Cathédrale (ancienne)

Saint-Pons (Pontiopolis, ou mieux, Sanctus Pontius Tomeriarum), autrefois capitale du pays de Thomières, dans le comté de Narbonne, a eu pour origine une abbaye de bénédictins fondée, en 936, par Raymond-Pons, sixième comte héréditaire de Toulouse, et par Garsinde, sa femme. Le motif qui engagea Raymond à bâtir cette abbaye fut une dévotion toute particulière envers saint Pons, ou Ponce, martyrisé à Cemèle, près de Nice, en Provence, l'an 257, sous l'empire de Valérien; dévotion telle, comme il nous l'apprend lui-même dans un de ses actes, qu'elle lui fit joindre à son nom celui du saint : Ego Raymundus, qui et Pontius, ob cujus nomen sic et ipse vocor. Sollicité par le comte de Toulouse, Arnould, abbé de Saint-Géraud d'Aurillac, envoya quelques-uns de ses religieux peupler le monastère encore désert : ceux-ci, selon ses ordres, y établirent la règle de saint Benoit, leur patron, et Oger (Orgarius), disciple de saint Géraud, exerça le premier sur eux l'autorité d'abbé. En 937, Aymeric, archevêque de Narbonne, assisté de Wisande, de Rodoalde et de Thierry, évêques de Carcassonne, de Béziers et de Lodève, fit la consécration solennelle de l'église de Saint-Pons, où avaient été transportées presque intégralement les reliques du martyr. Raymond soumit le monastère à l'église romaine ; les prélats fulminèrent d'avance une excommunication contre quiconque attenterait aux droits des moines, et, sur les instantes prières du comte, ayant dressé un acte en forme de leur décret, ils y ajoutèrent différentes imprécations contre ceux qui oseraient l'enfreindre.

Nous n'avons point assez d'espace pour raconter ici avec détail les annales ecclésiastiques de Saint-Pons. Disons seulement qu'à l'exemple du fondateur, le roi Louis d'Outre-Mer et les plus puissants feudataires des deux marquisats de Gothie, ainsi que des prélats et des princes étrangers, s'attachèrent tour à tour à doter libéralement l'abbaye nouvelle (Monasterium Tomoriense, comme elle est nommée dans la plupart des titres de son cartulaire). Guillaume IV, comte de Toulouse, Raymond, comte de Saint-Gilles, son frère, s'y arrêtèrent à deux époques différentes, et s'étant constitués ses défenseurs, lui confirmèrent l'exemption de toute espèce de servitude envers tout prince ou évêque, fût-il de leur propre famille, même envers le roi de France leur suzerain (1079-1085). Sanche-Ramire, roi d'Aragon, s'y rendit aussi, en 1093, pour vouer au célibat devant l'autel du martyr, son troisième fils Ramire, le même que les auteurs espagnols qualifient de el Rey don Ramirez, el monje ou el frayle. Appelé plus tard au trône d'Aragon (1134), Ramire s'empressa, dès qu'il eut fiancé sa fille Pétronille (Urraca), au comte de Barcelone, Raymond-Bérenger IV, de revenir dans le monastère où il avait déjà vécu plus de quarante ans, « afin d'y reprendre l'observance de sa règle et d'apaiser les remords de sa conscience » (1137). Un des plus illustres abbés de Saint-Pons de Thomières fut sans contredit le savant et infatigable Frotard, homme également recommandable par la pureté de sa foi et celle de ses mœurs, et auquel presque tous les seigneurs de la Septimanie confièrent le jugement de leurs démêlés. Frotard fut vice-légat du pape Grégoire VII dans la Narbonnaise première; il fit un voyage à Rome dans l'intérêt de sa communauté, assista à plusieurs conciles, entre autres celui de Plaisance, et reçut, en 1096, la visite d'Urbain II, qui célébra même au monastère la fête de saint-Jean-Baptiste. Quelques-uns des moines de Saint-Pons s'élevèrent, ainsi que lui, pendant le XIIe siècle, aux plus hautes dignités ecclésiastiques, ou jouèrent un grand rôle dans le monde chrétien : nous ne citerons que le fameux Pons de Melgueil, abbé de Cluni, lequel s'intitulait orgueilleusement abbé des abbés, et qui fut ambassadeur des papes Paschal II et Calixte II auprès de l'empereur Henri V.

Nous voici arrivés à la naissance même de la ville de Saint-Pons. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, le monastère avait été mis à sac par Roger II, vicomte de Béziers, durant la guerre que ce prince soutint contre Raymond V, comte de Toulouse (1169). Par sentence arbitrale rendue, le 4 janvier 1171, au nom de l'archevêque de Narbonne et de plusieurs autres prélats, l'abbé Raymond donna au vicomte deux mille sols melgoriens et lui céda tous ses fiefs dans le domaine de l'abbaye; moyennant quoi Roger permit à Raymond de rebâtir le monastère et de l'entourer de murailles. Le 18 février 1318, le pape Jean XXII érigea l'église de Saint-Pons en cathédrale ; au mois de juillet suivant, il conféra la dignité épiscopale à l'abbé Pierre Rogier, lequel eut pour successeur Raymond de Roquecor (1524). Les seigneurs ecclésiastiques de Thomières ne perdirent, d'ailleurs, en parvenant à l'épiscopat, rien de l'influence ni de la réputation dont ils jouissaient déjà comme abbés. L'un d'eux, noble romain, Alexandre Farnèse, promu au siège de Saint-Pons, en 1514, ceignit la tiare, vingt ans plus tard, sous le nom de Paul III (1534). Cependant la ville s'était nécessairement agrandie, et ses habitants avaient du acquérir certaines franchises. Il paraît qu'à l'époque de la guerre des Albigeois, l'hérésie ne put faire parmi eux beaucoup de prosélytes, puisque, dans l'excommunication lancée, en 1222, contre les villes et bourgs du comté de Narbonne qui avaient secoué le joug d'Amaury de Montfort pour se remettre sous l'obéissance de Raymond Trencavel, on ne trouve point cette ville mentionnée, non plus que celle de Saint-Chignan de Vernozoubre, où il y avait une abbaye de Bénédictins, que Bertrand, archevêque de Narbonne, avait unie, en 1103, à celle de Saint-Pons. L'influence cléricale sur ces deux centres de population du diocèse était donc encore intacte. Néanmoins, dès 1303, nous lisons un acte scellé du sceau de la Commune Thomérienne, dans lequel « les habitants dudit lieu en appellent au futur concile de la violation de leurs droits par le pape. » En 1308 et 1361, ils envoient des députés aux États-Généraux du Languedoc. En 1398, Charles VI confirme et augmente leurs privilèges. Une lacune existe ensuite dans les annales de Saint-Pons jusqu'au milieu du XVIe siècle. Le premier document authentique où l'on rencontre de nouveau son nom est un diplôme de Henri II, dans lequel le roi, sur la demande expresse des habitants, permet aux consuls de porter robes et chaperons rouges (août 1552).

Les guerres de religion éclatent, et dès 1562, après l'échec du prince de Condé devant Toulouse, Saint-Pons de Thomières se range ouvertement sous ses drapeaux. En 1567, la ville embrasse encore une fois le parti de Condé. Les catholiques pourtant devaient y former encore une minorité assez respectable, car le vicomte de Saint-Amans fut forcé d'accourir, à la tète d'un corps de religionnaires, afin de prêter main-forte aux calvinistes. Il se saisit de la place, dispersa les reliques du martyr et fit raser le monastère des Bénédictins, contigu à la cathédrale. Les catholiques étant rentrés, quelques années plus tard, à Saint-Pons, y passèrent tous les protestants au fil de Cépée. Les huguenots reprirent la ville par escalade, à la fin de février 1577; mais les catholiques, retranchés dans les maisons, réussirent encore une fois à les en chasser. Les religionnaires se dédommagèrent, l'année suivante, sur Saint-Chignan, où ils tuèrent tout ce qui fit résistance (juin 1578). Damville, devenu duc de Montmorency, et réconcilié avec les calvinistes (1585), fit de la ville de Saint-Pons, reconquise sur les Ligueurs, une de ses places frontières; il essaya même, pour la mieux garantir contre un coup de main, de cantonner ses troupes à Saint-Chignan, situé sur la rive droite de l'Orb, dont le cours divisait son gouvernement d'avec celui du maréchal de Joyeuse; mais ses soldats ne purent y tenir contre la mauvaise volonté des habitants. Vers le milieu de septembre, ayant su que le maréchal cherchait, de son côté, à se ménager des intelligences parmi les habitants de Saint-Pons, le duc s'y rendit en toute diligence et y fit construire une citadelle, où il laissa une garnison nombreuse, sous les ordres du maréchal de camp Colombières, ancien cornette de Beaudiné. Le traité de Folembray remit tout le diocèse sous l'autorité du roi (1596). Pierre de Fleyres, dévoué à la famille du connétable, était alors évêque de Saint-Pons : il fut un des cinq prélats du Languedoc que le jeune duc de Montmorency entraîna dans sa conspiration contre le cardinal de Richelieu (1632). Louis XIII pardonna aux habitants, que Pierre de Fleyres avait séduits; mais le vieux prélat, excepté de l'amnistie, fut traduit devant une commission ecclésiastique : il mourut, avant l'issue du procès, le 25 juin 1633.

A la chute de la maison de Montmorency, les évêques de Saint-Pons, seigneurs justiciers de la ville, eurent recours à l'initiative royale pour étouffer toute opposition dans le conseil de la commune. Louis XIV, leur venant en aide, y fit procébrer d'office, en 1656, par le sieur de Bezons, intendant du Languedoc, au renouvellement de la municipalité; et, en 1661, sous prétexte de pourvoir à ce que l'élection consulaire eût lieu dans les formes, il défendit aux habitants de s'en occuper, jusqu'à l'arrivée du prince de Conti, gouverneur de la province. Dès ce moment, le principe de l'élection étant déjà faussé, c'en fut fait pour toujours de l'indépendance de la commune.

L'arrondissement de Saint-Pons de Thomières, aujourd'hui l'une des trois sous-préfectures du département de l'Hérault, correspond à peu près à la circonscription ecclésiastique d'autrefois et renferme environ 49,000 habitants. Le chef-lieu compte déjà 7,000 âmes, et Saint-Chignan en a 3,510. Saint-Pons s'étend dans la fraîche vallée de Thomières, sur la rive droite du Jaur, petite rivière au cours rapide et rocailleux, qui traverse son enceinte et s'y grossit à son passage des eaux d'une source vive, formant sous un rocher, d'une élévation considérable, un bassin vaste et profond où l'on pêche d'excellentes truites. Le seul monument remarquable de la ville est la vieille église cathédrale, construite, ainsi que la plupart des maisons, en marbre de la vallée, et le plus curieux édifice du département. Saint-Chignan, sur la rive droite de l'Orb, est pittoresquement assis au milieu de belles prairies qu'arrose la rivière de Vernozoubre ou Bernazobre. L'industrie de Saint-Pons, outre ses manufactures de draps, dont a parlé Boulainvilliers, consiste en filatures de laine, teintureries, tanneries, moulins à blé, scieries hydrauliques; et l'on y fait un commerce très-actif des bestiaux que les cultivateurs élèvent en grande quantité dans les prairies, au pied de la montagne. Saint-Pons était, avant la Révolution, la douzième ville de la province qui envoyait aux États son premier consul. L'évêque, suffragant de Narbonne, faisait sa résidence favorite à Saint-Chignan (Sancti Aniani oppidum Vernodubrense), et c'est pourquoi on ne le désignait plus dans la langue vulgaire du pays que sous le nom de l'Abesqué dé San-Chigna. Le chapitre avait été sécularisé, en 1615, par le pape Paul V.

Source : Histoire des villes de France par Aristide Matthieu Guilbert 1848.

Plan de la ville de Saint-Pons-de-Thomières en 1899
dressé en 1900 par Joseph Sahue ; tracé et dessiné par François Boudène.
Cathédrale : repère A sur le plan.

Image en médaillon : Portail de l'église de Saint-Pons-de-Thomières par Questel, Charles-Auguste (1807-1888)

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 53151
  • item : Cathédrale (ancienne)
  • Localisation :
    • Languedoc-Roussillon
    • Hérault
    • Saint-Pons-de-Thomières
  • Code INSEE commune : 34284
  • Code postal de la commune : 34220
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : cathédrale
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 4 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 12e siècle
    • 2e moitié 12e siècle
    • 17e siècle
    • 18e siècle
  • Date de protection : 1840 : classé MH
  • Date de versement : 1993/10/21

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : 18 04 1914 (J.O.)
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Cathédrale (ancienne) : classement par liste de 1840
  • Référence Mérimée : PA00103707

photo : joel.herbez

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photo : pierre bastien

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