photo : Grand Titus
Le saint concile de Trente ordonne aux évêques et à tous ceux qui sont chargés d'instruire et de diriger les âmes « d'enseigner aux fidèles, conformément à l'usage de l'église catholique et apostolique remontant aux premiers temps du christianisme, et d'après le consentement unanime des Pères et les décrets des saints conciles, à prier et à invoquer les saints, à honorer les reliques, à faire un raisonnable usage des images, à leur enseigner, en même temps, que les saints qui règnent avec le Christ offrent les prières des hommes à Dieu; que les corps des saints martyrs et des autres saints vivant auprès de Jésus-Christ, qui avaient été les membres vivants du Christ et les temples du Saint-Esprit, et qui seront un jour ressuscités à la vie éternelle et glorifiés par lui, doivent être un objet de vénération pour les fidèles; qu'ils servent à distribuer de nombreuses grâces aux hommes de la part de Dieu, et que ceux qui prétendent que les reliques des saints ne sont dignes ni d'honneur, ni de respect; que c'est en vain que les fidèles vénèrent tel ou tel monument sacré et visitent les tombeaux des saints pour obtenir leur assistance, sont absolument condamnables comme l’Église les a antérieurement condamnés et les condamne encore »
Donc il est de foi qu'il faut vénérer les reliques des saints.
Or, ce que le concile de Trente a confirmé par ses décrets, était la foi et la pratique de l’Église depuis les premiers temps. L'histoire atteste que cette foi et cette pratique, telles qu'elles existent aujourd'hui, sont une tradition adoptée par tous les siècles comme provenant des apôtres. L’Église ne vénère pas seulement les corps des saints, mais encore les objets qui ont été en contact avec eux et qui servent à en rappeler le souvenir.
Toutes les églises, dans tous les siècles, ont regardé les reliques comme étant après l'eucharistie leurs trésors les plus précieux. Toutes les villes en voulaient. Elles les gardaient et les protégeaient avec un soin jaloux. Les bienfaiteurs couronnés en enrichissaient leurs sanctuaires de prédilection. C'était bien naturel. « Les justes, dit l'ecclésiastique, méritent que leurs os refleurissent dans leurs sépulcres. » Le corps d'un saint, comme autrefois celui d’Élisée, fait voir par les grâces qui en émanent qu'il fut véritablement l'ami de Dieu : prophetavit corpus ejus.
La primitive église avait recueilli avec respect les souvenirs de Bethléem, de Nazareth, des scènes de la vie mortelle de Jésus, du Calvaire et de la croix. Le Baptista salvatoris nous représente Véronique, avant son départ de la Judée, empressée à recueillir tout ce qu'elle peut des souvenirs les plus sacrés. « Elle prend, dit-il, cette relique (le sang de Saint-Jean-Baptiste) plus précieuse pour elle que l'or et la topaze; elle y joint un très grand nombre d'autres gages sacrés et en particulier des vêtements du Sauveur et du lait précieux de sa très sainte mère
Nous devons faire observer qu'il arrive quelquefois qu'une relique n'est qu'un fac-simile de l'authentique avec laquelle elle a été mise en contact. C'est ainsi que nous avons des représentations des clous de la vraie croix, des facsimilé de l'anneau de la très sainte Vierge, etc.
Quelques-unes des reliques que nous allons énumérer sont peut-être dans ce cas. Quand au froment creu tout en une heure, nous supposons parfaitement connue la légende du froment pendant la fuite en Égypte. On a vu aussi précédemment qu'elle explication raisonnable on peut donner à la relique du lait de Nostre-Dame. Ces explications données, nous pouvons citer dom Abadie, bénédictin de Saincte-Croix:
le feray le dénombrement des reliques qui estoient et sont encore dans l'église de Soulac; selon que i'ay trouvé dans les inventaires qui ont été dressés pour cela. Voicy le dénombrement selon un vieux inventaire que i'ay trouvé dans nos archives de cette teneur:
S'ensuijvent les reliques des saincts et sainctes estant dans l'églize de Soulac.
« Voilà ce que contient cet inventaire fort vieux et un peu déchiré, ce qui est cause que ie n'ay pu sçavoir le temps auquel il feut faict. »
« Les principales, les plus précieuses de ces reliques, ajoute un autre bénédictin après un inventaire absolument pareil, feurent apportées par Saint-Martial et par Sainte-Véronique, comme sont apparemment toutes celles qui sont marquées vers le commencement de l'inventaire. »
« Les premières cryptes ou grottes sacrées, dit Viollet-le-Duc (crypte), ont été taillées dans le roc ou maçonnées sous le sol pour cacher aux yeux des profanes les tombeaux des martyrs. Plus tard au-dessus de ces hypogées vénérées par les premiers chrétiens, an éleva des chapelles et de vastes églises; puis on établit des cryptes sous les édifices destinés au culte pour y renfermer les corps saints recueillis par la piété des fidèles. »
La basilique de Soulac posséda-t-elle une crypte sous le sol du douzième siècle? Nous avons plus d'une raison de le penser. La présence d'un corps saint, puis d'un cénotaphe qui en rappelait la sépulture, le grand nombre et l'antiquité des reliques, tout nous fait supposer que le moyen-âge dût donner à ces trésors leur abri ordinaire et sacré.
Les fouilles pratiquées jusqu'à ce jour dans le chevet de Notre-Dame de la Fin-des-Terres nous paraissent jeter quelque lumière sur cette intéressante question.
Sur la fin du treizième siècle, l'église de Soulac était déjà remblayée de main d'homme; au dedans et au dehors. Nous en rechercherons tout à l'heure les causes. Or le remblai de cette époque présente cette particularité qu'il n'élève le sol des nefs qu'à trois mètres au-dessus du sol primitif, tandis qu'il porte les dalles de la grande abside à six mètres du même sol. Si l'on peut avec juste raison attribuer le remblai des nefs à l'envahissement de la basse-œuvre par les eaux, il faut. chercher une autre cause à l'exhaussement si considérable du chevet. Cet exhaussement n'accuserait-il pas le dessein de ménager sous la grande abside une crypte pour la garde et le culte des reliques. On sait que dans un bon nombre d'églises romanes, comme à Sainte-Radegonde de Poitiers, le chœur était élevé de plusieurs degrés au dessus du pavé du pourtour. Les cryptes recevaient ainsi le jour par d'étroites fenêtres ouvertes sur le dehors de l'église ou sur les bas-côtés du sanctuaire. Ainsi les ouvertures qui donnaient de l'air et de la lumière dans la crypte débouchaient dans l'enceinte du lieu consacré. Ce qui permettait à l'assistance de voir ce qui se passait dans la crypte. 1 Eh bien! qu'avons-nous découvert à Soulac ? Le dallage du treizième siècle, une crédence de même époque bâtie dans le mur à trois mètres au-dessus du sol de la nef, lequel est encore indiqué par le seuil de la porte nord ouvrant dans le cloître. Voilà, sans aucun doute, un cerveau suffisant pour l'établissement d'une crypte. D'autant mieux que toutes les cryptes n'étaient pas voûtées. Témoin l'incendie qui se déclara, dit Hugues de Poitiers, « à la voûte qui s'élève au-dessus du sépulcre de la bienheureuse Marie-Madeleine, amie de Dieu. Et ce feu fut tellement violent, que les supports même que les Français appellent des poutres et qui étaient placés dans la partie supérieure, furent tout à fait consumés ». Ce qui ferait croire que l'incendie détruisit le plancher couvrant une crypte, ajoute Viollet-le-Duc, c'est la suite du texte; les moines ayant trouvé des reliques dans l'image de bois de la Vierge, les populations environnantes accourent Gilon, le prieur du monastère, explique comment on devait rendre grâces à Dieu A ce récit, dit encore Hugues, tous pleurèrent de joie et lorsque ensuite on voulut établir sous la voûte le sépulcre de la bien aimée de Dieu Ainsi donc on peut croire que c'était la voûte ou le plancher servant de voûte à la crypte qui avait été incendié.
Mais suivons. Les deux arceaux qui primitivement faisaient communiquer la grande abside avec les collatérales, après avoir été fermées par des grilles de fer dont on voit encore les traces, avaient été murés dans la suite par un épais blocage. Dans le blocage de l'arceau qui donne dans l'abside latérale sud se trouvait une ouverture en meurtrière qu'au premier abord et dans notre simplesse nous crûmes destinée à l'arquebuse.
Cette meurtrière ne serait-elle pas une de ces étroites fenêtres ouvertes sur le bas-côté du sanctuaire par où la crypte recevait le jour? Cette observation nous paraît d'autant plus importante que le remblai de l'abside latérale sud est certainement postérieur à l'établissement des dalles de la grande abside. Le pilastre enté sur le mur roman de l'abside latérale et dont la première assise marque la ligne extrême du remblai n'est pas antérieur au milieu du quatorzième siècle.
Ajoutons qu'au niveau du sol actuel de l'abside principale nous trouvons encore près du rond-point un mur adossé à un massif d'autel, diverses maçonneries qui paraissent marquer des sépultures dominant le sol, et diverses cachettes dont il serait difficile d'indiquer la destination.
Nous admettons donc volontiers qu'au moment où les eaux vinrent disputer aux enfants de Saint-Benoît la crypte primitive et la basse œuvre de leur basilique, les religieux cherchèrent à reproduire dans les nouvelles dispositions la tradition du passé. Cette tradition, d'ailleurs, n'est-elle pas conservée jusqu'à la fin dans cette cave qu'on appelait encore au dernier siècle le cénotaphe de Sainte-Véronique, et dans laquelle plus d'un touriste a pénétré depuis 1860 jusqu'aux fouilles de 1864.
Transformation du chevet de Notre-Dame de la Fin des Terres
Ce remblai est un fait. Quelles en furent les causes?
Nous avons déjà dit de quels cataclysmes étaient menacés, dans les temps anciens, les riverains de l'Océan sur la côte du Médoc. Noua croyons volontiers avec M. l'abbé Caudéran 1 que « la marche lente mais implacable des dunes qui, refoulant sans cesse leurs lagunes vers le levant, obligeaient plusieurs paroisses du littoral à rebâtir ou abandonner leurs églises », pourrait avoir menacé depuis longtemps l'existence de Notre-Dame de la Fin-des-Terres. La Canau a été rebâtie trois fois. Sainte-Hélène a transporté à dix kilomètres ses maisons et son église paroissiale. Hourtin qui compte à peine deux siècles d'existence a, pour ainsi dire, recueilli dans les eaux de l'étang son titre paroissial. On montre encore au milieu d'un îlot sans étendue quelques arbres que la tradition fait croître sur les ruines de l'ancienne Sainte-Hélène, que le peuple appelle encore Senta-Lénote, Sainte-Hélenotte, la petite SainteHélène.
Plus près de nous, n'avons-nous pas Montalivet où paraît avoir existé une ancienne église. Artigues-Extremeyres dont le prieuré a disparu sous les sables et sous les eaux. Saint-Pierre de Lignan ou de Lilhan dont il est dit, il y a deux cents ans, qu'il est abandonné et couvert par les eaux. Est deserta et cooperta aquis. N'avons nous pas vu que l'île de Cordouan possédait à la fin du onzième siècle une abbaye, un abbé du nom d'Etienne et un prieur nommé Ermenald. C'est peut-être vers cette époque que l'on pouvait encore arriver à Cordouan en charrette depuis la terre ferme, suivant un titre qui existe entre mains sûres et que nous n'avons pas encore eu le bonheur de nous procurer. Nous savons aussi qu'à cette même époque, en 1092, l'abbé et le prieur de Cordouan menacés par les érosions chaque jour plus effrayantes qui se produisaient sur leur île, vinrent s'établir au lieu de la Grave, dans une île dépendant du monastère de Cluny et qu'ils y bâtirent, du consentement de l'abbé Hugues, une abbaye qu'ils dédièrent à Saint-Nicolas, patron des marins. L'église de cette abbaye disparut sous les sables dans le cours du siècle dernier.
Soulac était assez voisin du fleuve, surtout avant la formation de la pointe du Ver don et avant sa soudure avec l'île de Grave, pour qu'il ne nous répugne pas d'admettre pour lui, pendant le moyen-âge, l'existence d'un autre danger. Non seulement la vieille basilique était menacée par les étangs qui précédaient les dunes voyageuses du littoral, mais encore du côté du fleuve dont la rive était beaucoup plus voisine qu'aujourd'hui, les marées d'équinoxe pouvaient conduire les flots jusqu'aux murs sacrés de Notre-Dame et imposer aux gardiens du sanctuaire le remblai dont nous traitons.
Si Notre-Dame de la Fin-des-Terres n'a été ni abandonnée, ni déplacée pendant le moyenàge, c'est qu'elle abritait des souvenirs trop précieux et demeurait le but d'un pélerinage célèbre. La terre sanctifiée par la présence et la mort des saints, arrosée par les larmes de la prière ou de la pénitence demeure sacrée à jamais.
Donc, la famille bénédictine dut, à regret, sacrifier, sans l'abandonner, ce sol primitif que les éléments lui disputaient. En plein treizième siècle elle opéra au dedans et au dehors de La basilique un remblai considérable dont il nous est impossible de mesurer l'étendue et dont la masse a été confondue plus tard avec une colline naturelle.
« L'ancienne église de Soulac, dit Beaurein, était située sur une hauteur dont le fond paraissait ferme et solide. » Ce que rapporte ensuite le même auteur ferait supposer que divers remblais de même genre furent exécutés par d'autres que par les moines, pour sauver leurs maisons ou pour en fixer de nouvelles. « Les anciens habitants de cette paroisse, dit-il, prétendaient que les terres situées au midi, couchant et nord de cette église formaient autrefois une vaste et fertile plaine d'un terrain inégal et mêlé de monticules, de pays plat et de quelque marais
Un nivellement par trois fois repris nous permet d'affirmer que les dalles du douzième siècle sont assises au niveau de la plaine ambiante. Ceux qui avaient renseigné Beaurein, Beaurein lui-même et les anciens habitants de Soulac prenaient ce sol factice pour le sol primitif. C'est ce qui fait que les calvinistes après avoir dérasé le monastère jusqu'au sol du treizième siècle pensèrent avoir tout effacé. Enfin c'est ce qui fait dire aux chroniqueurs du dernier siècle qu' « il ne reste plus rien des anciens bastiments réguliers. »
Quoiqu'il en soit; sitôt le remblai opéré, les absides romanes qui se trouvaient de plusieurs mètres en contrebas des nefs n'offraient plus un cerveau suffisant pour l'usage auquel elles étaient destinées. Les murs romans de grande épaisseur présentaient une assiette solide pour des constructions nouvelles. L'architecte abattit donc les ronds-points et les berceaux romans, et enta, sur l'épaisseur des murs, trois absides dans le goût du temps. Deux d'entre elles, la principale et la septentrionale portent le caractère du treizième siècle. L'abside secondaire sud et sa voisine, qui n'est indiquée que par des arrachements ouvrant dans la travée extrême du transept, paraissent du quatorzième siècle. Les données actuelles ne permettent pas d'en indiquer la forme.
L'abside principale correspond à la partie romane qu'elle surmonte. Elle est composée d'une travée à peu près carrée et de cinq pans coupés inégaux et distribués de manière à ménager la poussée des voûtes. Des trois pans coupés du fond deux étaient éclairés par une fenêtre à un meneau, celle du milieu possédait deux meneaux. L'abside supérieure nord est composée d'une travée barlongue de même architecture que l'abside principale. Rien d'ailleurs dans ces pièces historiques qui mérite l'attention de l'archéologue. Les peintures ellesmêmes, dont quelques débris paraissent encore, ont été surfaites par l'ignorance et par un enthousiasme intempestif. Les plus vantées sont l'adoration des mages, peinture du quinzième siècle, que n'avoueraient pas certains apprentis, et deux anges de même époque qui paraissent à genoux devant un reliquaire qu'ils encensent. Les plus dignes d'attention ont été relevées avec soin par le crayon éminemment artistique et chrétien de M. Villiet. Ce sont : l'annonciation, sur un rétable du quinzième siècle dont nous avons encore les fragments, et une peinture du treizième siècle sous l'abri voûté d'un ancien autel de retro. Elle représente le Christ entouré des quatre symboles évangéliques. On pourrait aussi étudier, au point de vue de l'histoire de notre monument, deux évèques peints dans le goût du treizième siècle. Mais ces deux peintures sont dans un état désespérant de dégradation.
Disons un mot aussi d'une disposition qui fut générale au moyen-âge et qui persévéra jusqu'aux mauvais jours du siècle dernier. Elle paraît avoir existé à Notre-Dame de la Fin-des-Terres.
Les églises collégiales, abbatiales et monastiques étaient généralement divisées en deux parts. Le transept et les absides formaient l'église du chapitre ou des moines. Les nefs étaient l'église de la paroisse. Les traditions de l'art étaient déjà viciées; l'unité du monument brisée. Les chœurs des églises formaient souvent une véritable église dans une autre. Nous possédons encore à la métropole des murs de cinq mètres qui dégradent le chevet. La catliéde Bazas avait son chœur muré de même sorte et plus encore. Le chapitre n'avait pu s'empêcher néanmoins d'offrir à la vénération des fidèles la relique historique du sang de Saint-Jean. Elle était dans son reliquaire sur un autel, au sud de la porte du chœur donnant dans la nef. Du côté nord, sur un autel aussi, était la tête de Saint-Alain, évêque breton, dont le corps fut trouvé intact et transporté à SaintJean lors de l'incendie de l'église Saint-Martin. Saint-Macaire présentait la même disposition aussi bien que Sainte-Croix. Soulac eut aussi sa clôture, aux deux piles qui portaient la coupole, mais ici, comme à Bazas, il avait fallu ménager aux fidèles et aux pélerins le grand souvenir historique. A la pile sud était adossé l'autel de Sainte-Véronique appelé autel de la nef, sur lequel on prêtait, comme autrefois à Bordeaux sur le tombeau de Saint-Fort, les serments solennels. Lousquaus aven jurât sobre l'auta de la Santa-Veronica à Solac, dit un titre du 3 avril 1302. A. gauche de l'autel, dans la nef même, iouxte le pilier, était la fontaine de Sainte-Véronique dont nous possédons encore les maçonneries. Les gonds qui tenaient la petite porte de la fontaine sont encore scellés dans la pierre.
Nous citons encore dom Abadie: « Pour l'argenterie, voicy ce que i'ay tiré de deux inventaires, le premier de l'an 1601 et du 9e avril, et le deuxième du 16 octobre 1624 :
« La plupart de cette argenterie icy desseignée s'est perdue par le malheur des guerres, et les deux inventaires dont i'ay tiré les susdits dénombrements avoient été faicts lorsqu'on vouloit cacher sous terre ou autres lieux secrets les sainctes reliques et argenteries, ainsy qu'il appert par lesdicts actes. »
Les diverses pièces de ce trésor étaient en assez mauvais état sous le cardinal de Sourdis. L'Eminent prélat, ainsi que nous le verrons en son lieu, se fit apporter à Bordeaux tous les reliquaires. On les fondit pour en former deux grands et beaux. Il fit nettoyer aussi la Vierge miraculeuse d'argent où étaient enfermées les reliques les plus précieuses. Mais hélas I ces richesses devaient bientôt tomber aux mains des religionnaires.
C'est aux deux reliquaires du cardinal de Sourdis que fait allusion le bénédictin déjà cité quand il dit, à la suite d'un inventaire des reliques : « Ces reliques étaient gardées dans deux châsses d'argent surdoré, qu'une bande de dissidents dispersa et enleva pendant les troubles du siècle dernier *.
Les prieurs, les religieux, les vicaires perpétuels, etc., de Notre-Dame de Soulac.
Dom Devienne nous apprend que vers le milieu du douzième siècle, le nombre de ceux qui demandaient à être reçus dans l'abbaye de Sainte-Croix augmenta tellement qu'il fallut se déterminer à en envoyer une partie dans les dépendances du monastère. On réduisit la communauté à vingt religieux, non compris le chapelain, les quatre prébendiers et les novices. Tous les autres furent distribués dans différentes églises qui dépendaient du monastère et formèrent des prieurés. Les supérieurs de ces nouveaux monastères étaient obligés de se présenter tous les ans, le lundi de la Trinité, dans le chapitre de Sainte-Croix, pour y rendre compte des revenus de leur temporel et recevoir les règlements propres à réformer les abus et à mettre en vigueur l'observance régulière. L'abbé ne manquait pas non plus d'aller chaque année visiter chacune de ces maisons par lui même ou par un commissaire.
L'importance des souvenirs religieux de Soulac avait sans doute déterminé les abbés de Sainte-Croix à y envoyer des religieux dès l'origine, puisque nous avons vu qu'il y existait un monastère en 1028; puisque l'an 1043, la comtesse Ama fit un don à Notre-Dame de la Eindes-Terres pour venir en aide à la pauvreté des moines qui y demeuraient. Ibi Deo famulantibus. Il se peut, néanmoins, que le monastère d'alors ne fut composé que de ces cahutes dont parle Viollet-le-Duc et que la mesure dont parle dom Devienne ait donné l'occasion d'élever le monastère dont nous possédons encore la basse-œuvre.
Avant la construction des prieurés, les abbés de Sainte-Croix signaient souvent: N. abbé de Sainte-Croix et prieur de Soulac, de Macau, etc. En sorte que nous pouvons à bon droit compter parmi nos prieurs tous les abbés de Sainte-Croix qui ont précédé la construction du monastère de Soulac, c'est-à-dire la première moitié du douzième siècle.
Nous allons donner la nomenclature dès abbés-prieurs, puis des prieurs proprement dits de Soulac, aussi bien que des autres religieux et prêtres que les anciens titres mentionnent. Cette nomenclature ne saurait être complète. En outre, nous prions le lecteur d'observer que nos dates ne marquent ni la prise de possession, ni la mort ou la démission, mais seulement l'année où nos personnages se trouvent mentionnés dans les cartulaires ou sur les titres.
Lors du rétablissement du monastère de Sainte-Croix par Saint-Guillaume, duc d'Aquitaine, nous trouvons Elis, Hélis ou Hélie abbé de Sainte-Croix, que nous pouvons dès-lors compter comme premier titulaire de Soulac, sous les papes Martin II et Agapit II, en suivant l'opinion émise par dom Devienne; sous l'archevêque Adelbert; sous les rois Charles et Louis d'outre-mer.
Avec la Révolution française, cessa, Dieu le permettant dans sa justice insondable, l'exercice du droit sacré des enfants de Saint-Benoît sur notre vénérable sanctuaire. Mais nous savons que lorsque Dieu frappe « il détermine, dans sa sagesse profonde, les limites qu'il veut donner aux souffrances de son église Qui sait ? Peut-être qu'un nouveau Trencard, riche et bien né, va bientôt « se lever et dire : il ne convient pas qu'une si belle province soit privée du secours des moines». La terre sainte du Médoc ne reverra-t-elle pas à l'œuvre ces moines noirs qui priaient au bord de la fontaine sacrée ?
Source : Notre-Dame de Soulac ou de la Fin-des-Terres par Mezuret 1865