Eglise Notre-Dame

La nouvelle église de Bergerac, qui a été l'objet de la grande fête que nous venons de raconter, est située sur le point le plus culminant de la ville.

Aussi le voyageur qui se rend à Bergerac distingue de loin, sur le fond bleu du ciel, l'élégante flèche du clocher dont le fleuron et la croix au sommet s'élancent gracieusement dans les airs et rivalisent de hauteur avec les collines du nord et du midi. L'emblème de la foi chrétienne semble ainsi détachée dans l'espace pour indiquer la route de la mystérieuse et véritable patrie. L'église elle-même, vue de loin, se détache aussi admirablement de ce pèle-mêle d'habitations humaines, qu'elle ne semble dominer que pour les couvrir de son ombre protectrice et porter vers les cieux le tribut commun des voeux de la cité.

Si grande et si belle que s'étale à nos yeux la demeure de l'un de nos semblables, si obligeante que soit pour le visiteur la condescendance du riche possesseur de ce palais, on a bientôt fait de l'admirer. Il n'y a là que la distraction d'un moment et le seul intérêt d'un heureux de ce monde, auquel, pour l'ordinaire, notre coeur reste à peu près indifférent.

Mais tout autre est l'attrait de la plus modeste église, plus vif et plus doux le charme qu'on éprouve à la visiter. Nous aimons cet air qu'on y respire. Embaumé du parfum de l'encens et de la prière, il est pour le chrétien comme l'air du pays natal. Il rend à l'âme la fraîcheur de sa jeunesse et il ranime dans le coeur, les souvenirs les plus chers et les plus doux de la vie.

Si l'église de Bergerac, vue ainsi avec le sentiment religieux, est une magnifique inspiration de la pensée chrétienne, une belle et vivante page de l'idéal chrétien, elle parle aussi éloquemment à l'observateur inspiré par le seul amour de l'art.

Placé à ce double point de vue de l'art et du sentiment religieux, visitons d'une manière sommaire et rapide ce monument qui nous occupe et qui a déjà commandé notre admiration par l'aspect à la fois grandiose, majestueux et imposant de sa physionomie extérieure.

L'église de Bergerac se compose :

  1. Un large porche supportant un clocher de quatre-vingts mètres de hauteur, terminé par une flèche flanquée, aux angles de sa base, de quatre lucarnes en guise de clochetons; le tout en pierre; trois assises imbriquées, trois assises unies alternativement; les dernières percées sur chacune des huit faces d'une rose à six larges feuilles.
  2. Une tribune, dont le dessous est disposé de manière à éviter le tambour en tapisserie, qui vient d'ordinaire obstruer l'entrée des églises; tambour qui a toujours pour but de parer à un oubli, à une négligence de disposition.
  3. Une nef de vingt mètres de hauteur sous clef, largement éclairée par le haut et flanquée de deux bas-côtés, également éclairés directement.
  4. Un transept, avec chapelles vers le choeur, et petit porche à double porte du côté de la nef.
  5. Un choeur composé de deux travées, suivi d'un sanctuaire à plan circulaire porté sur six piliers, le tout entouré d'un déambulatoire, sur lequel s'ouvrent trois chapelles rayonnantes, deux sacristies et deux entrées particulières pour le clergé.

Elle a 96 mètres de long, 22m 64 de large à la nef; 39 mètres au transept. Sa superficie couverte est de 2,000 mètres, dont 1,400 mètres réservés aux fidèles.

Outre le maître-autel, entouré d'une magnifique grille et qui a été consacré solennellement le jour de la fête du 6 août, il y a de plus les autels des trois chapelles absidales et ceux des deux chapelles du transept.

L'autel de la chapelle du milieu de l'abside a été consacré en même temps que le maître-autel, et il en a été fait mention dans notre compte-rendu de la fête.

La seconde chapelle absidale ( côté de l'Évangile ) sera dédiée, avec son autel, à saint Martin, évêque de Tours , en mémoire d'une église qui existait dans le quartier, du même nom, et qui fut démolie.

La troisième chapelle de l'abside (côté de l'Épître) et son autel seront dédiés à sainte Catherine, martyre, en mémoire d'une église dédiée à celte sainte, bâtie sur le même emplacement de l'église Notre-Dame, et détruite lors des guerres de religion. * Lorsqu'on a pratiqué des fouilles pour la nouvelle église, on a trouvé le reste de ces murs cachés dans le sein de la terre et on n'a pu les démolir qu'à grand-peine.

L'autel du transept (côté de l'Évangile) a été également consacré le jour de la fête et nous en avons aussi parlé.

L'autel du transept (côté de l'Épître) sera dédié à saint Joseph. Cette chapelle sera confiée à la Confrérie du Saint-Sacrement.

Le choeur, le tour du choeur, l'abside et le transept sont ornés de sculptures remarquables, qui rappellent les créations artistiques des plus beaux jours de l'ère ogivale. La nef et les bas-côtés, à l'exception des rinceaux de la tribune, attendent une décoration semblable.

Les voûtes appellent particulièrement l'attention du visiteur et provoquent toute son admiration.

Les clefs, d'un travail achevé, contribuent à orner le corps de l'édifice tout en lui servant d'appui. La plupart d'entre elles portent des écussons qui indiquent à la fois la date du monument et le souvenir de ceux qui ont contribué de toutes manières à son édification.

Les voici dans l'ordre même où nous les trouvons énumérés dans la précieuse et savante notice de M. Richard, à laquelle nous empruntons ce qui a trait à cette partie de l'édifice:

« L'écusson de l'avant-choeur est celui de S. S. Pie IX, de ce doux et résigné pontife, dont l'inaltérable sérénité plane au-dessus des épreuves, et qui, debout sur les lambeaux de son patrimoine temporel, tient ferme et droit l'étendard chrétien et ne permet du moins aucune invasion dans le domaine impérissable de la foi. »

« Celui du choeur reflète les armes du cardinal-archevêque de Bordeaux. Le prélat, qui a béni les fondations, verra en couronnant l'édifice qu'on s'est souvenu de sa devise : Ad finem forliter. »

« La clef du chevet, où brille la croix ancrée sur champ d'azur, rappelle la mémoire de Mgr Georges Massonnais, évêque de Périgueux et de Sarlat, qui n'a pu voir achever l'œuvre qu'il encourageait de tous ses efforts. »

« L'écusson du centre du transept est celui de la ville de Bergerac, au premier d'azur aux fleurs de lis d'or, et au second de gueules au dragon volant d'or, figure traditionnelle dans nos annales, et qu'un amour immodéré des découvertes poudreuses a récemment essayé de transformer en griffon. »

« Au milieu de la nef sont les armes de France avec l'exergue: Napoléon III, Empereur. »

« On remarque encore l'écusson de M«r Baudry qui, dans un trop court passage, a consacré à ce diocèse les restes d'une voix qui tombait sous l'accomplissement infatigabledudevoir, et d'une ardeur qui s'est éteinte au milieu des regrets de son troupeau; les chiffres de M. de Belleyme, député de Bergerac, dont le testament est pour celte ville un dernier titre d'affection et de reconnaissance; ceux de M. de Biran-Lagrèze, ancien maire de la ville, le plus intrépide créateur et le plus généreux bienfaiteur de l'œuvre; ceux de M. le curé Macerouse, qui a conquis, par 40 ans d'apostolat, le droit de voir inscrire sur la pierre du temple un nom déjà gravé dans le cœur des générations. »

« Enfin, on retrouve dans quatre autres clefs les attributs de M. Paul Abadie, architecte, dont l'oeuvre dispense de tout éloge; de M. Léon Baleyre, l'habile sculpteur; de MM. Laurent, les entrepreneurs consciencieux, et de M. Valleton, « inspecteur intelligent et dévoué des travaux. »

« Deux clefs des bras du transept, les quatorze des bas-côtés, les treize du tour du choeur et les trois des chapelles absidales ne reproduisent que des fleurs d'ornement. »

On cherche une place pour mettre les armes de M, Dabert et celles de M. de La Valette, venus après l'achèvement de l'édifice.

Sur le grand arc de l'entrée du choeur, sur sa face verticale, est le nom gravé du ministre Rouland, qui a donné plus de 100,000 francs pour la construction de l'église.

Sur la face inférieure du même arc sont les noms des membres du Conseil de fabrique de 1852 et de 1861, ainsi que les noms des prêtres qui ont coopéré à cette grande entreprise.

L'arc du transept qui termine la nef porte sur sa façade inférieure les noms des membres du Conseil municipal qui votèrent l'emplacement de l'église et les voies et moyens pour arriver à son édification. Et au-dessous il porte les noms des Conseillers qui, en 1861, votèrent les derniers crédits pour l'achèvement de l'édifice.

Les fenêtres sont presque toutes destinées à recevoir des vitraux. Mais pour le moment on n'a pu orner de riches verrières que la fenêtre du clocher, celles de l'abside, du tour du choeur, du chevet et du transept. Chacun de ces vitraux a un donateur particulier, de sorte qu'on ne peut y porter son regard sans rencontrer des témoignages qui rediront à tous les âges la foi et la générosité de ceux à qui on s'est adressé et qui ont répondu à cet appel avec autant d'empressement que de noblesse.

Vitraux du transept

Les deux grandes roses à sujets légendaires; représentent, celle de l'est, le Christ au milieu d'emblèmes célestes, entouré des docteurs et des martyrs, tels que saint Eulrope, saint Nicaise, saint Pothin, saint Etienne, saint Denis, saint Sixte, saint Vincent, saint Viclor, saint Saturnin, saint Laurent, saint Firmin, saint Clément; et celle de l'ouest, la Vierge, au milieu d'emblèmes semblables, entourée de vierges saintes, telles que sainte Philomène, sainte Eulalie, sainte Marguerite, sainte Agathe, sainte Luce, sainte Cécile, sainte Valérie, sainte Fine, sainte Alvère, sainte Eugénie, sainte Colombe, sainte Blandine. Ces vitraux n'ont pas de donateurs spéciaux; ils sont le produit de la loterie et de collectes. Les belles ouvertures circulaires qui les contiennent sont d'une richesse architecturale saisissante.

Vitrail du clocher

Tous ces vitraux, d'une exécution solide et remarquable, sortent des ateliers de M. Gérente, un des plus habiles artistes en ce genre.

Si maintenant abandonnant, les détails, nous examinons l'édifice dans son ensemble et au point de vue synthétique, nous dirons que l'église de Bergerac nous a frappé par sa grandeur, par l'ampleur énergique et à la fois élégante de ses formes.

Sa nef, ses bas-côtés largemeut éclairés, son transept d'aspect robuste, enrichi de roses splendides, avec ses deux porches placés de manière à former de chacun de ses bras une église particulière, innovation aussi heureuse pour l'effet qu'avantageuse pour le service, son sanctuaire soutenu par des piliers élégants, minces en apparence mais dont la force, qui tient à une disposition particulière et inusitée jusqu'ici, se révèle quand on les examine de près; la variété, la pureté de la sculpture qui enrichit la forme architecturale; la brillante richesse des vitraux, dont la tonalité savamment ménagée vient concourir dans une juste mesure à l'effet de l'ensemble, sans rien enlever à l'intérêt des détails de l'architecture ; enfin l'impression saisissante qu'on éprouve devant cette grande harmonie des vides et des pleins , des formes et des couleurs; tout vient porter à l'âme ce sentiment de surprise, de plaisir et de bien-être que l'on éprouve devant une œuvre complète et bien composée.

En un mot, l'église de Bergerac est une imposante basilique qui, profondément enracinée dans le sol de la cité, s'élève fièrement au-dessus d'elle pour porter au loin dans les airs le signe de notre rédemption, dont la vertu a excité le zèle et déterminé les sacrifices, et qu'à cet effet, on avait tracé avec confiance sur la terre en posant les fondements de ce temple sacré et que plus tard on a placé avec reconnaissance sur son sommet. Cette église est riante et ornée dans les détails , tout en restant grave et majestueuse dans son ensemble. Aussi, en entrant dans cet édifice sacré dont s'énorgueillit à juste titre la ville de Bergerac, on éprouve un mouvement d'étonnement mêlé d'admiration et ow est saisi d'une impression religieuse. On sent que ce n'est pas une demeure profane, que ce n'est pas même un palais; tout dit au contraire que c'est le temple de la divinité : tout y est noble et grand, tout s'y réunit pour faire naître les plus sérieuses comme les plus salutaires pensées. Cet élancement magique de toutos les parties de l'édifice est tout à fait propre à détacher l'esprit de la terre pour l'élever en haut. Ces vitraux aux mille couleurs, qui ne laissent pénétrer qu'un demi-jour mystérieux, sont bien de nature à faire naître et à nourrir le recueillement. Qui n'a observé avec quel saint artifice ils semblent ne vouloir nous donner la lumière qu'en la revêtant des images les plus pieuses et en la chargeant en quelque sorte de nous rappeler les plus sublimes mystères ou les vertus des saints personnages qui y sont représentés.

Le style général de l'église de Bergerac est celui des édifices chrétiens du xme siècle, c'est-à-dire de ce moment qui n'est déjà plus la transition du roman à l'ogive, mais qui commence la période de l'art ogival pur; moment réellement magnifique, parce qu'il joint au caractère de fermeté du style roman l'élégance de l'art gothique qui va le remplacer complètement.

Dans l'agencement des détails principaux, l'on remarque, dans l'église de Bergerac, une certaine indépendance d'arrangement ou affranchissement de la forme traditionnelle, qui donne à cet édifice un caractère particulier et qui n'appartient qu'à lui seul. Nous aimons ces hardiesses, ces originalités de formes qui supportent victorieusement l'analyse au point de vue de la construction comme à celui de l'art, qui reproduisent l'esprit des œuvres du moyen-âge, sans en répéter servilement les formes.

C'est ainsi du reste que, de nos jours, doit être entendu et pratiqué l'art gothique. Il doit porter le cachet de notre temps, tout en disant à notre âme ce que lui disent les édifices élevés par nos pères, et montrer à ceux qui viendront après nous que le sentiment qui a présidé à l'édification des églises au moyen-âge était aussi vivace, aussi ardent au XIXe siècle.

Tel est, dit M. Richard, en terminant sa notice, ce monument qui fait le plus grand honneur à l'artiste qui l'a conçu et aux habiles mains qui l'ont si bien secondé.

Il faudrait aussi un poëme pour chanter l'artiste qui a conçu une si belle oeuvre. Mais ce poëme est tout fait; il est écrit en lettres de pierre. C'est l'église elle-même. Les noms de certains personnages sont inscrits dans certaines parties de l'édifice. Mais le nom de M. Paul Abadie, cet architecte aussi remarquable par sa modestie que distingué et supérieur par son talent, est inscrit dans l'édifice tout entier, qui redira mieux que les paroles aux générations futures l'éloge de M«r Dabert à l'adresse de réminent artiste:

« Telle a été, selon nous, l'heureuse fortune de ce monument, que difficilement on rencontrera, en semblable entreprise, plus d'expérience dans les calculs s'allier à plus de largeur dans les idées. »

Source : Consécration de l'Eglise Notre-Dame de Bergerac par Abbé Destrac en 1865.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 34065
  • item : Eglise Notre-Dame
  • Localisation :
    • Aquitaine
    • Dordogne
    • Bergerac
  • Adresse : rue Sainte-Catherine
  • Code INSEE commune : 24037
  • Code postal de la commune : 24100
  • Ordre dans la liste : 4
  • Nom commun de la construction : 2 dénomiations sont utilisées pour définir cette construction :
    • église
    • église paroissiale
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 2 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 19e siècle
    • 3e quart 19e siècle
  • Année : 1856
  • Date de protection : 2002/10/17 : classé MH
  • Date de versement : 2002/11/28

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice : 2 formes de décor sont présentes :
    • sculpture
    • vitrail
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Inscription 05 04 2001 (église) (arrêté) annulée. Objets mobiliers protégés.
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Un élément répertorié fait l'objet d'une protection : décor intérieur
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 2001
  • Détails : L' église en totalité (cad. DI 627) : classement par arrêté du 17 octobre 2002
  • Référence Mérimée : PA24000029

photo : Lomyre

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien