Eglise abbatiale Saint-Benoît


L'église actuelle de Saint-Benoît est désignée dans l'histoire sous le nom de basilique ou de grande église de Sainte-Marie.

Cette désignation la distinguait des autres églises ou chapelles élevées, soit dans l'intérieur, soit près des murs du monastère. C'était l'église conventuelle proprement dite, celle dans laquelle se célébraient les grands offices, et dans laquelle les simples fidèles étaient autorisés à entrer.

Évidemment cet édifice n'a pas été bâti d'un seul jet et sans interruption de travail. Trois siècles y ont laissé leurs traces. Cependant, ses différentes parties s'harmonisent entre elles pour former, malgré la divergence de leur style, un ensemble régulier. On voit que les constructions successives ont été subordonnées à une idée première, à un plan général conçu dès le principe et transmis, d'âge en âge, par les maîtres de l'œuvre à leurs successeurs. Avant d'entrer dans un examen analytique et raisonné de ses principales divisions, il est utile de considérer d'abord le plan général, les proportions et l'aspect extérieur de ce monument, type remarquable de l'architecture religieuse et monastique aux XIe, XIIe et XIIIe siècles.

Le plan géométral de l'église de Saint-Benoit présente dans le tracé des lignes de son périmètre l'aspect d'une double croix dont les bras supérieurs sont de moitié moins longs que les bras inférieurs. Ce plan a beaucoup d'analogie avec celui des grandes églises monastiques de la même époque, telles que Saint-Hilaire de Poitiers, Fontevrault, le Puy-en-Velay, etc. ; mais il a certaines dispositions particulières qui font de cet édifice antique une des plus curieuses églises du centre de la France.

Quel fût l'architecte ou plutôt le maître de l'œuvre qui conçut et commença à mettre à exécution, vers 1071, ce magnifique plan ? On l'ignore. Appartenait-il aux écoles et au monastère de Saint-Benoit ? Cela est probable, mais n'est pas prouvé. Quoi qu'il en soit, on peut dire, en considérant l'ensemble du plan de ce vaste monument, que celui qui l'a créé dans sa pensée est digne de figurer dans la savante génération de ces moines auxquels la France doit non seulement ses beaux édifices religieux, mais sa civilisation, sa prospérité agricole, ses chefs-d'œuvre littéraires, sa vie intellectuelle.

La surface couverte par l'ensemble des constructions a 92 mètres de longueur sur 20 mètres de largeur à la nef, et 43 mètres aux transepts.

Le porche ou péristyle occupe un carré de 16 mètres environ sur toutes faces, 4 mètres de moins seulement que la largeur de la grande nef et des bas côtés de l'église.

La nef principale mesure 32 mètres de long jusqu'aux transepts sur 9 mètres de large. Le chœur est compris dans cette longueur. L'élévation de la nef et du chœur est de 20 mètres sous clé de voûte.

Les deux nefs collatérales qui se prolongent et circulent, en forme de déambulatoire, autour du sanctuaire sont d'une largeur inégale : celle du nord a 4 mètres ; celle du sud a 3 mètres 60 seulement. Leur élévation n'est que de 10 mètres.

Plusieurs portes donnaient accès autrefois dans l'église, soit aux religieux, soit aux fidèles ; une seule est ouverte actuellement, celle du porche.

Huit petites chapelles se rattachent au plan ; elles sont toutes orientées (tournées vers l'est). Quatre rayonnent dans le déambulatoire, autour du sanctuaire ; quatre s'ouvrent dans les transepts. Il n'y a pas de chapelle au fond du chevet ; une fenêtre en occupe le centre. Elle est accompagnée à droite et à gauche d'une chapelle éclairée par trois fenêtres. Les deux autres chapelles absidales forment chacune une sorte d'absidiole dans un second transept tracé par les deux tours qui flanquent le chevet.

La crypte ou église souterraine offre dans son périmètre les mêmes dispositions que le chevet de l'église supérieure. Elle sert de base au sanctuaire et aux chapelles absidales, dont les piliers et les murs sont perpendiculaires à cette substruction.

Quatre-vingt-une fenêtres éclairent l'édifice. Elles se partagent ainsi:

  • quatorze dans la grande nef;
  • quatorze dans les bas côtés;
  • dix dans chaque transept, en y comprenant celles des chapelles ou absidioles;
  • treize dans le déambulatoire et les chapelles absidales;
  • treize dans la crypte.

Aspect extérieur de l'église

A l'extérieur, et considérée dans son ensemble, l'église de Saint-Benoit révèle à l'œil le moins exercé sa destination primitive. La sévérité de son aspect indique bien une église conventuelle.

Dans les siècles les plus rapprochés de son achèvement, elle offrait la même simplicité de lignes, la même sobriété d'ornementation au dehors; mais elle se présentait avec plus de grâce dans sa gravité majestueuse. La tour du porche s'élevait à une plus grande hauteur, couronnée de créneaux et surmontée d'un campanile ; deux autres petites tours accompagnaient son chevet et dominaient le grand comble; son beau clocher central se terminait par une flèche plus élevée, plus élégante, plus riche.

On retrouve dans l'aspect de ce monument tous les caractères des constructions monastiques des XIe et XIIe siècles, indiqués dans les meilleures théories de l'art architectural.

Les contre-forts qui font saillie sur les murs s'élèvent seulement jusqu'à la corniche et participent à la simplicité générale de la construction. Leur relief est peu considérable, surtout aux transepts, où ils s'élèvent, droits, sans ressauts ni empattements ; ce ne sont guère que des chaînes de pierres saillantes établies pour renforcer les murs. Les contre-forts des chapelles absidales ressemblent assez à des colonnes rondes et à demi engagées dans les murs : ils sont terminés par un cône obtus ; leur base est formée par de grosses moulures toriques.

Il faut remarquer que le maître de l'œuvre, ayant calculé la force de résistance des contre-forts, crut devoir, pour maintenir la poussée des voûtes en pierre, dresser sur les murs des bas cotés de robustes piliers, du sommet desquels s'élancent des arcs qui s'en vont butter contre les murs du sanctuaire, sous la corniche, à la naissance de la voûte en berceau qui le recouvre. Jusque-là, dans la plupart des églises, les voûtes avaient été faites en bois. Les premières voûtes romanes, en pierre, s'étaient écroulées peu après leur construction. Ce fut au commencement du XIIe siècle seulement que, pour donner une garantie de durée à leurs édifices, les constructeurs eurent recours aux arcs-boutants, sorte d'étais en pierre ingénieusement inventés et savamment combinés pour maintenir les voûtes dans un parfait équilibre. Plus tard, les architectes de nos grandes cathédrales gothiques firent de ces arcs-boutants une ornementation gracieuse, en les surmontant de clochetons pyramidaux percés à jour. A Saint-Benoit, les contre-forts et les arcs-boutants sont à l'état primitif; on voit que l'art de bâtir faisait avec hésitation ses premiers pas dans une voie nouvelle et encore inexplorée.

Les transepts n'ayant pas de bas côtés, il ne fut pas possible d'établir d'arcs-boutants pour soutenir la poussée de leurs voûtes. Elles restèrent quelque temps en bois, ainsi que les premières travées de la grande nef, et quand on voulut couvrir cette partie de l'église en voûtes de pierre, à la fin du XIIe siècle, il fut nécessaire de construire le berceau en cintre brisé, ou ogive, comme on pourra le remarquer en visitant l'intérieur de l'église.

Les murs de la grande nef sont aussi dépourvus d'arcs-boutants. Lorsqu'au commencement du XIIIe siècle, les religieux la firent achever, confiants dans le système nouvellement inventé des voûtes d'arêtes à nervures entre-croisées diagonalement, ils se bornèrent à donner plus d'épaisseur et de saillie aux contre-forts.

Dans sa simplicité austère, l'extérieur de Saint-Benoit n'est cependant pas entièrement dépourvu d'ornementation architecturale. Les fenêtres, plus larges que les fenêtres romanes des VIIIe et IXe siècles, ont, pour la plupart, leur cintre couronné d'un péricycle à billettes ; plusieurs, notamment celles du chevet et des transepts, ont leurs pieds-droits accompagnés de colonnettes qui reçoivent la retombée de leurs voussure. à redan. Les pignons des transepts sont décorés d'arcatures aveugles et de faux mâchicoulis. Une corniche chanfreinée règne autour des murs du grand comble ; elle est supportée par des modillons sculptés, dans certaines parties de l'édifice.

Les tours carrées qui accompagnent le chevet avaient été, à une époque relativement récente, rattachées au grand comble dont elles étaient primitivement séparées par un espace suffisant pour laisser arriver la lumière aux fenêtres du sanctuaire. Du mur de ces tours s'élançaient des arcs-boutants pour soutenir la voûte.

Le clocher central, posé à l'intersection des transepts et de la nef, attire particulièrement les regards par ses proportions et par les détails de son architecture. Les quatre fenêtres sonémites ou beffroi sont garnies d'abat-sons couverts en ardoises ; elles sont longues, étroites, et à plein cintre ; leurs archivoltes à redans sont formées par des claveaux de petit appareil, alternativement blancs et noirs. La moulure torique qui encadre les archivoltes des fenêtres retombe sur les chapiteaux des colonnettes adossées à l'intérieur de leurs pieds-droits. Cet étage supérieur de la tour du clocher repose sur une base ou socle orné d'arcatures aveugles.

La toiture de la tour se termine par un cône à quatre faces, surmonté d'un petit clocher octogone. Primitivement, ce clocher de la tour centrale était plus élégant et plus riche ; il fut incendié par la foudre en 1615 et fut reconstruit aux frais du duc de Sully, abbé commendataire de Saint-Benoit, par les soins de Jacques Le Ber, son custodinos ou prête-nom.

Porte du Nord

Après avoir considéré à l'extérieur l'église dans son ensemble, et avant de pénétrer à l'intérieur pour admirer la belle ordonnance de ses principales divisions, deux points surtout appellent au dehors l'attention du visiteur, et doivent être vus et étudiés en détail: la porte du nord et le porche.

Au milieu de la septième travée de la basse nef du nord, entre deux contre-forts, a été construite au XIIIe siècle une porte latérale qui, pur la richesse de son style, peut être mise en parallèle avec lus plus beaux morceaux de sculpture des cathédrales de Bourges et de Chartres. C'était à l'origine la seule porte destinée à mettre l'église en communication avec le dehors. Le mur qui séparait la grosse tour de l'église ne fut percé dans l'axe de la grande nef qu'au XVIIe siècle. Il n'est donc pas étonnant de retrouver réunis dans cette porte latérale tous les caractères d'une porte principale. On sait qu'au XIIIe siècle ces sortes de portes avaient beaucoup plus d'importance que les portes secondaires. Elles présentent généralement dans la sculpture qui couvre leurs tympans, leurs pieds-droits, une réunion de scènes religieuses qui sont, dit ingénieusement M. Viollet-Leduc, comme la préface du monument. Or, tel est l'aspect de la porte du nord de l'église de Saint-Benoit: l'ordonnance en est parfaite, les sculptures du tympan sont très-remarquables ; elles ont un haut relief; les draperies et les ornements y sont traités avec largeur : c'est une page tout à fait magistrale.

La baie de cette porte est profonde d'environ 3 mètres, et se compose de cinq pieds-droits, dans les angles rentrants desquels cinq colonnes rondes soutiennent la retombée des riches voussures qui encadrent le tympan. Deux autres colonnes soutiennent le linteau ; elles sont actuellement recouvertes d'un massif de maconnerie.

Les bases arrondies des dix colonnes reposent sur des dés carrés d'environ un mètre de haut qui se présentent d'angle et sont réunis par un double socle commun, élevé à 1m 10 au-dessus du sol.

Les fûts des premières colonnes de chaque coté sont sans ornements. Sur le tailloir de leurs chapiteaux repose le premier rang des assises du massif de pierre ou contre-fort élevé à droite et à gauche, contre-fort qui devait être autrefois terminé par un clocheton ou par un amortissement quelconque détruit par le temps. Les autres colonnes portent chacune une grande statue inhérente à leur fût et sculptée en ronde bosse. La tète des statues s'élève presque à la hauteur du chapiteau ; leurs pieds reposent sur une console sculptée. Elles ont été affreusement mutilées. Aux attributs qui sont restés visibles, on peut reconnaître encore deux personnages bibliques : Abraham et David. Abraham lient une main posée sur la tête d'Isaac ; l'autre est levée. Il regarde en haut l'ange qui vient arrêter son bras. C'est le sacrifice du mont Moria. Une harpe indique le roi David. Les quatre autres sont sans doute les grands prophètes qui ont annoncé la venue du Messie : Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel. Le maître de l'œuvre aura voulu réunir au-dessous de l'image du Christ, qui est représenté dans le tympan, assis sur le scabellum, tous les personnages qui ont écrit sa vie, les principaux patriarches des anciens jours qui l'ont prophétisé ou figuré.

Le tympan est divisé en deux scènes principales. D'abord, au sommet de l'ogive, partagée par cinq lobes arrondies et délicatement fouillées, est reproduite la figure du Christ; il se présente assis dans l'attitude de la toute puissance. Sa tète est ornée du nimbe crucifère ; il bénit de la main droite, et de la gauche lient le livre de vie. Les quatre évangélistes, courbés selon le mouvement du lobe qui les encadre, écrivent assis devant des pupitres. Leurs attributs distinctifs, l'ange de saint Matthieu, le bœuf de saint Luc, l'aigle de saint Jean, le lion de saint Marc, apparaissent au-dessus de leur tète et les font facilement reconnaître. Deux rangs de statues, placées dans de larges et profondes voussures, encadrent cette belle et majestueuse scène du tympan. Le premier rang se compose de huit anges aux ailes à demi éployées qui tiennent alternativement un encensoir et un chandelier. Le second rang offre une série de dix apôtres assis et nimbés. Ces dix personnages complètent, avec les deux évangélistes saint Jean et saint Matthieu, la liste du collége apostolique. C'est une magnifique traduction en pierre de la promesse faîte par Jésus-Christ à ses apôtres, que lorsqu'il régnerait dans le ciel, eux aussi siégeraient sur des trônes pour juger les douze tribus d'Israël. Dispono vobis... regnum ut... sedeatis super thronos, etc. (Luc, xxn, 30).

Huit tètes d'anges, groupées au-dessus de la tête du Christ, à la pointe de l'ogive, rappellent les huit béatitudes, image symbolique du ciel.

Sur le linteau de la porte se développent trois scènes historiques relatives à la translation du corps de saint Benoit à Fleury. Elles se passèrent à Bonnée (Bonnodium), lieu où saint Aigulfe et ses compagnons, à leur retour d'Italie, s'arrêtèrent, et à Villeneuve (Villa Nova), hameau de Fleury-le-Vieux. C'est la reproduction littérale, si l'on peut s'exprimer ainsi, du récit d'Adrevald, historien de la translation du corps de saint Benoit).

La première partie du bas-relief, en commençant par la gauche, à l'est, reproduit l'arrivée de saint Aigulfe à Bonnée, où il s'opéra, par la vertu des saintes reliques, un double miracle : la guérison d'un aveugle et celle d'un homme perclus. Le saint moine est représenté au moment où il extrait d'un coffre, dont le couvercle est rejeté sur le côté, des ossements qu'il place dans une corbeille. Ses compagnons de voyage sont derrière lui. Devant lui deux hommes se tiennent debout : l'un d'eux regarde le ciel dans l'attitude de la prière ; c'est l'aveugle guéri remerciant dieu de lui avoir donné la lumière. L'autre dont le corps parait encore un peu contourné et qui s'appuie sur le coffre, c'est le pauvre estropié.

Le second acte de cette scène historique se passe à Fleury-le-Vieux. Aigulfe, de l'avis de saint Mommole, avait consenti à séparer des ossements de saint Benoit ceux de sainte Scholastique, sa sœur, pour les donner aux religieux du Mans qui l'avaient accompagné au Mont-Cassin. A peine ces précieuses reliques avaient-elles été déposées dans deux coffrets ou reliquaires différents, que deux miracles simultanés vinrent confirmer leur authenticité. Les ossements de saint Benoit, posés sur le cadavre d'un petit garçon, le rappelèrent à la vie; ceux de sainte Scholastique ressuscitèrent une petite fille. La sculpture a reproduit cette double résurrection d'une manière naïve.

Enfin, le troisième acte est le départ des moines de Fleury pour le monastère. Deux d'entre eux emportent triomphalement le corps de saint Benoit sur leurs épaules ; deux autres moines ou clercs les précèdent en marchant en arrière, afin d'encenser les saintes reliques.

Trois riches moulures marginales d'environ 40 centimètres de large terminent la voussure. Ces moulures, gracieusement dessinées et délicatement sculptées, présentent malheureusement de longues solutions de continuité au sommet de l'archivolte; mais il en reste encore assez pour que l'on puisse réparer et reproduire ces feuilles tréflées, ces filets en zig-zag, ces entrelacs de bandelettes, ces chaînes de losanges que le temps avait détruits en grande partie, et qui ont été remplacés par des pierres d'attente.

Les sculptures de cette porte ont été peintes. On retrouve encore au fond des plis des vêtements, et dans les creux des pierres, des traces de vermillon, de vert et de brun rouge.

A une époque qui doit être celle de la renaissance, si l'on en juge par le profil des moulures du cintre surbaissé construit sous le linteau, et par le style des colonnes qui ont été posées devant les colonnes primitives, l'ouverture de cette porte a été refaite, et ce n'a dû être qu'après la construction et le déplacement de la maison abbatiale qu'elle a été murée. Les fidèles, qui entraient autrefois dans l'église de l'abbaye par le coté nord, entrèrent par la porte du péristyle. Il y eut vers 1645 des changements considérables dans la disposition des bâtiments accessoires du monastère. La cour sur laquelle ouvrait la belle porte du nord n'était plus qu'une basse-cour. Elle fut fermée comme inutile, et délaissée sans honneur. L'extrados de ses voussures ayant été mis à découvert, on ne sait pourquoi, à une époque assez reculée, l'infiltration des eaux pluviales l'endommagea de telle sorte, qu'elle n'offrirait maintenant qu'une ruine impossible à réparer, si elle n'eût été abritée sous un toit provisoire.

Tour du porche

Il est en France, à part nos grandes cathédrales, un certain nombre d'églises fort remarquables par leurs belles et riches façades; mais il n'en est assurément aucune qui offre en avant de la porte principale un porche ou péristyle comparable à celui qui sert de base à la tour antérieure de l'église de Saint-Benoit-sur-Loire. Le voyageur qui pour la première fois descend dans le val de Fleury et se dirige vers Saint-Benoit pour visiter les restes de son antique abbaye, en apercevant à l'horizon cette église massive qui se dessine sur le ciel en lignes austères, est loin de pressentir les richesses architecturales qu'elle renferme, et qui lui apparaîtront soudainement en arrivant au pied de la tour du porche. En effet, il a bientôt sous les yeux un des plus beaux morceaux de l'architecture romane parvenue à son apogée.

Le porche se compose de cinquante colonnes adossées à seize grosses piles quadrangulaires rangées en quinconces qui forment trois travées dans tous les sens et soutiennent l'étage supérieur de la tour. Cette majestueuse ordonnance produit un effet saisissant.

Chacune des cinquante grosses colonnes, engagée du tiers environ de sa grosseur dans la pile à laquelle elle est adhérente, est terminée par un riche chapiteau.

Les tailloirs à chanfreins sculptés qui reposent sur la corbeille des chapiteaux ont une saillie proportionnée à l'épaisseur remarquable des archivoltes ou arcs doubleaux à plein cintre surélevé qui encadrent les neuf portions de la voûte à vive arête jetée sur toute l'étendue du porche.

Les chapiteaux avec leurs tailloirs ont environ le liera de la hauteur du fût des colonnes, et ces colonnes, un peu trapues, ont, du sol à la naissance de l'archivolte, 4m 60 de hauteur sur 50 centimètres de diamètre. Cependant, cette élévation si peu considérable n'est pas dépourvue d'élégance ; elle s'explique naturellement par les fonctions que les piles ont à remplir. On voit qu'elles ont été faites aussi robustes afin de supporter toute la masse des étapes supérieurs, auxquels elles servent de base.

Au-dessus du porche règne une vaste salle dont les dispositions principales sont exactement les mêmes. Les piles et les colonnes, perpendiculaires à celles du rez-de-chaussée, ont les mêmes dimensions quant à la grosseur; mais elles sont beaucoup plus élevées. Celle salle ou chapelle a 10 mètres d'élévation, 3 mètres de plus que le porche, qui n'en a que 7. On y monte par deux escaliers tournants pratiqués aux angles, dans l'épaisseur du mur, et qui sont ouverts dans les basses nefs de l'église.

La construction de ce beau porche remonte aux premières années du XIe siècle (1022). L'abbé Gauzlin, prince du sang royal, qui gouvernait alors l'abbaye, avait conçu de grands projets de construction, dans le but de donner à son monastère un aspect plus en harmonie avec son importance. On était alors en pleine féodalité. Il résolut d'abord de bâtir une tour plus élevée que toutes les tours seigneuriales voisines du riche et vaste fief de Fleury, une sorte de forteresse qui dominât les rives de la Loire et pût servir au besoin d'asile aux religieux, et les défendre contre les agressions ennemies si fréquentes dans ces temps agités. L'abbé Gauzlin eut-il la pensée que cette tour construite isolément à l'entrée occidentale du monastère pourrait servir plus tard de porche et de facade à la basilique de Sainte-Marie, réédifiée dans de plus vastes proportions ? Cela parait probable, si l'on en juge par les sujets choisis pour son ornementation, et cela a eu lieu de fait.

Quoi qu'il en soit de la destination primitive de cette tour et des intentions de Gauzlin, quand cet abbé voulut réaliser son projet, il fit venir par la Loire une quantité considérable de pierres de taille extraites des carrières de Nevers... Lapidibus quadris... quos navigio devehi fecerat a Nevernensi territorio. Il manda ensuite le maître de l'œuvre, le moine Umbert ou Imbert. « Je veux, lui dit-il, construire une tour qui, par son élévation et la beauté de son architecture, soit célèbre dans toute la France. Ad occidentalem plagam monasterii turrim statui construere... opus taie quod omni Galliae sit exemplum. » Il faut avouer que le maître de l'œuvre entra avec intelligence dans la pensée de son noble abbé, et qu'il éleva un monument singulièrement remarquable, et auquel aucun autre du même genre ne pouvait en effet être comparé.

Cette grandiose construction, qui offre à un degré très-marqué des améliorations incontestables dans l'art de bâtir, telles que les voûtes d'arête substituées aux voûtes en berceau, ayant une date historique certaine, acquiert par là même une haute importance. Elle donne un spécimen authentique de l'état de l'art dans la France centrale, et spécialement dans les monastères bénédictins. Un effroyable incendie, qui dévora le monastère et la basilique de Sainte-Marie en 1026, retarda l'achèvement de la tour dont les premiers fondements avaient été jetés en 1022, et quatre ans plus tard, en 1030, à la mort de l'abbé Gauzlin, elle n'était pas encore terminée.

La tour du perche est désignée par les historiens de l'abbaye sous le nom de tour de Saint-Michel. Elle s'élevait primitivement à une plus grande hauteur, et elle était terminée par un campanile que François Ier fit abattre en 1527. Ce clocher ou campanile avait-il à sa base les mêmes proportions que la tour elle-même ? Cela ne parait pas admissible, car il aurait dû être, dans cette supposition, d'une élévation prodigieuse. Il parait bien plus probable que la base du clocher reposait, non pas sur les murs extérieurs de la tour, mais sur les quatre piles intérieures qui forment un carré de 6m seulement sur chaque face, au lieu de 16m. En ramenant à ces proportions le clocher élevé au dessus de l'étage supérieur actuel de la tour, on peut supposer, avec M. Viollet-Leduc, une terrasse circulaire et crénelée de laquelle il était facile de se défendre contre les assaillants. Ce qui justifie cette explication, c'est que l'extrémité du mur, au-dessus des baies du premier étage, n'a qu'une épaisseur de 60 centimètres. Il n'avait donc pas été construit pour être élevé à une grande hauteur, ni pour supporter la masse d'un clocher. Ce n'est plus qu'un mur de défense ; il n'a que l'épaisseur d'un crénelage ordinaire.

Telle qu'elle est actuellement, la tour du porche a, du sol à la naissance du toit, une élévation de 18 mètres et 16 mètres de largeur sur toute face. La toiture d'ardoise en cône tronqué qui la recouvre est terminée par une sorte de campanile écrasé, à quatre pans, percé de huit petites ouvertures sonémites. Un lanternon à huit pans termine cette toiture aux formes lourdes, à l'aspect maussade.

Le porche de Saint-Benoit se rapproche par ses vastes proportions des porches antérieurs des autres églises monastiques du XIe siècle. Il tenait une place intermédiaire entre les porches ordinaires et ceux qui, à l'imitation des porches de Cluny et de Vézelay, avaient presque la forme et les proportions d'une église précédant celle du monastère, ce qui confirme dans l'opinion que l'abbé Gauzlin avait eu l'intention positive de faire du rez-de-chaussée de sa tour féodale une sorte de narthex, réminiscence des anciens atria ou cours des catéchumènes, afin de la relier plus tard à l'église nouvelle qu'il projetait. Mais pourquoi ce narthex, cet atrium ? II n'avait pas une très-grande raison d'être, sans doute ; mais la persistance des idées consacrées par le temps était telle alors, que l'architecture religieuse persévérait dans des habitudes de constructions qui n'étaient plus en rapport avec la discipline reçue dans l'Église. On continuait toujours à construire de vastes porches, comme s'il y avait eu encore des catéchumènes et des pénitents publics.

Le maître de l'œuvre de Saint-Benoit, homme savant et initié à toutes les nouvelles combinaisons architecturales et à tous les progrès, voulut faire mieux que les porches massifs et obscurs des églises romanes, que sans doute il avait visitées dans ses pérégrinations artistiques : il imagina un portique ouvert dont les gros et nombreux piliers, surmontés de voûtes solides, constitueraient un soutènement capable de porter une tour élevée, et qui offrirait plus tard aux pèlerins un abri spacieux à l'entrée de l'église, avant l'ouverture des portes.

Quant à la destination originelle de la grande salle de l'étage supérieur, il est difficile de l'indiquer précisément. Il est certain toutefois qu'elle a été appropriée de manière à servir de chapelle, et cela avant le XIIIe siècle, si l'on en juge par les trois absidioles ou crèches pratiquées dans le pignon à l'est, et orientées comme l'église. Elles terminent les trois nefs formées par les piliers ; au fond de chacune d'elles on remarque les traces de petites fenêtres à plein cintre ouvertes au-dessus des autels, du côté du monastère, lorsque la tour et l'église étaient encore séparées l'une de l'autre, ce qui dura plus de trois siècles. En dehors des renseignements précis que donne l'histoire sur l'époque de la construction de la tour et celle de la nef, il est apparent pour tous que la tour a été isolée, qu'elle a été élevée antérieurement à l'église actuelle, et qu'elle n'a pas été bâtie dans des proportions rigoureusement corrélatives à celles de la nef et de ses collatéraux.

L'usage d'ériger dans les clochers un ou plusieurs autels consacrés aux saints anges, et surtout à saint Michel, est un fait liturgique plusieurs fois attesté par les textes historiques et par les monuments. Quant à la chapelle du porche de Saint-Benoit, elle n'était pas seulement destinée aux abbés, car on y plaça au XVe siècle des stalles semblables à celles du chœur, pour les religieux. Dans tous les cas, que ce premier étage ait été, dès l'origine, destiné à servir de chapelle, ou qu'il n'ait été qu'une simple salle, cet intérieur, par la beauté de ses proportions, l'élancement de ses piliers et de ses colonnes, la richesse de ses chapiteaux, accuse une œuvre hors ligne et bien supérieure à celles qui l'on édifiait à la même époque.

Le dessin ichnographique du porche ne présente pas un carré parfait, mais une sorte de trapèze, dont la forme particulière appelle l'attention. L'analyse du plan indique dans la disposition du rez-de-chaussée toute une série d'irrégularités qui frappent à première vue, et que l'on remarque du reste dans d'autres monuments très-connus de la même époque, notamment dans un transept de Notre-Dame de Paris. Cette imperfection dénote Je peu de soin que l'on apportait dans l'exécution du plan donné par le maître de l'œuvre, soit pour en tracer les lignes, soit pour suivre avec précision les lignes tracées par lui.

Après avoir considéré la tour du porche dans son ensemble, on s'arrête volontiers à considérer les détails de son ornementation. L'extérieur n'offre que des surfaces plates coupées horizontalement par un simple cordon chanfreiné, qui correspond aux tailloirs des chapiteaux, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage. Elle est éclairée dans sa partie supérieure par trois longues baies à plein cintre, ouvertes en retrait du nu du mur, perpendiculairement au-dessus des arcade. du porche. L'archivolte de ces baies est supportée par des colonnettes adossées à leur pied-droit ; leurs claveaux, comme ceux de tous les arcs doubleaux des voûtes, sont de petit appareil, et très-régulièrement taillés. Deux ouvertures du premier étage, celle du milieu à l'ouest, celle de gauche au côté nord, ont été vers le XVIe siècle transformées en croisées ogivales à meneaux. Elles étaient destinées à éclairer la chapelle nouvellement restaurée; les cinq autres furent murées.

La surface septentrionale de la tour présente une sorte d'ornementation d'un genre étrange. Des bas-reliefs de différentes dimensions y sont répartis ça et là d'une manière bizarre, dans l'appareil du mur, sans ordre, sans aucune harmonie entre eux. Ces pierres sculptées proviennent elles de la petite église de Saint-Pierre qui tomba en ruine lorsque l'on construisait la tour, ou de l'ancienne église de Sainte-Marie ? Ont-elles été encastrées dans cette façade par un appareilleur inintelligent qui n'y attachait aucun prix, ou par un moine pieusement inspiré qui voulait conserver ces restes d'un vieil édifice détruit ? Toutes ces suppositions sont admissibles.

Voici, selon l'ordre de leur importance, les scènes que reproduisent les bas-reliefs du nord de la tour. Le martyre de saint Étienne et son apothéose ; plusieurs signes du zodiaque, dont cinq (les gémeaux, le bélier, les poissons, le sagittaire, le taureau) se lisent encore assez bien ; l'hiver personnifié dans la figure d'un homme qui se chauffe ; une louve allaitant ses petits; deux animaux mal caractérisés. Malgré leur état assez avancé de dégradation, on aperçoit très-aisément que ces bas reliefs sont mieux sculptés que les figures des chapiteaux historiés du porche.

La décoration intérieure du porche est singulièrement remarquable. Les seuls éléments qui la constituent sont les chapiteaux des nombreuses colonnes, tous ornés de sculptures, ainsi que leurs tailloirs. Les bases des colonnes offrent de très-grandes variétés dans leurs profils; elles appellent l'attention et méritent d'être étudiées au point de vue de l'art architectural, à raison de leur rapport avec le style antique.

Les chapiteaux sont de deux sortes : simples et historiés. Les chapiteaux simples sont ceux dont la corbeille est seulement décorée d'ornements ou de végétaux. Ils ont été évidemment mieux traités par les sculpteurs qui ont travaillé à la décoration de ce porche qu'ils ne l'étaient généralement dans les églises rurales de la période romane. Il en est dont la composition offre une grande analogie avec ceux de l'antiquité, et témoignent que le style roman n'est que la dégénération plus ou moins affaiblie de l'art romain. Los moines artistes auxquels on doit indubitablement ce beau travail de sculpture avaient dû s'inspirer par la lecture des manuscrits de Vitruve ou de quelques autres ouvrages sur l'architecture antique. L'analogie de ces chapiteaux avec le type ordinaire des ordres corinthiens et composites est des plus frappante. Plusieurs de ces chapiteaux simples paraissent inachevés.

Les chapiteaux historiés sont ceux dont la décoration sculpturale offre des compositions à personnages; c'est le genre de chapiteaux, on le sait, qui distingue, comme trait particulier, le chapiteau roman du chapiteau antique. Les sujets qu'ils représentent sont traités avec une grande naïveté. Les figures y sont bizarres, disproportionnées, fantastiques. On y voit des chimères, des animaux d'une nature étrange. On dirait qu'en les composant les artistes se sont plu à y retracer des scènes effrayantes de nature à produire une impression profonde. A la même époque où fut construit le porche, l'abbé Gauzlin avait fait venir de Saint-Julien de Tours un moine nommé Odolric, habile dans l'art de la peinture. Sur les murs de l'église de Saint-Pierre, restaurée avant le fatal incendie de 1026, cet artiste avait représenté des scènes terribles de l'apocalypse de saint Jean. Ce sont sans doute les mêmes sujets que reproduisent les chapiteaux du péristyle. Le texte sacré y a été interprété d'une manière plus ou moins fantastique, et les différentes scènes ont été distribuées sans aucune loi d'intention ou d'harmonie sur les différents points du porche. Le hasard ou le caprice de l'appareilleur semble avoir été la seule règle suivie pour placer les chapiteaux sur les colonnes à mesure qu'ils sortaient tout terminés des mains du sculpteur. Un examen attentif donne à penser que les artistes qui façonnèrent les chapiteaux n'étaient pas d'égale force. On voit aussi que les végétaux y sont beaucoup mieux traités que les personnages. Quelques inscriptions latines y sont mêlées à la sculpture, et c'est un motif de plus pour croire que les moines sont les ailleurs de cette riche ornementation. Des indices assez vagues porteraient à penser que ces sculptures ont été autrefois relevées par le luxe d'une décoration polychrome ; dans les yeux de quelques personnages, on a trouvé du plomb ou du charbon qui simulait la prunelle.

Sans entrer davantage dans la question iconologique à propos des chapiteaux du porche, il sera plus utile de signaler ceux qui méritent d'être particulièrement remarqués, et de donner une explication des scènes qui y sont reproduites.

Chapiteau du porche. Les cavaliers de l'Apocalypse

Porche

Le porche, cet atrium majestueux, chef-d'œuvre du XIe siècle, a repris depuis quelques années son aspect primitif, qu'un long abandon et de nombreuses dégradations lui avaient enlevé.

Il appartenait à notre siècle, et ce sera là une de ses gloires les plus pures, de remettre en honneur nos vieux édifices religieux, longtemps dédaignés et déshonorés. Grâce à cette heureuse réaction, l'admirable porche de l'église de Saint-Benoit a retrouvé sa première splendeur architecturale. Sa restauration, il est vrai, a instigué des regrets aux poètes et aux dessinateurs amis du pittoresque. Ses piliers et leurs colonnes avaient pris, à l'extérieur, sous les influences de la pluie et du soleil, des tons chauds et des nuances singulièrement variées; le temps y avait tracé de profonds sillons. Les herbes parasites, les plantes grimpantes y suspendaient leurs guirlandes de verdure. Les oiseaux de passage et les ramiers abritaient leurs nids et liaient leur famille dans les creux profonds des pierres de ses murs ruineux. On ne peut nier qu'il n'y eût un charme secret dans l'aspect de cette vieille tour. s'affaissant sous le poids des souvenirs séculaires; mais encore un demi-siècle, et c'en était fait du plus intéressant et du plus curieux de tous les monuments de la province orléanaise. La réparation, du reste, n'a pas été une reconstruction ; faite avec une intelligente discrétion, elle a laissé à l'édifice tout son caractère et son style.

Intérieur de l'église

Il n'y a sous le porche qu'une seule porte pour entrer dans l'église; elle correspond au milieu de la nef, et n'a été ouverte qu'en 1648, époque où l'on changea les entrées. Cette porte est en plein cintre avec pieds-droits à vives arêtes, sans aucun ornement. Il est regrettable qu'elle n'ait pas été mise en rapport de style avec le porche.

On ne saurait se défendre, en entrant dans l'église, d'une impression subite qui saisit l'âme et la pénètre d'un double sentiment d'admiration et de respect. Msr de Beauregard, ancien évêque d'Orléans, dit quelque part, dans ses notes manuscrites sur Saint-Benoit: « J'ai visité deux fois en ma vie cette église, seul reste d'un lieu si célèbre... J'avoue que je n'y suis jamais entré qu'avec vénération. »

Du seuil de la porte, le regard embrasse la profondeur et l'élévation de cette vaste basilique : on entrevoit à travers les colonnes du sanctuaire les chapelles absidales, et sous l'autel supérieur les jours mystérieux de la crypte.

L'église n'a été complétée qu'après de longues interruptions ; trois siècles, le XIe, le XIIe et le XIIIe, y ont laissé leurs traces distinctes ; cependant, il règne dans tout l'ensemble de l'édifice une grande harmonie.

Les arcades, les voûtes affectent dans la nef et le sanctuaire des lignes différentes: au plein cintre succède l'ogive ; mais la transition est si peu sensible, qu'il faut une attention réfléchie pour saisir les variétés de style habilement rapprochées et confondues dans cette magnifique construction.

Avant de considérer en détail les parties principales du monument, le visiteur a besoin de jeter un regard rapide sur le passé, afin de se bien convaincre que les conjectures de l'archéologie, fondées sur la simple analyse architecturale, sont parfaitement en harmonie avec la vérité historique. Les annalistes de l'abbaye donnent des dates souvent très-précises, mais toujours exactes.

Après la tour du porche, les parties les plus anciennes de l'église sont la crypte et le sanctuaire. Ce fut l'abbé Guillaume, vers 1067, qui adopta le plan général de l'édifice et en fit jeter les premiers fondements, sous le règne de Philippe Ier, insigne bienfaiteur du monastère. Il parait probable que la crypte était terminée, ainsi que les murs de l'abside, des transepts et des premières travées de la grande nef, lorsque ce roi vint pour la seconde fois visiter l'abbaye, en 1079. Les voûtes, au moins celles des chapelles et des transepts, ne furent construites qu'un siècle plus tard.

Raoul Tortaire, dans son Livre des Miracles, signale particulièrement un moine de Fleury, et semble l'indiquer comme l'inspirateur du plan de l'église. Il se nommait Odilon et remplissait dans la basilique, dont la garde lui était confiée, les fonctions de portier ou sacriste (ejusdem basilicas aedituo).

L'abbé Veran, qui succéda à l'abbé Guillaume en 1080, continua l'œuvre commencée par son prédécesseur, et dépensa des sommes considérables pour en amener l'achèvement.

.... Condis quia templum

Regi magnifico fœnore non modico.

L'histoire nous donne encore le nom du maître de l'œuvre qui succéda au moine Odilon dans la direction des travaux : ce fut le moine Gallebert. Ce religieux, chargé de payer les ouvriers, se trouvant à bout de ressources, obtint de l'abbé Veran l'autorisation de quêter dans les pays circonvoisins. Raoul Tortaire rapporte le succès qu'il obtint dans l'église de Vitry-aux-Loges, où le roi tenait alors sa cour.

Si l'église n'était pas encore achevée en 1085, lorsque l'abbé Veran mourut elle dut l'être dix ans plus tard, en 1095, lorsqu'un incendie, sous l'abbé Joscerand, vint de nouveau désoler le monastère. C'était pendant les fêtes de Pâques ; les murs de la basilique avaient été recouverts de riches tentures de soie, preuve évidente que l'on y célébrait l'office.

Les voûtes du sanctuaire fuient provisoirement construites en bois, sous l'abbé Joscerand, et les basses nefs restèrent inachevées. En 1103, l'abbé Simon, son successeur, fit mettre la dernière main au chevet de l'église, construisit dans le sanctuaire, au-dessus de la crypte, l'autel de Saint-Benoit, ce même autel dont on a retrouvé les fragments précieux en 1860 ; enfin, il acheva les transepts et les collatéraux. La voûte en berceau légèrement ogival des deux transepts aurait donc été construite vers 1108. Cette date historique, appliquée à ces deux grandes divisions de l'édifice, confirme les appréciations des archéologues, qui attribuent généralement la forme de leurs voûtes aux premières années du XIIe siècle.

Enfin l'abbé Barthélemy, en 1218, mit la dernière main à l'œuvre, en ajoutant quatre nouvelles arcades aux trois premières arcades de la grande nef, commencée en 1080, et en jetant sur cette vaste nef la belle voûte ogivale à nervures toriques qui la recouvre dans toute son étendue. Toutefois, la forme des dernières fenêtres donne à penser qu'une restauration postérieure à 1218 aurait complété l'église et l'aurait définitivement réunie à la tour du porche, jusque-là isolée. L'histoire ne fournit aucun renseignement à cet égard ; mais il y a dans la construction des lignes de démarcation assez tranchées pour autoriser cette supposition.

Dans la suite des siècles, l'église a subi des restaurations dont les traces tendent heureusement à disparaître d'année en année; elles sont l'objet dans cet ouvrage d'un chapitre spécial qui en fixé le souvenir. Les préliminaires historiques qui précèdent suffisent pour éclairer les explorations archéologiques du visiteur qui désire étudier sérieusement ce remarquable monument. Eclairé par ces préliminaires historiques, il parcourra le monument avec plus d'intérêt.

Grande nef et collatéraux

XIIIe siècle (1218).

La nef principale, haute de 20 mètres sous clé de voûte, est flanquée de deux petites nefs beaucoup plus basses, et avec lesquelles elle est mise en communication par sept arcades. Ces arcades sont ogivales, larges de 4 mètres, et munies à l'intérieur d'un redan chanfreiné qui forme archivolte ou voussure, et dont la retombée repose sur une colonne à demi-engagée dans la pile qui partage chaque arcade. Toutes les piles sont cantonnées de quatre colonnes, dont les chapiteaux variés ont beaucoup d'analogie avec les chapiteaux du porche. Deux de ces chapiteaux seulement sont historiés : ce sont ceux des colonnes des deux piliers les plus rapprochés des transepts, derrière les stalles du chœur. A droite, le chapiteau n» 1 représente la double scène de la tentation de saint Benoit, à Subiaco. Le démon, jaloux de la pureté angélique du serviteur de Dieu, prit les formes séduisantes d'une courtisane déhontée. Pour détourner sa pensée de cette dangereuse image qui se reproduisait sans cesse, et pour se délivrer des tentations incessantes qui l'obsédaient, saint Benoit eut recours à un acte de mortification héroïque: il se roula nu dans un buisson d'épines.

A gauche, le chapiteau n° 2 rappelle une autre épreuve que le démon fit subir au saint solitaire. Retiré dans les rochers de Subiaco, Benoit n'avait de communication qu'avec le moine Romain, qui lui apportait de temps en temps de la nourriture. Le démon chercha à le prendre par la famine, en brisant la clochette dont le son l'avertissait pour qu'il vint recueillir le pain qui lui était descendu du haut de la roche escarpée, au moyen d'une corde. Ce chapiteau est fruste ; une partie de la scène a été enlevée. Il est probable que l'on y voyait le saint prêtre du voisinage de Subiaco, qui, miraculeusement averti de la détresse de l'homme de Dieu, venait lui apporter à manger.

Ces deux chapiteaux historiés ont une apparence d'antiquité plus frappante que tous les autres chapiteaux simples de la nef; ils ont dû appartenir aux premières travées construites vers 1103. Les autres auront été sculptés au XIIIe siècle, à l'époque de l'achèvement de cette partie de l'édifice.

La grande nef, comme ses collatéraux ou bas côtés, est recouverte d'une voûte ogivale en pierre, à nervures entrecroisées ; les arcs formerets de la grande voûte sont reçus à leur retombée sur des colonnettes que supportent des consoles placées à la hauteur des gros chapiteaux.

Toutes les fenêtres de cette nef sont ornées à l'intérieur, et dans les angles rentrants de leurs pieds-droits, de colonnettes coupées à la moitié de leur élévation par un annelet torique. Le cintre de leur voussure est légèrement brisé; dans les bas côtés, la voussure des fenêtres est d'un plein cintre parfait.

Il est apparent que les murs de la grande nef ont été construits à des époques différentes, quoiqu'assez rapprochées. Les quatre premières travées, en allant de la porte d'entrée vers le chœur, sont éclairées par des fenêtres dont l'appui descend en glacis jusqu'au nu du mur, sans qu'il y ait de cordon au terme de cette déclivité, tandis qu'aux trois travées suivantes, les dernières en arrivant aux transepts, le glacis, beaucoup plus court d'ailleurs, se termine à un cordon faisant ressaut sur la colonne qui monte isolée à la voûte.

Les bas côtés ont subi dans la suite des temps quelques modifications sans importance; celui du sud présente une différence avec celui du nord : le mur, sous les fenêtres, est partagé par de larges arcatures peu profondes et sans ornement.

Dans le bas côté nord, on remarque, au-dessus de l'ancienne porte d'entrée, une pierre sculptée représentant la Cène. Cette pierre faisait partie du jubé, détruit au commencement du XVIIIe siècle.

Ce serait peut-être ici le lieu de parler de la tribune de l'orgue, qui remplit la première arcade à l'entrée de la nef. Elle repose sur une vaste coquille en pierre qui forme voûte. Il est regrettable que cette tribune, bâtie en 1657, n'ait pas été mise en rapport avec le style de l'église ; mais au XVIIe siècle, le style gothique était trop dédaigné pour que les religieux eussent pu avoir cette préoccupation.

A l'autre extrémité de la nef, le chœur occupe les deux dernières arcades qui précèdent les transepts. L'emplacement du chœur a varié. Avant le XVe siècle, il était au bas de l'autel de Saint-Benoît, près du mur de la crypte, et très-probablement derrière l'autel de la Sainte vierge, qui était l'autel principal, celui devant lequel les fidèles étaient admis. Toujours est-il que, depuis quatre siècles, le chœur est resté dans ce même emplacement. Son enceinte est formée par deux rangées de stalles. Il est ouvert du côté de la nef, depuis que l'église est devenue paroissiale. Autrefois, les stalles et leurs dossiers faisaient retour d'équerre et ne laissaient au milieu que l'espace d'une porte; la stalle de l'abbé était à droite, en entrant ; celle du grand prieur à gauche, faisant l'une et l'autre face à l'autel.

Les stalles du chœur de Saint-Benoit sont connues et renommées; elles méritent une étude toute particulière. Leur style est large et sévère ; il s'harmonise bien avec celui de l'édifice. On retrouve là un type remarquable, un spécimen curieux du savoir-faire des artistes qui travaillaient le bois au commencement du XVe siècle.

Ces stalles sont au nombre de trente-six de chaque côté du chœur. Les sièges du rang supérieur correspondent à autant de compartiments du dossier à dais qui les recouvre tous, sans aucune solution de continuité. Les pentes de ce dais prolongé d'un bout à l'autre des stalles sont découpées en ogives à contre-courbes ou accolades, et ornées de sculptures. Les sujets décoratifs de ces pentes sont très-variés. A droite ce sont des moines, les bras étendus et tenant dans leurs mains des phylactères ; quelques-uns sont singulièrement mimés. A gauche, c'est une série d'oiseaux nocturnes aux ailes éployées. Chaque extrémité des dossiers se termine par une volute gracieusement contournée, et sculptée avec une grande délicatesse. Les accoudoirs et les miséricorde. sont sculptés et reproduisent, selon l'usage adopté alors, des figures fantastiques et grimaçantes d'hommes et d'animaux. Les panneaux qui terminent chaque section de stalles sont décorés de sculptures en bas-relief. Le morceau le mieux conservé est celui qui remplit le panneau de l'extrémité du second rang des stalles, à gauche: il représente la sainte Vierge et l'archange Gabriel. Cette scène de V Annonciation est très-remarquable. Les autres panneaux étaient remplis par des statuettes de moines représentant les saints patrons de l'abbaye, saint Benoit, saint Mommole, saint Aigulphe. On retrouve encore dans un panneau à demi-coupé les restes d'une statuette de sainte Catherine. C'est en appropriant le chœur aux exigences du service paroissial, au commencement du siècle, que l'on endommagea cette magnifique boiserie.

Pour s'enclore davantage, les Bénédictins avaient fait placer au-dessus des stalles, de chaque côté du chœur, des tapisseries tendues dans de larges cadres en bois de chêne. Cette sorte de cloison, ou paravent, a été enlevée depuis quelques années.

C'est à Orléans même que les stalles ont été sculptées, et ce beau travail est dû à l'habileté d'artistes orléanais, dont l'histoire nous a conservé les noms. Voici ce que l'on trouve dans D. Th. Leroy à ce sujet:

« En 14I3, le 6 janvier, les sièges et chaises à dossier qui sont dans l'église de l'abbaye et monastère de Saint-Benoit ont été faites et parfaites par certains ouvriers menuisiers demeurant en la ville d'Orléans, appelés Droin, Jacques et Collardin Chapelle, et ont coûté aux religieux, prieur et couvent de l'abbaye, la somme de 400 livres tournois, comme il appert par la quittance des dits menuisiers...

« Lesdites chaises ont été faites sous la supériorité de frère Begon de Murat, abbé, moine de ce monastère; mais il n'appert pas qu'il ait payé aucune chose pour icelles en ladite quittance, malgré qu'il soit dit: avoir reçu des abbé et couvent ; mais il est dit : par les mains de Simon Douard, grand prieur. Les chaises susdites sont composées de cent formes en tout et d'une assez belle architecture. »

Ces cent stalles n'étaient pas toutes dans le chœur; le surplus des soixante-dix-huit que l'on y comptait avait été placé dans la chapelle de la tour du porche. Plus tard, les abbés s'étant réservé pour leur usage particulier cette chapelle, mise en communication avec leur logis, les stalles furent cédées à l'église paroissiale de Fleury, d'où elles ont été rapportées au commencement du siècle, pour être placées dans les bas côtés, à droite et à gauche du sanctuaire.

En parlant des stalles du chœur, Dom Chazal dit: « C'était une œuvre assez élégante pour le temps. On y avait sculpté des figures de moines habillés comme alors, c'est-à-dire avec la cucule ample qui se porte dans la congrégation de Saint-Maur, la couronne comme les Frères-Prêcheurs.

« Outre les armes du roi qui sont sur les stalles hautes, du côté de l'épitre, et les armes de l'abbaye de Fleury et de la maison d'Orléans, on voit encore d'autres armoiries du côté de l'évangile : quatre lozanges, trois étoiles, deux en chef, une en pointe, armes de l'abbé Begon de Murat. »

Si la restauration de l'église et des motifs impérieux nécessitaient la suppression des stalles et le déplacement du chœur, lieu si plein de souvenirs, il faut espérer que ce meuble monumental, œuvre du XVe siècle, serait conservé dans toute son intégrité. Il est dans la vaste basilique des espaces assez libres pour le recevoir ; il faudrait à tout prix le préserver d'une mutilation que regretteraient vivement tous ceux qui s'intéressent aux beaux restes de l'art gothique et aux grands souvenirs de l'histoire.

Transept et coupole

(1108)

Entre le chœur actuel et le sanctuaire, s'étendent à droite et à gauche les transepts qui forment les premiers bras de la double croix du plan géométral. Leur largeur est égale à celle de la grande nef. Dans chaque transept s'ouvrent deux chapelles ou absidioles en cul-de-four. Elles sont éclairées par des fenêtres ouvertes à l'est, au-dessus de l'autel. L'entrée des chapelles est ornée de deux colonnes à demi engagées. Trois des chapiteaux de ces colonnes sont historiés.

La première des chapelles, dans le transept nord, est consacrée à la sainte Vierge ; la seconde, à sainte Scholastique. Dans le transept sud, la première chapelle est consacrée à saint Benoit ; la seconde, à saint Sébastien.

Le vocable des chapelles a varié depuis le XIIe siècle. Le même autel était consacré à plusieurs saints, ou plutôt était désigné pour l'acquittement de diverses fondations faites en vue de créer des prébendes aux religieux. Lorsqu'un donateur fondait un autel, le titulaire auquel les revenus de cet autel étaient attribués devait acquitter ou faire acquitter les messes ou services convenus, sur un autel spécialement désigné dans l'acte de donation. En général, les donations de ce genre étaient, dans presque toutes les églises, plus nombreuses que les autels.

Transept Nord. Le chapiteau de la colonne, à gauche de l'entrée de la chapelle de la Sainte-Vierge, présente une scène qui n'a pas encore été expliquée d'une manière satisfaisante. Le Christ debout, un livre à la main, bénit deux personnages, un homme et une femme prosternés à ses pieds. A sa droite sont deux autres personnages debout, dont un lui présente un livre ouvert; à sa gauche, un cinquième personnage s'incline les mains jointes et tournées vers la terre. De chaque côté du nimbe crucigère du Christ, sont gravés un A et un Ω. Sur la corbeille même du chapiteau, on lit: Cleopas miles, Petrus miles, Hugo miles. Plusieurs autres noms sont illisibles. Ce sont là, sans doute, autant de donateurs.

La scène du chapiteau à droite de l'entrée de la chapelle de Sainte Scholastique, ainsi que celle du chapiteau de la colonne opposée, s'expliquent facilement. La première représente Daniel dans la fossé aux lions. Le prophète est assis dans une sorte de baie de forme ovale et crénelée. Sa tète est nimbée, et de chaque côté du nimbe, on lit : Da_niel. Trois lions sont à ses pieds. A sa droite, un ange soutient en l'air, et suspendu par les cheveux, le prophète Habacuc, qui apporte à Daniel le dîner préparé pour ses moissonneurs. A sa gauche, Nabuchodonosor se tient debout dans l'attitude de l'étonnement et de la satisfaction.

Un épisode de la vie de saint Benoît est le sujet sculpté sur le chapiteau à gauche de l'entrée de cette même chapelle de Sainte-Scholastique. Un Goth nommé Galla s'était emparé d'un villageois auquel il voulait enlever ses trésor.. Cet homme lui ayant dit, pour échapper à sa rapacité, qu'il avait confié à saint Benoit tout ce qu'il possédait, Galla l'enchaîna et le conduisit à l'homme de Dieu, en le faisant marcher devant son cheval : « Lève-toi ! » s'écria le barbare avec insolence, en apercevant le saint religieux assis à la porte de son monastère. « Lève-toi et donne-moi l'argent de cet homme. » Benoit regarda avec tranquillité les chaînes qui enlaçaient les mains du villageois, et ces chaînes furent brisées aussitôt. A la vue de ce prodige, Galla tomba aux pieds de l'homme de Dieu, tremblant et converti.

Dans ce transept nord, sur le mur occidental, à 3m de hauteur environ, on voit une grosse tète informe, à longues oreilles : c'est l'effigie de la face de Raynaldus le Normand, barbare que saint Benoît frappa de mort, dit un ancien historien de l'abbaye.

Cette tête informe aura été placée dans le mur, et à cette place, en souvenir de celle qui avait été incrustée en effet dans le mur de l'ancienne église, vers 896. C'est un fait rapporté par Aimoin. « Les anciens, dit il, placèrent dans le mur du nord de la basilique de Sainte-Marie l'effigie en marbre de la tête de Raynaldus, afin de faire connaître aux générations futures la terrible vengeance que Dieu exerce toujours contre ses ennemis. »

Dans le transept sud, les deux chapelles de Saint-Benoit et de Saint-Sébastien ont été récemment restaurées, ou plutôt reconstruites. Les deux autels de ces chapelles sont d'un style qui s'harmonise parfaitement avec celui de l'église. Ils ont été consacrés l'un et l'autre dans le cours de l'année 1864.

Les deux transepts sont vastes. Une fenêtre de très-grande dimension ouverte dans le pignon, au nord et au sud, deux autres fenêtres à l'ouest, deux à l'est, répandent surabondamment la lumière dans cette partie de l'église déjà éclairée par les fenêtres des chapelles.

L'espace rectangulaire qui existe au point d'intersection de la nef du sanctuaire et des transepts, au-dessous du clocher central, est recouvert d'une voûte octogonale à sa base et parfaitement hémisphérique à son sommet. Cette coupole, d'une construction hardie, repose sur les quatre pendentifs que supportent les angles rentrants des transepts.

Sous la coupole, deux chapiteaux des colonnes des piliers qui sont à l'angle du sanctuaire à droite, et à l'angle de la nef à gauche, sont historiés. Celui de la nef représente l'intérieur des cuisines du monastère. Celui de l'entrée du sanctuaire reproduit un double miracle. Saint Benoit chasse un démon assis sur une pierre qu'il rendait tellement pesante que les moines ne pouvaient plus la soulever, et ressuscite un novice, broyé par la chute d'un mur renversé par le démon.

Sous la coupole avait été placée, en 1702, la pierre tombale de Philippe Ier, que l'on a enlevée en 1863.

Sanctuaire et tombeau de Phillipe Ier

Le sanctuaire, qui est assurément la partie la plus intéressante et la plus curieuse de l'intérieur de l'église, se termine en hémicycle. Trente deux colonnes, dont seize sont isolées et seize sont à demi-engagées dans les gros piliers, l'environnent et soutiennent la retombée de l'archivolte des arcades qui le séparent du déambulatoire. Ces arcades sont en plein cintre un peu surhaussé; leur archivolte ou voussure forme un redan de 10 centimètres environ d'épaisseur. Les claveaux de ces arcades sont en petit appareil.

Les chapiteaux des colonnes inférieures de la partie du sanctuaire qui précède la crypte sont simplement ébauchés pour la plupart. Du côté gauche, deux seulement sont sculptés. Du côté droit, le premier de ces chapiteaux est historié et représente la sainte Vierge visitant sainte Élisabeth, et un ange tenant un encensoir.

Un triforium, sorte de galerie composée d'arcatures aveugles et simplement décoratives, circule autour des murs du sanctuaire et de l'hémicycle. Cette galerie ne pénètre dans l'épaisseur du mur que de 20 centimètres environ ; elle est très-rapprochée des fenêtres et laisse un champ fort large au-dessus des arcades.

Les colonnettes du triforium, dans la première partie du sanctuaire, sont au nombre de trente, simples et historiées. Pour découvrir plus facilement les différents sujets des chapiteaux historiés, il faut commencer par le bas du sanctuaire à gauche, et les examiner dans l'ordre suivant:

  • Chapiteau 1. Simples draperies.
  • Chapiteau 2. Sorte de chasse à courre. Scène fantastique.
  • Chapiteau 3. Saint Pierre marche sur les eaux. Jésus vint un jour à la rencontre de ses disciples qui pêchaient sur le lac de Galilée. Il marchait sur les eaux. Ils furent épouvantés, et disaient : « C'est un fantôme. C'est moi, leur dit-il, ne craignez pas. Seigneur, si c'est vous, s'écrie saint Pierre, ordonnez que j'avance vers vous. Venez, lui dit Jésus. L'apôtre descend de la barque où il était avec ses compagnons, et il marchait sur les eaux pour aller à Jésus. Cependant, le vent soufflait avec force. Il eut peur, et il allait être submergé ; mais reprenant confiance, il s'écria : Sauvez-moi, Seigneur. Alors, Jésus lui tendit la main pour le soutenir, et lui dit: Homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté ? Et ceux qui étaient dans la barque vinrent, et tombant à ses pieds, ils dirent Vous êtes vraiment le fils de Dieu. » (S. Matthieu, XIV, 25 et suiv.)
  • Chapiteau 4. Jésus voyant au-dessous de sa croix sa mère et son disciple bien-aimé, dit à sa mère : « Voici votre fils ; et au disciple: Voici votre mère. » (S. Jean, XIX, 26.) Le Christ est représenté sur la croix avec sa tunique. C'est un des types actuellement très-rares des christs byzantins sculptés sur la pierre.
  • Chapiteau 5. Simples feuillages.
  • Chapiteau 6. La sainte Vierge et saint Joseph retrouvent Jésus dans le temple au milieu des docteurs. C'est le moment où l'enfant Jésus répond à sa mère qui lui disait: « Mon fils, nous vous cherchions ; » « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne savez-vous pas que je dois faire avant tout la volonté de Dieu mon père. » (Saint Luc, II, 46 et suiv.)
  • Chapiteau 7. Ce chapiteau représente un double combat singulier. Les premiers combattants sont armés et couverts de boucliers; les deux autres luttent corps à corps.
  • Chapiteau 8. Personnage assis sur un cheval.
  • Chapiteau 9. Oiseaux et reptiles.
  • Chapiteau 10. Chevaux fantastiques.
  • Chapiteau 11. Draperies et feuilles.
  • Chapiteau 12. Quatre grands oiseaux.
  • Chapiteau 13. Feuillages.
  • Chapiteau 14. Animaux joueurs d'instruments. Un singe joue du violon, un àne joue de la harpe, etc. (PI. 17, ch. 14.)
  • Chapiteau 15. Feuillages.

Du côté droit, en revenant du mur de la crypte à l'entrée du sanctuaire, on trouve:

  • Chapiteau 16. Trois grosses tètes informes.
  • Chapiteau 17. Oiseaux fantastiques.
  • Chapiteau 18. Chevaux luttant entre eux.
  • Chapiteau 19. Feuillages.
  • Chapiteau 20. Tètes monstrueuses.
  • Chapiteau 21. Samson enlève sur ses épaules les portes de la ville de Gaza et s'enfuit avec ce fardeau sur le sommet du mont Hébron, en présence des gardes postés à l'entrée de la ville pour l'empêcher de s'évader. (Juges, XVI, 1 et suiv.)
  • Chapiteau 22. Des bergers viennent adorer l'enfant Jésus dans l'étable de Bethléem.
  • Chapiteau 23. Départ de saint Maur du Mont-Cassin. Les envoyés de l’évêque du Mans sont à gauche du saint patriarche. Saint Maur reçoit la crosse abbatiale, symbole de la mission qui lui est donnée d'aller fonder des monastères dans les Gaules. Un des religieux placés derrière saint Maur tient une clé à la main.

Les sept derniers chapiteaux de ce côté du triforium n'offrent aucune composition historique. Ils sont tous simples, et leurs sculptures ne reproduisent que des feuillages, des draperies, des chevaux, des oiseaux de proie, des dragons et quelques autres animaux aux formes fantastiques.

En avant du sanctuaire, dans la partie qui fut autrefois le chœur des religieux, on remarque, à 4m environ de l'entrée, une dalle différente des autres. C'est le lieu de la sépulture du roi Philippe Ier, mort à Melun en 1108, et inhumé dans l'église de Saint-Benoit, alors que le sanctuaire et les transepts étaient à peine achevés.

Le caveau construit pour recevoir son cercueil est un quadrilatère oblong d'environ 2m 50 de long sur1m de large.

L'ouverture du tombeau de Philippe Ier, qui eut lieu le 1er juillet 1830, avec toutes les formalités qui peuvent donner un caractère d'authenticité à un acte de cette importance, a permis de constater la présence des restes de ce prince dans l'église de Saint-Benoit. On lit dans le procès verbal dressé en cette occasion par les autorités locales, en présence d'un délégué de la préfecture du Loiret, M. Pagot, architecte:

« Le roi est placé à découvert dans un cercueil qui parait être de« chêne, autant qu'on peut en juger, étant très-consumé; il est posé la tête un peu élevée du côté de l'entrée de l'église, regardant l'autel. Il paraît être d'une haute stature ; le cercueil dans lequel il est placé est ceint d'une construction de pierres d'Apremont, dont quatre à sa droite, trois à sa gauche, et une à chaque extrémité, liées ensemble par un ciment très-vieux et très-dur. Ces neuf pierres, de largeur inégale, ont 6 pouces (17 centimètres) environ d'épaisseur, 20 pouces de hauteur (55 centimètres) ; elles ont une feuillure étroite pour recevoir cinq autres pierres qui servent à fermer le tombeau. »

Suit une description de l'état du cadavre, que l'on trouva recouvert de bandelettes tissues de soie à fleurs et feuilles courantes. On n'a trouvé aucun insigne, aucun reste de vêtements royaux ou religieux.

La pierre tombale que l'on voit actuellement dans l'église est la même que celle qui fut placée primitivement au-dessus même du caveau où le corps du roi repose, et qui avait été transportée sous la coupole, au point central de la croisée, en 1702, parce qu'elle embarrassait l'entrée du sanctuaire. Voici ce qu'en dit Montfaucon dans ses Antiquités françaises :

« Nous n'avons d'autres figures de Philippe Ier que son tombeau de Saint-Benoit-sur-Loire. Ce tombeau a 6 pieds 9 pouces de long (2m 25), et est d'une seule pièce, hormis les lions qui le soutiennent. La couronne est ornée de trèfles et de fleurs de lys qui sont présentement cassées. Ce qu'il y a de singulier, c'est que Philippe, étendu sur son tombeau, tient un gant. Ce gant était pour la main qui soutenait l'épervier que les princes et les seigneurs se faisaient honneur de porter en ces temps-là. »

Cette pierre tombale, enlevée et rejetée hors de l'église, non sans avoir subi quelques dégradations en 1793, fut restaurée et replacée dans l'église en 1830.

Avant de monter sur le palier supérieur du sanctuaire pour examiner en détail l'ornementation des chapiteaux des colonnes de l'hémicycle, il faut considérer dans son ensemble cette partie importante de l'édifice. C'est là, en effet, le lieu le plus considérable. Toutes les grandes lignes convergent vers ce point, comme vers le centre mystérieux où doivent se concentrer toutes les pensées, toutes les aspirations, toutes les prières, toutes les espérances.

L'autel principal, celui qui était destiné à la célébration des messes solennelles et des grands offices, s'élevait un peu en avant du mur de la crypte, et de manière à être aperçu des fidèles placés dans les transsepts. Cet autel, appelé dans le langage liturgique Vautel majeur, était consacré à la bienheureuse vierge Marie. En le maintenant à cette place et en lui donnant ce vocable, les religieux conservaient les souvenirs d'une double tradition. Dans l'ancienne église, remplacée par l'église actuelle, l'autel était ainsi placé devant la crypte, et il était également consacré à la more de Dieu. Ceci est attesté par tous les historiens des Miracles de Saint-Benoit.

L'ordonnance générale du sanctuaire est subordonnée à la surélévation de la crypte, qui domine de 2m le sol de l'église. Le maître de l'œuvre, en adoptant de préférence une telle disposition, a dû obéir aux inspirations de sa piété envers saint Benoit. Il voulut que du choeur on pût apercevoir, par les ouvertures pratiquées dans le mur perpendiculaire élevé derrière l'autel majeur, la lueur des lampes allumées nuit et jour dans la crypte, devant le tombeau du saint patriarche. Pour que les nombreux pèlerins qui venaient le visiter et le vénérer ne troublassent pas le recueillement des religieux au chœur et celui du célébrant à l'autel, il fit ouvrir les portes de la crypte dans les basses nefs. A côté de ces portes, deux escaliers étroits conduisent dans les chapelles du déambulatoire et dans l'hémicycle du sanctuaire où, dès l'origine était Vautel matutinal, consacré à saint Benoit. Cet autel se trouvait placé perpendiculairement au-dessus de la confession ou martyrium de la crypte.

L'hémicycle qui termine le sanctuaire est recouvert d'une voûte en berceau un peu surbaissée qui se termine en cul-de-four. Cette voûte, comme celle des transsepts et celle du porche, n'est pas à pierres vues ; elle est construite en moellons noyés dans un bain de mortier. Le fond de l'hémicycle est éclairé dans sa partie supérieure par sept fenêtres plein-cintre, semblables à celles qui sont ouvertes au-dessus du triforium de chaque côté du sanctuaire. Leur archivolte retombe sur des colonnettes placées dans les angles rentrants de leurs pieds-droits. Les arcatures du triforium circulent au-dessus des six arcades à cintre surhaussé, qui mettent l'hémicycle en communication avec le déambulatoire et ses chapelles. Dix colonnes à demi-engagées et huit colonnes isolées décorent son pourtour. Leurs chapiteaux variés méritent de fixer l'attention.

Les chapiteaux des colonnes monocylindriques du pourtour ont été presque tous renouvelés dans les différentes restaurations qui ont eu lieu depuis le XIIe siècle; deux seulement, à gauche, du côté de la sacristie, ont été conservés. Leur style est d'une naïveté primitive; ce sont là évidemment les premiers tâtonnements de l'art sculptural renaissant au moyen âge.

Le premier de ces deux chapiteaux représente la chute originelle. Il y a dans l'ensemble de cette composition une triple scène :

  • 1 Dieu, en introduisant Adam et Eve dans le paradis terrestre, leur intime la défense de manger du fruit de l'arbre du bien et du mal;
  • 2 le démon, sous la forme d'un serpent enroulé autour du tronc de l'arbre fatal, invite Adam et Eve à manger de son fruit;
  • 3 Dieu chasse Adam et Eve du séjour de délices; sa main droite est armée d'un glaive, mais de la gauche il tient le livre mystérieux dans lequel sont inscrites les promesses de sa miséricorde. (Genèse, ch. III.)

Le second chapiteau reproduit les trois actes principaux du sacrifice d'Abraham:

  • 1 Isaac, les yeux bandés, les mains liées, attend sur l'autel du sacrifice le coup qui devait l'immoler, mais qu'un ange vient détourner en arrêtant le bras de son père;
  • 2 Abraham rencontre près de là un bélier;
  • 3 le bélier est mis sur l'autel à la place d'Isaac.

On retrouve encore parmi les chapiteaux du triforium, au fond de l'hémicycle, deux autres chapiteaux historiés : l'un d'eux reproduit la punition de Nabuchodonosor changé en bête. Ce roi superbe est représenté d'abord le sceptre à la main, la couronne en tète, et un peu plus loin il rampe sur ses mains, à la manière des animaux, aux pieds de ses courtisans, qui le chassent de son palais. (dan., ch. IV, v. 30.) L'autre chapiteau historié de cette galerie offre la scène de l'entrée triomphante de Jésus à Jérusalem. Jésus, assis sur un ânon, s'avance vers la ville de Jérusalem, que l'on aperçoit dans le lointain. Devant lui ses apôtres étendent leurs vètements et couvrent la terre des feuillages et des branches qu'ils arrachent aux arbres du chemin. (S. Matth., ch. XXI, v. 9.)

Au-dessus du triforium, les quatre chapiteaux des grosses colonnes à demi -engagées qui reçoivent la retombée des arcs doubleaux de la voûte sont historiés. Ils représentent plusieurs miracles opérés par le saint patriarche, à Subiaco et au Mont-Cassin.

Le premier chapiteau, en commençant à gauche, reproduit le premier miracle que saint Benoit opéra avant d'entrer dans le désert de Subiaco. Sa nourrice, qui l'avait suivi jusque-là, voulut, avant de le quitter, lui préparer quelques pains frais, et pour cela emprunta à l'un des habitants d'Afile un crible en terre cuite, pour sasser son froment. La pauvre femme, trop empressée dans son travail, le laissa tomber d'une table : il se brisa. Elle était inconsolable de cet accident. Benoit, touché de sa douleur, se jette à genoux, prie avec ferveur, puis ramassant à terre le crible dont les morceaux s'étaient miraculeusement réunis, il le lui donne et lui dit: « Consolez-vous, ma mère, vous pouvez rendre maintenant ce crible à qui il appartient. »

Le chapiteau suivant offre la scène de saint Placide sauvé des eaux par saint Maur.

Maur et Placide furent 1ns premiers disciples de saint Benoit; c'est lui qui forma leur enfance à la piété et à la science. Placide, très-jeune encore, était allé puiser de l'eau dans le lac profond de Subiaco. Il perdit pied sur le rivage, et le courant l'avait déjà entraîné à un trait de flèche, lorsque saint Maur, obéissant aux ordres de saint Benoit, courut à son secours, marcha sur les eaux, le saisit par les cheveux et le ramena sur le bord sain et sauf.

Au troisième chapiteau, c'est Totila visitant saint Benoit. Ce fier roi des Barbares ne put voir l'homme de Dieu sans trembler, tant il lui inspirait de respect. Il se tint agenouillé devant lui, et il fallut que le saint le relevât et lui adressât la parole avec bonté, pour le rassurer.

Le quatrième chapiteau reproduit le miracle de la résurrection d'un petit enfant. Un pauvre villageois des environs du MontCassin avait déposé à la porte du monastère son enfant mort. « Rendez-moi mon enfant, » criait-il en s'adressant à saint Benoit. Le saint se jeta à genoux et dit: « Seigneur, ne regardez pas mes péchés, mais la foi de cet homme. Il demande son enfant. » Le corps du petit enfant commença aussitôt à frémir, et il le rendit vivant à son père.

La planche n° 18 de cet ouvrage reproduit l'aspect de l'ancien sanctuaire, le mur de la crypte et ses ouvertures, l'autel de Saint-Benoit, dit l'autel matutinal. Tout porte à croire que cet état de choses sera rétabli lorsque la restauration de la crypte sera terminée. La mosaïque dont il est parlé dans le chapitre suivant, et qui a du être enlevée, sera sans doute replacée dans cette partie du sanctuaire. Ce genre de dallage, d'ailleurs, s'harmonise parfaitement avec le style de cette partie de l'édifice.

Chapelles de l'abside

Quatre chapelles rayonnent autour du sanctuaire et s'ouvrent sur le déambulatoire ou nef circulaire. Elles sont toutes de même style que le sanctuaire lui-même ; les murs, à l'entrée de chaque chapelle, sont ornés à droite et à gauche de hautes arcatures très-simples; les chapiteaux des colonnes ont été presque tous dénaturés par les restaurations successives faites dans cette partie de l'église; ceux qui restent encore ont une parfaite analogie avec les chapiteanx des arcatures du triforium. Les voûtes se terminent en cul-de-four. Les deux chapelles du fond sont éclairées chacune par trois fenêtres : la fenêtre centrale est ouverte au-dessus de l'autel. Les deux autres chapelles ne s'ouvrent pas directement sur le déambulatoire; elles sont précédées d'une sorte de petit chœur carré, orné d'arcatures, et au-dessus duquel s'élève une tour. Au premier étage de cette tour ont été disposées, sous l'administration du cardinal de Richelieu, des salles avec ouverture sur le sanctuaire.

La destination des salles des tours de l'abside a donné lieu à beaucoup de suppositions, la plupart exagérées. Elles étaient sans doute destinées aux religieux qui ne pouvaient assister au chœur parce qu'ils avaient à subir une peine disciplinaire, ou peut-être aussi, et plus probablement, aux gardiens de l'église. En effet, on a vu qu'aux IXe et X» siècles, l'église qui précéda l'église actuelle présentait des dispositions analogues. Les cellules des religieux chargés de veiller nuit et jour sur les saintes reliques et de garder l'église étaient ouvertes sur le sanctuaire.

Les chapelles de l'abside ont eu, comme toutes les autres, dans le cours des âges, des dénominations variables qu'il serait très-difficile de retrouver. Actuellement, la première chapelle au sud porte le nom de Saint-Vincent ; elle avait autrefois été dédiée à l'archange saint Michel, lorsque celle du premier étage de la grosse tour qui lui était primitivement consacrée eut cessé d'avoir une destination religieuse. La chapelle suivante est placée sous le vocable de saint Loup ; la troisième sous celui de saint Maur; la quatrième, qui était dédiée à saint Frogent, l'est maintenant à saint Michel.

Sacristie

Construite en dehors du plan régulier de l'église, au-dessus d'une portion de l'ancienne crypte, la sacristie est un carré oblong de 10 mètres sur 6.) Une colonne monocylindrique soutient la voûte à vive arête qui la recouvre. La porte s'ouvre dans le chœur qui précède la chapelle de Saint-Vincent. Elle est éclairée par deux fenêtres géminées. La reconstruction de cette salle remonte au XVIe siècle. On a conservé dans les restaurations récenfes le style de cette époque.

L'ameublement de la sacristie est assez remarquable. Voici ce qu'en dit Dom Thomas Leroy dans son histoire de l'abbaye:

« Item, en 1637, a été faite et parfaite toute la boiserie de ladite église où était jadis la bibliothèque, lorsque les huguenots la pillèrent, en la partie méridionale élevée sur une autre voûte, et voûtée par dessus ladite boiserie en revêtement des murailles d'icelui lieu, en armoires et tables foncées pour loger les argenteries, chasubles, linges et autres petits meubles et ustensiles de l'église et propres pour le service divin, le tout d'une belle sculpture et architecture, à panneaux et doubles joints, compris aussi la porte qui entrait dans la trésorerie où est gardé le corps de notre père saint Benoît. Au haut de ladite boiserie sont les armoiries de cette abbaye en un cartouche en bosse et blasonné, savoir : deux crosses d'or et deux fleurs de lys d'or; toute laquelle boiserie a coûté aux Pères de la congrégation 1500 livres.

« Cette boiserie fut confectionnée dans le monastère par un menuisier de Sully, les sculptures à Orléans. »

Cette salle, comme on le voit, avait eu primitivement une autre destination; elle ne devint sacristie que dans les derniers temps. Un autre local, construit au sud de l'église, près du transsept, était approprié à cet usase.

L'histoire de l'abbaye mentionne, dès la plus haute antiquité, un lieu désigné sous le nom de trésor. Ce lieu était annexé à l'église même. Il renfermait les saintes reliques, les vases sacrés et les manuscrits précieux.

Afin que ce triple trésor fût préservé des accidents et surtout des incendies si fréquents dans les temps anciens, le bâtiment qui le renfermait était solidement construit et voûté en pierre. Un religieux, revètu de la plus haute dignité après celles de l'abbé et du grand-prieur, le chantre (armarius), avait la garde de ce lieu, des vases sacrés et des richesses littéraires. Le soin des objets secondaires consacrés au service de l'église, et celui de la sacristie proprement dite qui les renfermait, était confié à un autre religieux désigné sous le nom variable de sacrista et A'œdituus dans les auteurs monastiques.

Chapelle de Saint Mommole

La sacristie actuelle formait le premier étage du trésor; elle avait été bâtie sur une partie de l'ancien trésor ou de l'ancienne crypte. Cette substruction offre les caractères d'une haute antiquité. L'appareil et le jointoiement, comparés à ceux de la crypte et du sanctuaire, présentent des différences notables. La direction des arcades et des voûtes sort du plan général, et l'on peut assurément faire remonter ces restes de construction au VIIIe siècle. Ne serait-ce pas un reste curieux de l'église de Sainte-Marie, construite par saint Mommole; et abattue vers 1067 (1)?

Cette portion de construction de l'église primitive, utilisée au XIe siècle, et adaptée au plan de la nouvelle église, se compose de cinq travées de voûtes à vive arête, de l'ouest à l'est, et de quatre travées, du nord au sud.

Depuis 1635, ce lieu servait de passage pour aller à la crypte dont on avait muré les deux portesjdans les collatéraux, pour en ouvrir une dans le transsept sud, entre la chapelle de Saint-Benoît et celle de Saint-Sébastien. Actuellement, ce reste intéressant de l'ancienne église, isolé de la crypte dont il n'avait fait qu'accidentellement partie, a été disposé de manière à servir de chapelle, et un autel y a été élevé en 1862, sous le vocable de saint Mommole. On y penètre par une porte ouverte dans la basse nef. Cette porte paraît avoir déjà existé dans les temps anciens.

Elle est accompagnée de deux fenêtres longues et étroites retrouvées dans le mur primitif.

Crypte ou église souterraine

(1067)

Les cryptes ou grottes sacrées étaient en usage dès les premiers âges chrétiens. On avait conservé ce genre de construction pour les églises monastiques ou autres dans les âges suivants, surtout lorsque l'on possédait les reliques du saint patron auquel l'église était dédiée. Ces cryptes s'étendaient ordinairement sous le sanctuaire; on y pénétrait par des escaliers qui débouchaient dans les bas-côtés ou dans l'axe même du chœur. Telle est celle de Saint-Benoît, qui reproduit dans son périmètre toutes les dispositions de l'abside supérieure et des absidiales ou chapelles ouvertes sur le déambulatoire. C'est une partie intégrante du sanctuaire supérieur auquel elle sert de base, une sorte de prolongement des bas côtés sous le déambulatoire.

Il existe en France peu de cryptes du XIe siècle aussi remarquables que celle de Saint-Benoît. Une restauration récente, étudiée avec soin et dirigée avec un rare talent, lui a rendu tout son caractère primitif, que les ravages du temps lui avaient enlevé.

Les seize fenêtres étroites qui l'éclairent y laissent pénétrer seulement un demi-jour mystérieux, qui, par de nombreuses oppositions d'ombre et de lumière, y produit le plus grand effet, et rend ce sanctuaire éminemment propice à la prière et au recueillement.

Le mur qui sépare la crypte du sanctuaire de l'église supérieure est orné d'arcatures géminées. Dans les trois séries d'arcatures, trois ouvertures étroites mettent ces deux parties de l'édifice en communication l'une avec l'autre.

Du sol à la voûte, la hauteur de la crypte est de 3m 80.

Au centre et en face du mur ajouré qui sépare le sanctuaire de la crypte, s'élève le martyrium ou confession. C'est là qu'était déposée la châsse qui renfermait le corps de saint Benoit. Ce martyrium est un petit réduit quadrilatère à l'intérieur, rond à l'extérieur, ouvert sur le devant et percé de trois ouvertures, à 1m 30 de hauteur. L'ouverture du fond est à plein cintre; celles des côtés sont carrées. Dix colonnes .rondes à demi-engagées l'environnent et reçoivent la retombée des arcs doubleaux qui séparent les travées de voûte. Entre ce groupe central et le mur même de l'abside s'élèvent en hémicycle huit colonnes monocylindriques placées perpendiculairement sous les colonnes du sanctuaire supérieur. Toutes ces colonnes, au nombre de trente, sont ornées de chapiteaux sculptés pour la plupart. Les gros piliers carrés qui reçoivent la retombée des arcades, à l'entrée des chapelles, sont surmontés de tailloirs chanfreinés. Comme dans le sanctuaire, les arcades et les arcs doubleaux des voûtes sont à plein cintre et à claveaux de petit appareil.

Le nombre et l'orientation des chapelles de l'abside est exactement le même que dans l'abside supérieure.

Ce sanctuaire silencieux, ce martyrium devant lequel étaient venues s'agenouiller tant de générations, ces chapelles recueillies dans lesquelles tant de saints religieux avaient offert le divin sacrifice, étaient restés dans un abandon complet depuis le commencement du XVIIe siècle. Déjà, au XIIIe siècle, on en avait enlevé le corps de saint Benoît pour le transporter dans l'église supérieure. A cette époque, on y avait établi l'autel matutinal, et les moines y chantaient l'office de la nuit; mais on cessa d'y célébrer la messe. « Les autels des grottes ou cryptes, dit D. Leroy, « furent enlevés au mois de février 1638. » Dom Chazal observe que « l'humidité du sol motiva ce déplacement (prœ solo uniligoso). » Déjà, dès 1535, la crypte avait été séparée de l'église par la disposition nouvelle donnée au sanctuaire, lorsqu'on y pratiqua plusieurs palliers afin de recevoir la riche mosaïque transportée à grands frais d'Italie par les ordres du cardinal Duprat. Enfin, en 1633, les portes ouvertes dans les collatéraux furent bouchées.

« Item, dit Th. Leroy, furent parachevées les marches et degrés de pierre blanche qui servaient à monter à la sacristie et chapelles du chevet de l'église, des deux côtés du maître autel, et dans le style d'icelui, et par ce moyen les portes à entrer dans les grottes ou chapelles sous terre furent condamnées, lesquelles étaient des deux côtés; environ au milieu, il n'y avait qu'un passage à côté, fort étroit, mais à présent que lesdites portes sont bouchées le passage est beau et large. »

Le large et beau passage dont parle avec bonheur l'annaliste Dom Leroy, a été enfin ramené à ses proportions primitives, en 1862; les portes de la crypte, désormais ouvertes, comme autrefois, dans les deux basses nefs, permettront aux fidèles d'aller facilement prier et méditer dans ce lieu vénérable et plein de souvenirs.

Source : Histoire de l'Abbaye Royale de Sainte-Benoit-sur-Loire par Victor Rocher 1869.

photo pour Eglise abbatiale Saint-Benoît

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 72033
  • item : Eglise abbatiale Saint-Benoît
  • Localisation :
    • Loiret
    • Saint-Benoît-sur-Loire
  • Code INSEE commune : 45270
  • Code postal de la commune : 45730
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 6 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 11e siècle
    • 1ère moitié 11e siècle
    • 12e siècle
    • 2e moitié 12e siècle
    • 13e siècle
    • 1er quart 13e siècle
  • Type d'enregistrement : site inscrit
  • Date de protection : 1840 : classé MH
  • Date de versement : 1993/09/14

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site inscrit 10 05 1976 (arrêté) ; 18 04 1914 (J.O.).
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Photo : 47d0c76f5b20701eda1a609c6cafcd29.jpg
  • Détails : Eglise abbatiale : classement par liste de 1840
  • Référence Mérimée : PA00098999

photo : micmac

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

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