photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies
Construction réalisée en 1904, emblématique de l'œuvre des Abris du Marin fondée par Jacques de Thézac.
Jacques de Thézac s'installe à Sainte-Marine en 1888. A priori passionné de voile, il est peu à peu sensibilisé à la misère des marins-pêcheurs et décide de s'investir dans l'amélioration de leurs conditions de vie. C'est en 1900 il créé « L’Oeuvre des Abris du Marin ».
Douze Abris du Marin vont être fondés par cet homme, onze dans les ports du Finistère sud :
Et un dans le Finistère Nord (Roscoff).
Par la suite, trois autres Abris verront le jour (Saint-Guénolé, Houat et Port-Maria).
L'oeuvre qui aura désormais pour nom : « L'Abri-du-Marin », se donne comme mission générale et première de créer, sur la côte, des maisons hospitalières destinées à abriter le pêcheur et à lui offrir des secours de toutes sortes. Chacune de ces maisons est un foyer qui détourne le Breton du cabaret et remplace momentanément son propre foyer absent.
Il était nécessaire d'assurer à l'oeuvre ainsi définie une existence régulière et légale, cela va de soi. D'abord il fallait promouvoir, établir fortement une méthode et des moyens capables de sauvegarder l'unité d'action au sein des Abris. De plus, le simple bon sens exigeait que l'on donnât à l'oeuvre des garanties de durée. On offrait enfin, par là, une juste satisfaction aux bienfaiteurs que la crainte d'un échec pouvait décourager. Le 21 novembre 1902, l'oeuvre fut donc constituée, sous le régime de la loi de 1901, en association déclarée ; elle fut baptisée « OEuvre des Abris-du-Marin et de l'Almanach du Marin-breton ». Des associations locales, formées uniquement de marins, et régulièrement constituées pour chaque Abri, forment comme les filiales de l'oeuvre générale. Voici les principaux statuts de l'OEuvre :
Entre les personnes adhérentes aux présents statuts, il est établi une association régie par la loi du 1er juillet 1901 sur les associations. Elle prend le titre de : OEUVRE DES ABRIS-DU-MARIN ET DE L'ALMANACH DU MARIN BRETON. Elle a son siège à Sainte-Marine, en Combrit, par Pont-L'Abbé-Lambourg (Finistère). L'association s'interdit toute discussion politique ou religieuse.
Cette association a pour but : D'étudier et de rechercher consciencieusement et dans l'esprit le plus désintéressé, les moyens d'améliorer l'état moral ou matériel des marins pêcheurs et notamment de lutter contre les ravages de l'alcoolisme.
Cette association se compose de membres fondateurs, de membres adhérents et de membres honoraires.
L'association est administrée par un conseil de 19 membres choisis parmi les fondateurs et élus par eux.
En cas de modifications aux statuts ou de dissolution, l'Assemblée générale, convoquée dans ce but, ne peut statuer qu'à la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés.
L'oeuvre ainsi constituée, eut bientôt son comité dévoué et averti ; mais l'âme de l'Abri, c'est M. de Thézac, qui conçut le premier le projet de venir en aide de la sorte aux pêcheurs bretons. Il est, ajoutons-le, fort intelligemment secondé par le trésorier de l'oeuvre, M. le docteur Chauvel, l'éminent praticien de Quimper et M. de Vuillefroy. Par les efforts du Comité, 10 Abris-du-Marin ont été créés ! On les a rangés par ordre d'importance.
Si l'on tient compte de leur fondation, on a le tableau suivant :
Deux nouveaux Abris, dont l'un est offert par une généreuse bienfaitrice, sont en voie de construction au Conquet et à Douarnenez, ce qui portera le nombre de ces maisons à douze.
Chaque Abri est d'un modèle à peu près uniforme. Il a l'aspect d'une grande maison de style breton mais qui donne l'impression de l'aisance et de la propreté. Il se compose de deux salles : l'une est proprement consacrée aux réunions des pêcheurs. On y cause, on y joue à des jeux d'où l'intérêt pécuniaire est banni, selon les prescriptions, rigoureuses à cet égard, du règlement. Une salle de lecture fait suite, dotée d'une bibliothèque qui renferme les éléments variés d'instruction professionnelle et de récréation intellectuelle (ouvrages nautiques, cartes marines, revues illustrées, livres de vulgarisation scientifique ou de voyages, romans honnêtes, etc.). On a ménagé pour le gardien, au rez-de-chaussée, un logement qui sert, en outre, à la préparation de la tisane d'eucalyptus. Au premier étage, les dortoirs. Sous le préau adjacent, des agrès de gymnastique tout montés, tandis que dans la cour, se rangent les jeux de quilles, de boules, etc.
Dans la salle de lecture on trouve à discrétion le papier à lettres et les fournitures de bureau, mis gratuitement à la disposition des marins. Une citerne, enfin, permet aux pêcheurs de remplir leurs barils de saine eau douce.
On se demandera maintenant, sans doute, à quelles ressources puisent les organisateurs pour faire face aux dépenses, qu'on devine très lourdes. Disons sans tarder que, jusqu'ici, les subventions de l'Etat ont été. fort minimes, surtout en ces dernières années, si on les compare aux dons de l'initiative privée. Il a fallu créer une société immobilière, conformément à la loi de juillet 1867, modifiée par la loi d'août 1893. Cette société a pour objet de construire sur le littoral des immeubles qui serviront d'Abris aux Inscrits maritimes.
Restaient à établir les relations d'ordre budgétaire qui relieraient à l'oeuvre chaque Abri. On a donc créé une « Association locale de l'Abri-du-Marin » dans chaque port, où l'on allait ouvrir un Abri. Afin d'attacher mieux le pêcheur à l'oeuvre, on jugea utile et moral de lui demander sa participation financière aune entreprise dont il recueillerait tous les bénéfices. Et comme le pêcheur breton est pauvre, on ne pouvait songer à exiger de lui un sacrifice d'argent véritable. La cotisation annuelle permet de sauvegarder le principe. Une taxe de 0 fr. 10 centimes par an a été jugée suffisante. Si défiant. que l'on soit, dès lors, il eut été déloyal de soupçonner l'oeuvre d'être une entreprise commerciale dissimulée. Les marins, d'ailleurs, s'en sont rendu compte. Il leur est aisé. de comparer ce qu'ils reçoivent de l'oeuvre au prix de l'humble cotisation qui leur est demandée. Au bout de quelques années, cependant, si légère qu'elle paraisse, cette cotisation a semblé aux organisateurs devoir encore être allégée. D'obligatoire, on la rendit facultative. Elle n'est plus exigée dans la plupart des Abris. La direction de l'oeuvre s'est en effet aperçue que 10 centimes étaient un obstacle, pour plusieurs, à la fréquentation des Abris ; un nombre assez important de marins se trouve parfois sans un sou en poche, au moment précis où l'Abri-du-Marin peut agir très heureusement sur des centaines de pêcheurs au double point de vue matériel et moral.
C'est pourquoi l'oeuvre vit surtout des membres participants, souscripteurs ou bienfaiteurs. Instinctivement, la charité privée a compris l'importance de l'Abri-du-Marin. A Sainte-Marine, un atelier a été aménagé uniquement pour mettre en valeur les gravures, aquarelles, photographies, que l'on a bien voulu offrir. On y voit alignés, prêts à être envoyés à telle ou telle Association locale, des jeux, des journaux illustrés, des livres d'étude, de voyage, d'histoire, des instruments de navigation, des cylindres pour phonographes, des instruments de musique, des longues vues, des baromètres, des outils, des vues amusantes ou instructives pour projections, et enfin, cette matière de première nécessité ; des feuilles d'eucalyptus en ballots.
Mais la charité privée ne se contente pas de ces dons en nature; elle aide à « boucler » le budget. Sans elle le déficit chaque année serait de moitié, comme on le verra dans le tableau que nous reproduisons à la fin de cette étude a. Dans ce même tableau, on remarquera que l'Almanach du Marin breton, moyen de propagande efficace entre tous, dont nous aurons à parler plus tard, grève tous les ans le budget d'une somme considérable.
Le premier Abri-du-Marin fut fondé à l'île de Sein en 1899. Cet Abri, provisoire d'abord, ne fut définitivement établi qu'en 1900. Il servit de modèle à tous ceux qui ont été créés dans la suite. (...)
On a eu soin de constituer pour chaque Abri un comité local formé de marins-pêcheurs, élus par leurs camarades de l'endroit.
Source : Une race en péril les abris du marin par Guy de La Rochefoucauld 1914.
photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies
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