photo : JOJO 4/9
L'église d'Airvault, l'une des plus vastes et des plus intéressantes du Poitou, est en grande partie du XIe siècle, et mérite une grande attention. Les colonnes engagées de la nef d'un assez fort volume sont toutes cantonnées en croix, comme cela a lieu souvent en Poitou. Celles qui sont de face, soit dans la grande nef, soit dans les bas-côtés, s'élèvent plus haut que les autres. Les chapiteaux ont leurs tailloirs sculptés et ornés d’entrelacs, de rinceaux et de feuilles ; les chapiteaux sont eux-mêmes en grand relief et assez variés. Il est probable que pendant longtemps, il n'y a pas eu de plafond et que la charpente était à nu.
La tour centrale est du XVe ou du XVIe siècle.
Un narthex ou vestibule très-vaste précède l'église. Il se compose de trois ailes correspondant au grand portail et aux deux portes latérales.
Au-dessus des deux portes latérales donnant accès au vestibule se trouvent deux arcades bouchées ; dans l'arcade de gauche, on voyait, comme à Parthenay, à Civray et ailleurs un cheval portant un cavalier ; ce cheval était fort gros et très-saillant ; il avait les jambes de derrière raides et écartées comme celles des chevaux de carton que l'on donne aux enfants. Là, comme ailleurs, le cavalier a été brisé ; on ne voit plus que la partie basse du buste et la jambe gauche, comme à Notre Dame de Parthenay et à Civray ; celle-ci a résisté parce qu'elle se trouvait le long du mur accolée à la maçonnerie. Le talon est plus bas que la pointe du pied. Les restes d'une robe brodée ou d'un riche manteau se voient encore tombant près de cette jambe, ce qui a fait dire que le cavalier était une dame. M. de La Fontenelle et quelques autres personnes pensent que cette statue à cheval doit être celle d'Ildegarde d'Aunay, vicomtesse d'Airvault, qui aurait fait construire l'église, ce qui me paraît d'autant plus douteux que l'état actuel de la sculpture ne permet pas de rien reconnaître qui s'applique plutôt à une femme qu'à un homme ; on voit même un éperon au talon qui subsiste encore.
La façade a été retouchée dans la partie supérieure. Le grand portail qui affecte la forme ogivale offre des archivoltes assez curieuses. On y voyait d'abord les vieillards de l'Apocalypse sur autant de pierres symétriques ; ils avaient une coiffure décorée en réseau. L'archivolte inférieure présente un dessin assez ordinaire au XIe et au XIIe siècle, au-delà de la Loire.
Au sommet de la façade on voyait Jésus Christ dans un médaillon dont on ne voit plus que le bas. Le reste a été brisé quand a fait la fenêtre moderne comprise entre les deux piliers.
A l'intérieur du narthex, les boudins ou arceaux de la voûte se composaient de pièces alternativement arrondies et chargées de cannelures concaves.
Le portail qui sépare l'église du narthex est orné d'abord de deux boudins très-saillants et d'un rang de moulures que j'ai trouvées souvent en Poitou, mais jamais en Normandie.
M. Georget, curé d'Airvault, homme très-éclaire et qui comprend l'intérêt qu'offre le monument, m'a promis d'en faire faire de bons dessins. D'après ses renseignements, l'édifice aurait été fondé vers la fin du XIe siècle, et la consécration en aurait eu lieu à peu près en 1100. Il croit que les cendres de la fondatrice qui avaient d'abord été déposées dans une autre église ont été transférées dans celle-ci au XIIe siècle. D'après ces traditions, M. le curé d'Airvault semble porté à regarder le curieux tombeau que j'ai dessiné et fait graver sur une des planches de la 6e. partie de mon Cours, comme étant celui de la fondatrice.
L'église d'Airvault était celle d'une abbaye dont le cloître était accolé à l'édifice du côté du midi. On voit encore à l'est du préau et faisant suite au transept méridional, les restes de la salle capitulaire et d'un bâtiment dont elle faisait partie. On entrait du cloître dans cette salle par trois arcades cintrées dont l'une (celle du centre) était plus élevée que les deux autres. Cette disposition se rencontre d'ailleurs dans plusieurs autres salles capitulaires du XIIe siècle, notamment dans celle de Saint-Bavon de Gand qui, par parenthèse, est placée absolument de même, c'est-à-dire dans la partie Est du cloître et en ligne du transept méridional de l'église abbatiale.
Une grande partie des galeries du cloître d'Airvault avait été établie ou refaite au XVe siècle, comme on peut le voir par les traces qui subsistent. On fit, à cette époque, quelques mutilations aux contreforts de l'église pour l'établissement de la galerie claustrale.
L'église d'Airvault construite à mi-côte se trouve engagée profondément dans les terres du côté du nord ; il me paraît nécessaire de faire des travaux qui assainissent l'édifice et le préservent de l'humidité.
Source : Bulletin monumental par Société française d'archéologie 1840.
Ouvrage commercial complémentaire : Se Souvenir d'Airvault Ce Livre retrace l'évolution des lieux et ce qu'ils sont devenus à l'heure d'aujourdhui.