Eglise Saint-Jean Baptiste

Si les indices de la station romaine ne sont pas nombreux, on ne peut révoquer en doute l'antiquité de Coutras dont le nom vient indubitablement de Corterate, mot corrompu par la suite des temps, mais à bonne heure, car, dans une bulle du pape Alexandre III, en date de 1171, et en faveur de Mainard, abbé de Guitres, l'église est indiquée sous la dénomination de Saint-Jean de Coutras.

Les uns attribuent cette église à la renaissance, d'autres ont publié (Musée d'Aquitaine, tome III, p. 13. Notice sur Coutras) qu'elle était moderne : ils ont eu trop de confiance dans les rapports de gens peu versés dans la science de l'antiquité. Enfin la tradition, dont s'arment quelques personnes, fait honneur aux Anglais de l'avoir construite. Cette tradition, vraie ou fausse (on en forge souvent pour se tirer d'embarras), est erronée : les Anglais n'édifièrent jamais aucun monument public dans la Guienne ; elle signifierait tout au plus que pendant le règne de cette nation on érigea l'église Saint-Jean ; mais dans quel siècle ? C'est une difficulté dont on peut demander la solution aux adeptes de la doctrine qui attribue tout aux Anglais ; on leur rappellera que les rois d'Angleterre eurent une suzeraineté bien équivoque sur le Bordelais, le Bazadais , etc., du milieu du douzième siècle au milieu du quinzième.

Nous, nous croyons l'église Saint-Jean de Coutras l'œuvre des citoyens du pays avant qu'ils fussent les vassaux des rois des îles britanniques. Examinons-la :

La principale porte d'entrée ouvre à l'occident ; elle est à plein cintre, formée par deux arcades en retrait. La niche du tympan nous semble postérieure. L'arcade la plus grande repose sur des colonnes grêles à chapiteaux imités de l'ordre corinthien, son archivolte est décorée de feuilles d'acanthe à demi refouillées. La corniche au-dessus du sommier de la porte montre des échiquiers, genre de moulure commun aux églises du onzième siècle. L'horloge qui surmonte cette porte est de nos jours.

Une nef (longueur du chevet à la porte, 32 mètres ; largeur, 6 mètres 10 centimètres) et deux bas côtés (longueurs égales, 24 mètres 45 centimètres ; largeurs égales, 4 mètres 25 centimètres) composent l'intérieur de l'église, intérieur éclairé par quatre croisées retouchées à plusieurs époques et gâtées. Quatre piliers circulaires sans chapiteaux, deux groupes de colonnes demi-cylindriques et pilastres à chapiteaux, dont les tailloirs offrent des dents de scie, supportent les voutes, dont les arcs-doubleaux sont à ogive surbaissée et les croisées à plein cintre. La naissance de ces arcs est marquée sur les piliers par des figures d'animaux fantastiques dégradées par le badigeon.

Quatre arcades à tiers-point dessinent le chœur, elles retombent sur les groupes de colonnes et sur le mur du sanctuaire, et supportent une coupole dominée par un clocher carré qui fut rasé par les religionnaires en 1575 et reconstruit en 1603.

La voûte du sanctuaire est en berceau et se termine par un cul-de-four, l'hôtel est moderne et à la romaine. Le style des voutes des nefs est conforme à celui des voûtes de l'église Saint-Jean de Libourne, de la collégiale de Saint-Emilion, et de bien d'autres églises, style employé dans la première moitié du douzième siècle. Les modillons à masques de l'entablement sont de ce temps.

Nous devons le dire : les larges écussons attachés aux clefs des voûtes ont été ajoutés après coup, on croit y reconnaître les armes des anciens vicomtes et des ducs de Fronsac qui avaient droit de litre dans cette église. On en trouve d'à peu près semblables suspendus aux clefs de la voûte du bas côté de l'église de Fronsac.

Une porte carrée existe du côté sud de la porte principale ; cette porte, dont le faire annonce le seizième siècle, doit avoir été pratiquée par les ordres d'un comte pour son entrée particulière.

Il y avait à Coutras un prieur, son devoir était de dire une messe matinale, par cette raison il fut tenu d'avoir un vicaire de résidence dans la ville.

Source : Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son arrondissement par Raymond Guinodie 1845.