photo : Roi Dagobert
Le Cicérone : Tout ce côté droit de la rue de Falaise que vous voyez ouvert au commerce ne présentait, en 1791, qu'une terrasse surmontée d'un mur de 365 pieds de longueur. Il s'étendait depuis l'ancienne église jusqu'à la place dite autrefois Monfleuri, aujourd'hui St.-Denis, et que j'appellerais volontiers Ainard. Ce nom réveillerait du moins des souvenirs historiques.
La rue de l'Eau, que voici, s'appuie sur la rivière. Les tanneries se trouvent à gauche ; mais avant de nous en approcher, jetez les yeux sur cet antique manoir, que l'on nomme la Cour L'ELu.
Il en est qui le croient d'origine anglaise et le reportent au quinzième siècle. Je pense, moi, qu'il ne remonte pas au-delà de François Ier. Ces fenêtres coupées en croix, cette porte au linteau ciselé, ces clochetons aux quatre angles, ces cordons saillants, tout ce travail de sculpture m'annonce le XVIe siècle et le temps des Valois.
Ce manoir a bien perdu de son éclat. Dès avant la Révolution, c'était la demeure de l'intendant des moulins de l'abbaye ; aujourd'hui on en fait un dépôt de tan. On dirait qu'il expie dans l'oubli l'orgueil de son ancienne splendeur. Mais entrez, et voyez comme le travail de l'intérieur est soigné. Et ces têtes fantastiques qui tiennent la poutre entre leurs dents, comment vous semblent-elles ?
Edouard : Je les trouve des plus curieuses. On les prendrait assez volontiers pour des têtes de crocodile, sans leurs larges oreilles, leur mufle allongé, et surtout l'espèce de couronne que les dards de leurs sourcils forment sur leurs yeux.
Le Cicérone : La chambre n'offrait de bien remarquable que la cheminée, dont le manteau chargé de grosses torsades s'avançait de plusieurs pieds dans l'intérieur : je suis fâché de ne pouvoir vous en offrir un croquis.
Source : Le Cicérone de Saint-Pierre ou Recherches historiques sur Saint-Pierre-sur-Dives par J.M. BUREL