photo : Guillaume
Ce logis est construit en 1590, date portée sur une cheminée ; parties agricoles 18e siècle (source : Ministère de la culture)
Le nom de cette vaste commune (Hispania, Épagne, Espagne, Espaingnes, Espaignes), ne doit pas remonter au-delà de la période Normande, et il lui fut sans doute donné pour consacrer le souvenir des fréquentes relations des premiers Normands avec l'Espagne.
Les sires de Pont-Audemer possédaient l'aleu principal d'Épaignes, et la suprématie sur les autres chevaliers du lieu, qui étaient leurs soutenants.
Robert de Beaumont donna aux religieux de Préaux la dîme de la paroisse et celle du Moulin de l'Église avec sa terre, et un habitant nommé Osbern. Son frère Roger suivit son exemple, et accorda à la même abbaye tout ce qu'il possédait dans la paroisse, entre autres domaines, la forêt d'Épaignes. Il n'exceptait de cette cession que les chevaliers, dont il donnait seulement trois, et les chemins, qu'il abandonna cependant plus tard, moins ceux de la terre de Goubert. Ainsi, l'abbaye de Préaux succéda à une grande partie des droits des sires de Pont-Audemer : ceux-ci ne s'étaient réservé que la suzeraineté sur quelques chevaliers, dont les aïeux dépendaient d'Epaignes.
Joscelin d'Epaignes était l'un des trois chevaliers donnés aux religieux : ceux-ci firent un arrangement avec lui et son fils, au sujet de leur dîme. Parmi les chevaliers restés vassaux des sires de Pont-Audemer, nous remarquons,
Le Coudrai était un fief situé à Epaignes. Il appartenait, en 1135, à Thomas de Beaumont, et il relevait du fief de Raoul-Efflanc (nommé aussi Raoul-Barbote), qui, lui-même, était vassal des sires de Pont-Audemer. Thomas de Beaumont et son fils donnèrent à la léproserie de Saint-Gilles, dans leur fief du Coudrai, 20 acres de terre et le droit de pacage.
Dans une charte de 1162, le fils de Robert d'Omonville, seigneur de Martainville, est appelé Baudouin d'Epaignes. Cette qualification ferait supposer qu'il possédait, dans la paroisse, des droits qu'il devait tenir de ses pères.
L'abbaye de Préaux ne conserva pas jusqu'à la révolution ses anciens droits sur Epaignes: elle n'y possédait plus alors qu'un trait de dîme, nommé la Peignerie. L'histoire féodale de cette commune est un chaos indéchiffrable : on a perdu jusqu'au nom des fiefs ; nous ne connaissons que ceux du Plessis, de la Néronnière, du Bois-l'Abbé, de Bosc-Hamel et du Theil.
Dans les derniers temps, le Bois-l'Abbé appartenait à MM. du Manoir, et le BosoHamel à MM. Thirel. M. Tliirel de Bosc-Hamel, fils de M. Thirel de Siglas, ancien officier au régiment de Berry, cavalerie, fut l'un des volontaires qui abandonnèrent leurs foyers pour aller combattre les ennemis de la république.
Les possesseurs du fief du Theil devaient service de guet au château de Pont-Audemer. Dès le quatorzième siècle, cette seigneurie appartenait à la famille De la Mare du Theil, qui la transmit, par alliance, à MM. Le Roy du Theil, originaires de la Basse-Normandie. Un membre de la maison Le Roy, successivement abbé de Saint-Taurin, de l'Essai et du Mont-Saint-Michel, vers la fin du quatorzième siècle, fut du conseil secret de Charles VI, et remplit plusieurs ambassades. De nos jours, M. du Theil a reçu de Napoléon le titre de baron.
L'église Saint-Antonin d'Épaigues était desservie, jadis, par un curé, un vicaire et un chapelain. Elle ne présente aucun intérêt. Son clocher colossal, frappé par la foudre il y a environ cent ans, a perdu alors environ 10 mètres d'élévation. On remarque dans l'église une statue massive du géant saint Christophe, portant l'enfant Jésus sur ses épaules. L'Evangile de l'enfance nous raconte que Christophe ayant mis le fils de Dieu sur son dos, pour lui faire passer le Jourdain, trouva ce fardeau très pesant, et en fit l'observation: « Ce sont tes péchés qui sont lourds ! » A cette voix, le pécheur rentra en lui-même, et depuis il mérita les récompenses éternelles ... Voilà l'explication de la grande statue de saint Christophe. Les habitants aiment à raconter cette histoire aux étrangers, mais en ayant soin de dire que, si le bon Dieu chevauchait sur Christophe, c'est qu'il avait peur de se noyer. Quant aux mères, elles s'en servent comme d'un croque-mitaine pour effrayer leurs enfants ; enfin, on vient quelquefois lui demander la guérison des étourdissements.
Il y avait autrefois, au hameau de la Vallée, une chapelle Saint-Sauveur, maintenant détruite. Là se tenaient deux assemblées qui n'existent plus.
Épaignes est une commune fort importante, mais il lui manque des chemins praticables. Cependant il s'y fait un commerce considérable d'objets de consommation et de fil, le dimanche de chaque semaine.
Source : Essai historique archeologique et statistique sur l'arrondissement de Pont-Audemer par Alfred Canel.