Chapelle de Kerfons-en-Kerfaouës

Élégant édifice de la renaissance, la chapelle de Kerfaouès ou Kerfons, grâce aux efforts d'un archéologue zélé, M. Gaultier du Mottay, a put échapper à une destruction certaine. Mais depuis la mort de son protecteur, ce monument, resté jusqu'ici intact, est de nouveau menacé, déjà les beaux arbres du planitre ont été abattus, et l'antique demeure du chapelain, qui conservait encore son escalier extérieur et ses portes ogivales a boiseries sculptées, a été démolie. Aujourd'hui, sur son emplacement s'élève une maison banale dont les murs, d'un blanc criard contrastent de la façon la plus discordante avec l'architecture délicate de la chapelle.

Kerfons fut construit en 1559, comme nous l'indique cette date inscrite sur un contre-fort, et le buste du fondateur, portant le costume du XVIe siècle surmonte l'entrée seigneuriale. Nous empruntons au Répertoire archéologique des Côtes du Nord, de M. Gaultier du Mottay, le passage suivant, qui donnera une idée de la richesse ornementale de Kerfons.

« A l'intérieur, frise à rinceaux, lambris en bois avec tirants, entraits et poinçons décorés de sculptures et de cariatides quatre autels en pierre, également de la renaissance. Le transept sud rappelle l'architecture de Saint-Eustache de Paris. Près de l'autel majeur, une crédence formant tombeau, sur laquelle on lit LAN M. DC. XXXIII FVT ENTERRE NOBLE DEMOISELLE FRANCOISSE DE LA TOVCHE (Limouzinière). Sur une autre crédence ou tombeau, on croit lire, parmi quelques mots gothiques fort avariés, les noms de Margillie Goulamelarge. Tous les détails de cette chapelle, cependant remarquables, disparaissent devant le magnifique jubé qui sépare son chœur de la nef. Ce monument, formant chancel, est porté sur de légères arcades, dont les pieds droits, les archivoltes et les chapiteaux fouillés avec un soin extraordinaire, renferment les réseaux flammés servant, de grille. L'arcade centrale, formée par une porte à deux battants et à panneaux ajourés. sert d'entrée au chœur. L'escalier en encorbellement conduisant à la plate-forme est remarquable par sa hardiesse et la variété de ses ornements : sur cette plate-forme, un pupitre, des escabeaux et sièges en chêne couverts de sculptures. La partie principale de ce jubé, qui porte des traces de dorure, présente aux yeux, du côté de la nef, une galerie abritant les apôtres dans des niches formées de feuillages et de rinceaux, soutenues par une niche également en feuillages, vers laquelle aboutissent les nervures de la petite voûte du chancel. A la jonction de ces nervures se détachent des pendentifs en formes d'anges, a robes flottantes et les ailes étendues, tenant tes uns des écussons effacés, les autres les instruments de la Passion.

Au-dessus de l'entablement, qui couronne la galerie des apôtres s'élève un crucifix, aux pieds duquel sont debout les figures de la sainte Vierge et de saint-Jean. Toutes ces figures ont de 70 à 90 centimètres de hauteur.

Dans le pave. plusieurs pierres tombâtes portent des écus burelés ou fascés reproduits dans la verrière ou plutôt dans les débris de verrière existant dans la baie ouverte au-dessus du maitre autel. »

Par leur forme ovale et leur ornementation, ces écussons, chargés de fasces ou de burelles, semblent remonter au XVIIe siècle et porter les mêmes armes qu'un fragment de verrière ou est figuré un écu ovale bureté de gueule et d'argent. Ce blason pourrait peut-être concerner les Quelen, qui étaient, seigneurs de la Vieille-Motte, paroisse de Tonquédec et de Kerhervé, qui dépend, comme Kerfons, de la paroisse de Ploubezre. Une autre pierre tumulaire est armoriée de trois fasces, reproduites en bannière sur le calvaire du placitre qui, par son style, semble contemporain de la chapelle. On pourrait attribuer ces armoiries, soit aux Coatarel, possessionnés dans Ploubezre, soit aux Kerimel, seigneurs de Coëtfrec, soit enfin aux Trogoff, sieurs de Kerloaz-en-Plouiec'h et de Coatalio, paroisse de Kermaria-Sular.

Citons enfin deux autres écussons qui décorent la verrière de Kerfons.

L'un sommé d'une couronne de marquis est de sable à la croix d'argent; cantonnée de quatre pièces dont nous n'avons pu définir la forme très effacée. Les Grignart de Champsavoye qui, par leur alliance avec les Bégasson à la fin du XVIIe siècle possédaient des terres considérables dans l'évêché de Tréguier, portaient de sable à la croix d'argent, cantonnée de quatre croissants de même. L'autre, en bannière, est écartelé. Les deuxième et troisième quartiers, qui seuls subsistent, portent palé d'argent et d'azur et fascé d'argent et de gueules. Ces armes qui rappellent celles des Rosmadec-Molac et des Trogoff, pourraient être, selon nous, les fragments du pennon d'armoiries de Mathurin de Rosmadec, fils de Claude, sieur des Chapelles, et de Bertrande de La Vallée-Saint-Jouan.

Ce personnage épousa, en 1608, Jeanne de Trogoff, dame de Pontgolo. Dans l'hypothèse très acceptable d'une confusion des places que doivent occuper régulièrement les quartiers de ces armes, nous pensons qu'ils pourraient être rétablis et complétés dans l'ordre suivant 1° palé d'argent et d'azur de 6 pièces, qui est Rosmadec-Molac 4° d'argent à 3 fasces de gueules, qui est Trogoff.

Les deux autres quartiers, remplacés aujourd'hui par des verres blancs, auraient pu reproduire au 2° les armes maternelles de Mathurin de Rosmadec, de sable à 3 poissons d'argent posés en fasces l'un sur l'autre. qui est la Vallée-Saint-Jouan, au 3° celles de sa grand mère, qui était du Chastel fascé d'or et de gueules de 6 pièces.

Source : Bulletin monumental publié sous les auspices de la Société française pour la conservation et la description des monuments historiques et dirigé par M. de Caumont 1887.