« Les dimensions générales que nous avions prévues sont les mêmes, à quelques légères différences près, qui font croire que les architectes de cette construction n'étaient peut-être pas de la classe des plus habiles. La partie extérieure récemment déblayée est beaucoup mieux conservée que ce qui était hors de terre. Les pierres sont bien taillées, bien jointes, et on ne les a point ruinées au droit des goujons comme les autres; quelques unes ont jusqu'à 12 pieds de longueur. Leur nature est calcaire, comme celle de toute la construction. Une tradition du pays disait que le monument était ouvert des quatre côtés, qu'il se trouvait dans le milieu du chemin du village, et qu'on passait à cheval par-dessous : cela ne s'est pas confirmé. Le monument n'a qu'une ouverture qui fait face à l'ouest. Le fronton opposé au midi nous avait fait supposer qu'il existait un porche de ce côté. Cela n'est point : le mur existe du haut en bas. Le fronton n'est qu'un ornement d'une saillie extérieure nécessaire à un enfoncement de même dimension pratiqué à l'intérieur. Le même fronton a existé du côté de l'est et du nord. L'intérieur du monument donne l'idée d'un petit temple ou tombeau dans lequel on a pratiqué trois enfoncements à angles droits. Ceux des côtés ont environ 9 pieds et semblent avoir été destinés à placer des sarcophages; celui qui fait face â la porte n'a que 6 pieds de large; son plafond est terminé en arc de voûte surbaissée : il semblerait avoir été destiné à recevoir un autel. La face intérieure des pierres n'est que dégrossie et percée d'une grande quantité de trous ruinés, qui font croire qu'il existait sur les parois un revêtement en marbre; tout a été arraché et enlevé. L'emplacement des sarcophage et celui du pavé en entier ont été profondément fouillés. »

Voilà pour la partie descriptive. M. Gamot, dans l'absence de documents écrits, et vu la difficulté de déchiffrer l'inscription, dans sa lettre du 3 juin à M. le Ministre de l'intérieur, avait dit :

« Ce que l'on peut raisonnablement supposer, c'est que, dans les guerres que César fit aux Arverni, habitants de l'Auvergne, il passa par le pays des Gabali, Gévaudanois ; qu'une division de son armée eût, dans le voisinage de la Nuéjols, une affaire où elle remporta an avantage décisif, mais où elle perdit beaucoup de monde, et que le chef de cette division fit élever ce monument aux soldats morts sur le champ de bataille. Cette explication s'arrangerait assez avec les mots circum jacentibus que j'ai cru lire. »

Après les fouilles, voici comment il termine son rapport :

« Jusqu'à présent la même incertitude existe, et l'on se demande à quoi était destiné ce monument. M. Cayx, ingénieur vérificateur du cadastre, qui s'en est occupé, dit qu'il ne porte aucun emblème applicable à des guerriers ; il prétend avoir lu une partie de l'inscription qu'il présente ainsi :

Honori Et Memoria Lpompon.... Bas . Osvm
Morvm..... Ponponia Egoia Mater Afvndamen.....
Svmmationem .. . Trvxer. ... Aedific... . An
Circum Jacentibus.

et il juge que c'est un monument de tendresse maternelle élevé par Pomponia et son époux à la mémoire de leurs enfans, morts en bas âge. Il s'en fauf de beaucoup que j'aie lu autant de mots; mais il me semble que l'explication ne s'accorde point avec ceux "circum jacentibus", qui sont parfaitement conservés et que chacun peut lire.

L'emplacement sur lequel est placée cette construction n'était-il point plutôt un cimetière de village ? n'a-t-on point voulu en changer la destination et, par respect pour les morts, n'en a-t-on pas rassemblé les restes dans ce monument ? On peut se faire beaucoup de questions semblables ; malheureusemént on n'a encore rien trouvé qui puisse éclairer sur ce que l'on cherche. La construction est d'une grande solidité; elle a été faite à grands frais. Les règles de l'art n'y sont point observées ; voilà ce qui est certain. Le déblai est trop avancé pour qu'on ne le termine pas. Il existe encore assez de fonds sur la somme accordée pour conduire l'entreprise à sa fin ; peut-être trouvera-t-on quelque médaille qui fixera les incertitudes. »

Voici les observations de la commission de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l'Institut sur la partie du Mémoire de M. Gamot concernant le monument de Lanuéjols. (Celle commission était composée de MM, Visconti , Quatremère et de Walckenaer, rapporteur.)

Source : Mémoires et analyse des travaux de la Société d'agriculture Par Société des lettres, sciences et arts du département de la Lozère, Mende en 1841.

photo pour mausolée

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 75364
  • item : mausolée
  • Localisation :
    • Languedoc-Roussillon
    • Lozère
    • Lanuéjols
  • Lieu dit : Pré des Clastres
  • Code INSEE commune : 48081
  • Code postal de la commune : 48000
  • Ordre dans la liste : 28
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : mausolée
  • Etat :
    • Etat courrant du monument : restauré (suceptible à changement)

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Enquête : 1996
  • Date de protection : 1840 : classé MH
  • Date de versement : 2004/12/20

Construction, architecture et style

  • Materiaux: 2 types de matériaux composent le gros oeuvre.
    • calcaire
    • grand appareil
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • Le décor est composé de : 'sculpture'
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de l'etat
  • Photo : b8c93d147a4cae5fa81f4f4ca2e322e7.jpg
  • Auteur de l'enquête MH : Grandjouan Marie-Sylvie
  • Référence Mérimée : IA48000382

photo : denez