Château lieu dit le Château

Anecdote Historique

Si, après avoir salué la patrie de Pey Berland et l'asile de Larochejaquelein, on porte ses pas vers la Gironde ; si l'on se contente de donner un coup d'oeil aux vignobles de Soussans, au milieu desquels se montrent les châteaux de Paveil, de Belair et de Latour de Mons (Le premier appartient à M. Minvielle, le second est la propriété de Mme de Pomercu et Latour de Mons est entre les mains de M. de Lajeard), on ne tarde pas, pour peu que l'on poursuive sa route, à découvrir la façade athénienne du château Margaux.

Ces champs de vignes si bien soignés, cette belle allée qui conduit au fleuve, cette plage si riante, qui respire aujourd'hui le calme et la sécurité, furent, il y a plusieurs siècles, livrés, à ce qu'il paraît, au pillage et à la dévastation.

Un duel digne de rester célèbre

Un duel digne de rester célèbre, et cependant bien inconnu aujourd'hui, en fut la suite.

On ne lira pas sans intérêt cette histoire, qui pourra donner aux hommes de notre temps une idée de ce qu'étaient au moyen âge les bourgeois de Bordeaux.

Quelques mois après l'avènement de Henry IV, roi d'Angleterre, entre la Noël et le premier jour de carême de l'an 1400, Bertrand Usana, marchand et bourgeois de Bordeaux, arrêta dans la rue Poitevine Jean Bolomère, tailleur d'habits et bourgeois de cette même ville.

  • Maître Jean Bolomère, dit Bertrand Usana, je veux vous faire part d'une chose de conséquence et fort surprenante, par ma foi !
  • Je le veux bien, dites-moi ce qui vous plaira.
  • Certes, reprit Bertrand, les Anglais sont de mauvaises gens, et capables de faire les plus grands outrages. Il n'y a pas longtemps qu'ils sont allés à Margaux; ils ont rompu des branches d'arbres chargées de fruits et les ont emportées dans leurs navires. Sachez, Bolomère, qu'il faut que nous nous départions de leur obéissance et de leur domination.
  • Sainte Marie! répondit Bolomère, comment se pourrait-il que la ville qui, de tout temps, a été si loyale envers la couronne d'Angleterre, et qui, moyennant la grâce de Dieu, le sera à l'avenir, se départit de son obéissance? Et comment feraient pour subsister les pauvres gens de la campagne ou les sujets du roi notre seigneur, lorsqu'ils ne pourraient plus vendre leurs vins, ni se procurer les marchandises d'Angleterre, ainsi qu'ils sont accoutumés ?
  • Laissez faire, Bolomère, répartit Usana, nous vivrons sans eux ; nous taillerons nous-mêmes la moitié de nos vignes et nous y recueillerons le double de vin.
  • Ne me tenez plus de pareils propos, répliqua le tailleur, car j'aimerais mieux mourir que d'être de votre opinion.
  • Vous en serez bon gré mal gré, dit le marchand Uusana, ou vous passerez la ville (vous en serez chassé), vous et tous ceux qui seront de votre avis.
  • Pour lors, dit celui-ci, ne m'entretenez plus de cela ; je ne veux plus en entendre parler; je préfère m'occuper de mon état de tailleur, et faire mes pauvres boutons.

Ces insinuations malveillantes donnèrent cependant à réfléchir à maître Bolouière, qui, surpris de pareils propos et fidèle à son roi, présenta à Henry IV la requête suivante :

«A notre très-excellent et très-redouté seigneur le roi d'Angleterre et de France, ou à très-honorés et hauts seigneurs ses connétable et maréchal d'Angleterre, ou à leurs lieutenants ou commissaires.
Attendu que chaque homme, petit ou grand, pauvre ou riche, qui est en obéissance et sous le serment de la fidélité, ou qui est homme-lige, ou demeure en l'obéissance de notre très-souverain seigneur le roi, est tenu de garder le bien, l'avantage et l'honneur de notre dit seigneur le roi et sa couronne.
Et, en outre, que s'il venait à sa connaissance que quelqu'un tramât quelque trahison, soit contre lui, ses Etats ou sa couronne, il lui doit notifier et dénoncer, sans quoi il passerait pour traître.
Et quoique moi, Jean Bolomère, couturier et tailleur, et petit bourgeois de Bordeaux, ne sois qu'un pauvre homme et de fort petit état, je suis pourtant un homme-lige de notre très-souverain seigneur le roi, et suis obligé de garder, selon mon pouvoir, le bien et l'honneur du roi notredit seigneur, et lui révéler, s'il venait à ma connaissance, que quelqu'un voulût lui faireaucun dommage ou tramer quelque trahison, autrement, je serais tenu pour traître.
C'est pourquoi, très-excellent et très-souverain seigneur, et très-honorés et très-hauts nosseigneurs connétable et maréchal d'Angleterre, ou leurs lieutenants et commissaires, afin qu'à l'avenir personne ne puisse me dire que je suis un mauvais homme ou traître envers le roi notre seigneur, je vous notifie et dénonce le complot de Bertrand de Usana.»

Usana, comme on devait s'y attendre, déclara que Bolomère en avait menti par la gorge, et termina en protestant de sa fidélité à l'Angleterre.

Il devenait, on le voit, fort difficile de connaître la vérité ; on eut donc recours au grand moyen en usage à cette époque. On ordonna que la contestation serait décidée par un combat singulier ; le roi d'Angleterre en assigna le jour, et donna aux deux champions l'ordre de se trouver dans la ville de Nottingham le 12 août 1407.

Au jour marqué, nos deux Bordelais, munis de leurs armes, entrèrent en champ clos. Le signal du combat ayant été donné, Bolomère fondit impétueusement sur son ennemi. Bertrand Usana, de son côté, s'avança avec intrépidité et se montra plein de courage dans sa défense. L'affaire dura longtemps ; la résistance fut également vigoureuse de part et d'autre; elle attira l'attention de toute la cour d'Angletere, qui honora cette lutte de sa présence, et qui fut émerveillée de voir tant de vigueur, tant de courage et de noblesse dans deux vieillards presque décrépits. Enfin, le roi d'Ecosse (Ce roi d'Écosse était l'infortuné Jacques 1er, qui se trouvait à Nottingham comme prisonnier des Anglais), qui assistait aussi à ce fait d'armes, les enfants du roi et tous les princes de la cour, remplis d'admiration pour les deux combattants, et désirant leur conserver la vie, supplièrent le roi d'Angleterre de vouloir faire cesser le combat.

Gracieux sire, s'écrièrent-ils, veuillez les préserver d'un coup fatal ; voilà la victoire qui va nécessairement se déclarer en faveur de l'un ou de l'autre.

Henry IV, condescendant au désir de sa cour, fil cesser le combat, et réserva au tribunal de Dieu le jugement de cette affaire ; néanmoins, voulant faire connaître la valeur et le courage avec lesquels les deux vieillards avaient soutenu l'épreuve du duel, il fit dresser une charte, où leur bravoure était ainsi constatée :

«Jean Bolomère, y était-il dit, a courageusement poursuivi son appel contre Bertrand Usana; celui-ci s'est défendu avec une égale valeur, et ni l'un ni l'autre n'ont encouru aucune note d'infamie, de droit ni de fait; ils ont au contraire mérité des éloges, et se sont même acquis de la » gloire dans l'esprit de tout le monde. »

«Si on juge par cet exemple, dit le savant annaliste à qui nous avons emprunté ces détails, de la valeur et de l'intrépidité de nos anciens Bordelais, on ne peut s'en former qu'une haute idée, et on ne sera pas surpris que ce courage se retrouvât jusque dans les personnes de bas étage, lorsqu'on fera attention que les guerres presque continuelles auxquelles les habitans de Bordeaux avaient eu occasion de s'exercer depuis plusieurs siècles, les avaient mis dans le cas de perfectionner un courage qui est comme naturel aux habitans de la province. »

L'histoire ne nous a pas fait connaître les qualités des hommes qui possédaient alors la terre d'où plus tard devait sortir l'un des premiers crûs du Médoc ; c'est grâce aux dévastations commises par quelques marins que le nom de Margaux a lui-même échappé à l'oubli, et que l'un des plus beaux faits d'armes de la bourgeoisie bordelaise au moyen âge est arrivé jusqu'à nous. Voici les seuls propriétaires du château, dont quelques vieux titres nous aient fait connaître l'existence :

  • Franrois de Monferrant, en 1447.
  • Thomas de Durfort, en 1 479.
  • Jean Gimel, citoyen de Bordeaux, en 1480.
  • Le comte de Fumel, en 17..
  • Le comte d'Hargicourt, en 1789.
  • M. Douat, marquis de Lacolonilla, en 1802.
  • Et enfin, M. Aguado, marquis de LasMarismas, depuis 1836.

Source : Les châteaux de la Gironde: Mœurs féodales, détails biographiques par Henry Ribadieu 1856.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 49877
  • item : Château lieu dit le Château
  • Localisation :
    • Aquitaine
    • Gironde
    • Margaux
  • Lieu dit : le Château
  • Code INSEE commune : 33268
  • Code postal de la commune : 33460
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : château
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 19e siècle
    • 1er quart 19e siècle
  • Année : 1802
  • Date de protection : 1965/07/05 : classé MH
  • Date de versement : 1993/06/11

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :3 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • élévation
    • toiture
    • communs
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété d'une société privée 1992
  • Détails : L' ensemble des façades et des toitures du bâtiment principal et des communs (cad. B 17, 18, 19, 23) : classement par arrêté du 5 juillet 1965
  • Référence Mérimée : PA00083617

photo : Daniel Pelletier