Ancienne abbaye

Troarn, Troarnum, Troardum, Truardum , Trouard, bourg et chef-lieu de canton sur la Live.

L'église paroissiale est moderne ; mais quelques parties des murs latéraux doivent avoir été conservées d'une construction plus ancienne. M. Guy a élevé il y a peu d'années, à l'extrémité occidentale de la nef, une tour qui offre le mélange du type roman et du style ogival. L'église est sous l'invocation de la Ste.-Croix.

L'abbaye nommait à la cure et percevait les dîmes.

Anciennement il existait une seconde église dédiée à saint Gilles.

Abbaye de Troarn

Troarn doit son importance à l'abbaye de St.-Martin. En 1022 , Roger de Montgommery , vicomte d'Exmes, fonda à Troarn une collégiale, et, vers 1048, son Gis transforma cette collégiale en abbaye, sous l'épiscopat de Hugues, évêque de Bayeux.

Le premier abbé du monastère, Durand, entra en fonctions l'an 1059 ; la même année, l'église fut dédiée par Odon , frère de Guillaume-le-Conquérant, évêque de Bayeux.

M. l'abbé Laffétay, membre de la Société française pour la conservation des Monuments, m'a remis, il y a quelque temps, un mémoire sur l'abbaye de Troarn dont je vais citer quelques passages. Les détails consignés dans cette notice ont été puisés dans un manuscrit de 275 pages, qui existe à la mairie de Troarn et qui a pour titre : Inventaire général des chartes et litres des fondations, dotations, possessions, droits et privilèges de l'abbaye de St.-Martin de Tronar, ordre de St.-Benoit, diocèse de Bayeux.

Ce manuscrit indique avec une minutieuse exactitude le lieu précis qu'occupaient dans le chartrier les pièces originales dont il constate l'existence et qu'il analyse presque toujours en les énumérant. Il est du 17e siècle ; car on lit a la première page, qu'il a été dressé par Dom Alberic Vienne, prêtre sacristain de ladite abbaye, sur l'ordre de M. de Sourches, grand prévôt de France, père de l'abbé qui possédait alors le monastère ; or, on sait que M. de Sourches le posséda depuis 1613 jusqu'en 1677.

« En 1193, dit M. Laffétay, l'abbaye de St.-Martin réunit à la baronnie de Trouar celle de Robehomme, celle-ci lui fut donnée par Jean, comte d'Alençon, fils du fondateur. Toutes les chartes de fondation lui avaient conféré le droit de basse et moyenne justice sur tous ses sujets et tenants de quelque qualité qu'ils fussent; et c'est un fait digne de remarque que la charge de sergent royal de Trouar était noble et héréditaire, et qu'elle avait été exercée par des personnes d'une haute extraction. »

« Je ne m'étendrai pas sur l'énumération des vastes domaines dont l'abbaye fut dotée par ses riches et puissants bienfaiteurs. L'inventaire nous apprend qu'ils consistaient en herbages, prés, marais, rivières, pesches et pescheries, bois et bocages, chasses et garennes de toute sorte , foires, tripot, etc. ; l'abbaye possédait plusieurs saliues à Varaville et à Salleuelles. Ces établissements étaient des donations confirmées à différentes époques par les rois d'Angleterre, ducs de Normandie. »

« On se rappelle ces temps désastreux, où Henri V, roi d'Angleterre, se flattait de conquérir la France dont il avait usurpé la couronne ; ses généraux et ses armées sillonnaient en tous sens notre pays dévasté, et Talbot, le plus célèbre d'entre eux, conduisait à Caen un corps de troupes pour réduire la ville à l'obéissance. En ce temps-là le monastère de Trouar avait pour supérieur l'abbé Robert qui entreprit de tenir tète à l'ennemi, au moins de retarder sa larche triomphante. En conséquence, ordre fut donné aux vassaux de l'abbaye de rompre le pont de St.-Samson sur la Dive qui fermait le passage à l'Anglais. Cette courageuse, mais inutile résolution, coûta cher à l'abbaye. La Dive fut passée, le monastère pris d'assaut et mis au pillage, les bâtiments furent en partie ruinés, et grand nombre de ses titres périrent dans les flammes. Dans la suite la fortune s'étant ralliée à nos drapeaux, l'abbé Robert, qui avait cédé prudemment à l'orage, revint avec trente de ses religieux relever les ruines de l'abbaye. Le roi Charles VII, avec lequel il eut une entrevue, lui témoigna sa bienveillance et son estime. »

« Au reste, les Anglais ne furent pas les seuls adversaires contre lesquels luttèrent les abbés de St.-Martin, les officiers de l'évêque de Bayeux rencontrèrent quelquefois de ce côté une vigoureuse résistance dans l'exercice de leurs fonctions. Il est vrai que la bulle de fondation accordée par le pape Innocent II, l'an 1111, confirmait les biens présents et à venir du monastère, ainsi que son patronage sur les églises contenues dans la circonscription de son territoire sous la restriction d'usage : saLvà dioceumorum episcoporum canonicâ justifié. Et quatorze autres bulles de différents papes concernant la discipline et les droits du monastère, contenaient cette formule ou autre semblable ; mais un bref d'Innocent Fil avait déclaré les églises du prieuré de Trouar ab episcopali juridiciione per amicabilcm compositionem exemptas. Cette transaction amicale eut lieu en 1169 entre l'évêque de Bayeux et l'abbé de Trouar à l'effet de fixer réciproquement les limites de la juridiction ; cependant la lutte s'engagea plus d'une fois sur ce terrain, des actions furent intentées et soutenues de part et d'autre devant le bailliage, la sénéchaussée et le parlement : plusieurs cases du chartrier suffisaient à peine pour contenir les nombreux dossiers de ces immenses procédures.

« Il faut avouer que la juridiction des évêques de Bayeux était singulièrement restreinte par celle des abbés qui nommaient à tous les bénéfices dépendants du prieuré de Trouar, en sorte, dit le manuscrit, que les titulaires de ces différentes cures n'étaient que les vicaires perpétuels de l'abbé. Les redevances annuelles qui avaient été consenties à la charge du monastère devenaient une source intarissable de contestations; et les abbés de St. Martin qui avaient le droit de porter les ornements pontificaux dans tous les lieux de leur juridiction, de donner la bénédiction solennelle partout où il ne se trouvait ni légat ni évêque, mettaient autant d'ardeur à défendre leurs droits qu'à étendre leurs privilèges. Ce dernier leur avait été accordé par le cardinal légat d'Avignon au nom du souverain pontife en 1456. En reconnaissance de cette faveur, tant que le pape fit son séjour à Avignon ou dans quelqu'autre ville en deçà des monts, l'abbé de Trouar fut obligé chacun an d'aller lui faire la cour, à moins qu'il n'en fut légitimement empêché, et dans ce cas il devait solliciter une dispense qui lui était accordée par le chambrier (le camerier) du pape.

« Tels sont les faits les plus intéressants qui m'ont frappé dans le manuscrit. En vain j'y ai cherché la description du monastère et en particulier celle de l'église. Je n'ai recueilli que quelques détails insignifiants. C'est ainsi qu'il est fait mention d'une sentence du bailly de Caen (1565) ordonnant le rétablissement du cloître, des vitres de l'église et du chapitre, de la chaire du choeur et du chapitre, après la ruine et pillage de l'abbaye par les calvinistes de Caen. On y voit également qu'après la dévastation du monastère par les Anglais, l'abbé Robert fit recouvrir le grand clocher en plomb et rétablir le cloître et les granges, mais pour le reste, il faut se borner à des souvenirs.

« L'église qui, dit-on, avait près de 200 pieds de longueur est entièrement détruite. Le cimetière est maintenant une cour plantée d'arbres à fruits. Il paraît qu'en remuant la terre à une certaine profondeur, on a trouvé récemment des cercueils en pierre qui renfermaient des cadavres assez bien conservés. On a respecté ces tombeaux.

« Le chartrier qui fermait ainsi que l'église un des côtés du cloître subsiste eu partie. Il a été converti en bâtiment d'exploitation, et quoique percé d'un grand nombre d'ouvertures plus ou moins irrégulières, il conserve cependant encore un caractère monumental.

« D'un côté, la maçonnerie en arêtes de poisson, et quelques cintres surbaissés dont la forme se dessine encore sur le mur, malgré le moellon qui les remplit, sont les seules traces d'architecture que l'on y découvre. Mais du côté opposé, une des anciennes fenêtres a échappé aux nombreuses mutilations qui ont ôté à l'édifice sa première physionomie. »

Ces ont des ogives géminées encadrées dans une autre ogive. L'archivolte de celle-ci se compose de plusieurs cannelures reposant sur des colonnettes ; elle est ornée près du bord extérieur, d'un charmant chapelet de ces fleurs crucifères qui, évidées en-dessous, ne tiennent que par l'extrémité de leurs pétales et que nous trouvons au 13e siècle dans plusieurs églises du Calvados.

Ces fenêtres, dont le dessin ci-joint donne une idée bien imparfaite, peuvent être du 13e ; toutefois je ne serais nullement surpris qu'elles n'eussent été faites qu'au commencement du 14e : le 14e siècle paraît en effet convenir au bâtiment dans lequel elles se trouvent, et même les parties de l'édifice, orientées au sud, ne sont probablement que du 15e.

Au-dessous de l'appartement éclairé par les belles fenêtres précédentes est une salle voûtée que l'on assure avoir été la salle du chapitre; au milieu se dresse un pilier cylindrique où viennent aboutir tous les arceaux. Les murs sont soutenus extérieurement par des contreforts qui s'élèvent jusqu'au toit.

M. Laffétay décrit ainsi l'entrée principale du monastère qui, comme je l'ai dit, est à présent à Banneville et dont voici le dessin.

« C'est, dit-il, un portique voûté semblable à ceux qui précèdent ordinairement le portail de nos églises gothiques. On passe sous une belle arcade qui peut avoir 9 à 10 pieds d'ouverture à la naissance de l'ogive. Celle-ci est régulière, je veux dire qu'elle a les proportions d'un triangle équilatéral. L'archivolte et la plupart des arceaux, qui dessinent la voûte, s'appuient sur de maigres colonnes disposées en faisceau, et dont le fût saillant aux trois quarts environ semble tapisser les massifs qu'elles recouvrent.

D'autres arceaux n'ont pour point de départ et pour appui que des encorbellements. Ces encorbellements offrent des têtes assez bien modelées et dont l'expression n'est pas trop grimaçante : l'une d'entre elles m'a frappé par la délicatesse avec laquelle la chevelure est ciselée.

« Le portique est adossé à des appartements dont le plancher descend à peu près au milieu de l'arcade du fond, et est soutenu en cet endroit par le cintre d'une porte très-basse. Au-dessus de cette porte une console et un dais richement sculptés indiquent la place d'une statue qui pouvait avoir deux pieds et demi de haut. En dehors du portique, au-dessus de l'arche principale, un cadre de 2 pieds carrés, formant saillie sur le mur, enfermait autrefois les armoiries du fondateur ou celles de quelque puissant abbé. L'écusson en forme de pentagone a été gratté ainsi que les deux animaux qui le soutenaient, l'empreinte seule en est restée. Il était surmonté d'un petit cordon de pierre, simulant une ogive trilobée qu'accompagnent deux petits pinacles à flèche très-aiguë. Tout ceci était renfermé dans l'intérieur du cadre. Mais ce qui donne surtout à cette entrée un caractère majestueux, ce sont quatre piliers rectangulaires disposés symétriquement qui, s'élevant deux à deux de chaque côté du portique, se terminent en forme de clochetons. Les deux plus élevés font saillie de toute leur épaisseur sur le plan de l'édifice ; ils sont aussi les plus rapprochés de l'arcade. En avant de ces piliers se remarquent des dais ou couronnes ne tenant que d'un côté au mur qui les supporte. Ces dais surmontent des niches destinées à recevoir des statues et sont ciselés à jour avec beaucoup d'élégance. Quand on observe de près les détails de ces ciselures, on voit que les différentes modifications lie l'ogive à trois lobes en forment pour ainsi dire la base et le caractère dominant.

A 12 pieds environ au-dessus du sol les quatre piliers se terminent par une corniche qui sert en même temps de piédestal aux clochetons ; au-dessous de cette corniche serpente une branche de vigne d'une rare beauté et d'une conservation parfaite. Les clochetons se détachent entièrement du portique au-dessus duquel ils s'élancent. Ils se composent d'une colonne terminée par une pyramide à quatre faces. L'intersection des faces n'offre point d'arêtes vives, mais de gros cordons de pierre. L'ogive trilobée se retrouve encore sculptée sur le fût de ces obélisques avant la naissance de la pyramide. »

J'ajouterai à cette description, d'ailleurs fort exacte, que rien n'est plus caractéristique du 14e siècle, que cette jolie porte dont tous les détails, notamment la belle guirlande de feuilles de vigne, sont remarquablement bien travaillées.

Les maisons sur lesquelles elle était appliquée sont aussi du 14e, et je crois, à en juger par ce qui reste de mieux caractérisé dans les bâtiments de l'abbaye, qu'une grande reconstruction y avait eu lieu à cette époque.

Les Montgommery ayant reçu de grandes possessions en Angleterre après la conquête, firent des donations à l'abbaye de Troarn dans ce pays ; en 1262, l'abbé de Troarn échangea les possessions qu'il avait en Angleterre contre celles que le prieur de Brewlon possédait en Normandie ; il devint par là chanoine-né de Coutances, titre qui appartenait au prieur de Brewton.

En 1296 , Odon Rigault fit la visite de l'abbaye de Troarn ; il y trouva 44 religieux qui jouissaient de 3000 livres de rente, somme égale à 54677 livres 6 sous de notre monnaie.

Le revenu total était estimé à plus de 100,000 livres au siècle dernier. L'abbaye de Troarn possédait un assez grand nombre de patronages d'églises ou de chapelles (55 bénéfices).

Source : Statistique monumentale du Calvados par Arcisse Caumont.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 13916
  • item : Ancienne abbaye
  • Localisation :
    • Basse-Normandie
    • Calvados
    • Troarn
  • Code INSEE commune : 14712
  • Code postal de la commune : 14670
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : abbaye
  • Etat :
    • Etat courrant du monument : vestiges (suceptible à changement)

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 13e siècle
  • Date de protection : 1921/04/30 : classé MH
  • Date de versement : 1993/11/22

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Ancien portail : voir château de Banneville la Campagne (notice Mérimée PA00111030).
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de l'etat 1992
  • Détails : Restes de l' ancienne abbaye, consistant en un bâtiment rectangulaire (cf plan annexé à l' arrêté) : classement par décret du 30 avril 1921
  • Référence Mérimée : PA00111767

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

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