photo : mboulo
Saint-Liphard.
C'est dans la partie de cette paroisse la plus rapprochée de Guerrande, que se trouvent trois monuments celtiques remarquables par leurs grandes dimensions et leur conservation.
1° Entre les villages du Crugo et de Broussélic, dans un champ nommé Crupien et sur un gros rocher de granit fort élevé, est une galerie renversée. Trois pierres étaient supportées par sept autres, toutes en granit de la localité. La longueur moyenne des pierres de recouvrement est de 3 mètres sur 2 de largeur. Les deux tables des extrémités sont renversées ; celle du milieu est encore en place, supportée par deux pierres de soutènement, mais ne parait pas solidement appuyée : on nomme ce monument la pierre de Crupien. On l'attribue aux nains qui sont désignés dans le canton sous le nom de Crapados. On prétend avoir remarqué sur l'une des tables une forme humaine creusée dans la pierre, mais presque effacée et que je n'ai pas aperçue. Ce monument domine tout le pays et s'aperçoit facilement.
2° Un autre monument, dolmen ou galerie, est situé près du village de Crouly, sur une hauteur, au milieu d'un champ. Il consiste en une grande pierre plate couchée qui en soutient trois autres debout, lesquelles en supportent elles-mêmes une quatrième placée en forme de table au-dessus. A l'est, et toujours soutenues par la première grande pierre plate, il y en a deux autres, dont l'une est debout et l'autre paraît être tombée de dessus. Ces pierres sont fortement penchées vers l'ouest. Il est facile de s'apercevoir que, dans le principe, elles avaient été placées droit.
Au nord et tout près de ces pierres, sont plusieurs gros rochers, dont l'un conserve encore d'une manière frappante la forme d'un corps humain. On distingue parfaitement la forme du bassin, des reins, du dos, de la tête et des deux bras étendus perpendiculairement au corps. Près de la tête, on voit un petit trou circulaire, creusé dans le rocker, et « destiné probablement à contenir les instruments du sacrificateur. Les druides, en effet, immolaient des victimes humaines. Ce rocher se nomme dans le pays le Rohen. »
Comme je n'ai point vu le monument ci-dessus décrit, ce que je regrette, car il paraît fort intéressant, je me suis trouvé obligé de copier une note qui m'en a été fournie. La partie descriptive est un peu obscure, et je ne partage pas, comme on peut le penser, l'avis de l'auteur sur le réceptacle des couteaux à sacrifices. Mais l'ensemble indique des objets curieux et qui mériteraient, sous tous les rapports, une exploration nouvelle.
3° Entre les villages de Kerbourg, de Ker-vronay et de Kervinphe, dans un vaste champ ou gaignerie, nommée l'Ile, et à la partie la plus élevée, sont deux monuments celtiques à quelques pas l'un de l'autre, et qui, à raison de ce rapprochement et de leur forme diverse qu'on peut encore apprécier, doivent attirer l'attention, et peut-être fournir des observations importantes.
Le premier n'est plus composé que de cinq pierres posées en rond. Elles devaient, dans l'origine, supporter une table de recouvrement qui n'existe plus.
Le second était une galerie dont il reste quatre pierres horizontales, soutenues par douze ou quinze autres plantées verticalement. La longueur des deux premières tables est de 3 mètres, leur largeur de 2 mètres et leur épaisseur de 0,64 centimètres. Les deux autres ont les mêmes dimensions, excepté dans la longueur, qui n'est que de 2 mètres et demi. Il est au reste fort difficile de prendre les mesures et le plan exact de ce monument, encombré qu'il est des pierrailles qu'on y apporte de toutes les parties du champ qui l'entoure. Il serait à désirer qu'il en fût dégagé, car c'est peut-être le plus grand dolmen à galerie que nous ayons dans le département. Il est inédit, ainsi que les deux précédents, au moins en France. Il pourrait en être autrement en Angleterre ; car un paysan voisin m'apprit qu'il avait été visité par beaucoup d'Anglais, dont l'un en avait fait le portrait.
Ces deux monuments en granit grossier sont connus dans le pays sous le nom des Roches de t'Isle-la-Motte. Ce nom de la Motte, qu indique généralement un ouvrage de main d'homme, ne peut guère s'appliquer au mamelon ou monticule de granit sur lequel ces roches sont posées. Il semblerait plutôt rappeler une motte ou tumulus qui aurait jadis recouvert les deux monuments, et favoriser ainsi l'opinion de ceux qui croient que tout dolmen ou grotte a été enfouie sous un amas de terre ou de pierres brisées.
Source : Revue des provinces de l'Ouest publié par Armand Guérand 1854.