Ancienne abbaye d'Ardenne

Les restes de l'abbaye d'Ardenne sont encore imposants; on entre dans la première cour par deux portes, l'une cintrée et assez large pour les charrettes, l'autre en ogive et beaucoup moins grande, pour les gens de pied. Cette entrée dont la corniche est garnie de dents de scie peut dater de la fin du XIIIe siècle ou du XIVe. La cour est entourée de bâtiments divers d'une date peu certaine; à l'extrémité, du côté gauche, on en voit un plus considérable, très-simple extérieurement, ayant à l'intérieur des colonnes cylindriques comme une église, et servant aujourd'hui de grange: les ouvriers de la ferme rapportent qu'on y a célébré l'office pendant que l'église était en construction (Ce qui semble confirmer celte tradition, c'est qu'il existe encore au-dessus du pignon un tourillon à jour pour suspendre une petite cloche). Il est possible qu'il ait servi momentanément d'église, mais il est probable aussi que cet édifice a été élevé pour l'usage auquel il est encore aujourd'hui destiné; les abbayes avaient souvent de grandes constructions pour loger le blé des dîmes.

Les bâtiments claustraux qui avaient été reconstruits en grande partie peu de temps avant la révolution et que j'ai vu détruire il y a 15 ans, formaient avec l'église une seconde enceinte.

L'église assez élevée se compose d'une nef avec bas-côtés, sans transept et sans tour, flanquée seulement de tourelles aux quatre angles. Ainsi que je l'ai dit dans mon histoire de l'architecture, on peut la regarder comme un échantillon des XIIIe et XIVe siècles, mais diverses parties sont moins anciennes. Je trouve en effet dans le cartulaire, que la construction, commencée dans le XIIIe siècle, fut poursuivie avec ardeur par l'abbé Jean Le Blond, élu en 1297 et mort en 1324. Cet abbé ne termina pas complètement l'église.

La facade est surtout remarquable ; je la crois en grande partie du XIVe, mais la grande rose est évidemment postérieure, elle appartient au style flamboyant le mieux caractérisé et ne saurait guère être antérieure à la 2e moitié du XVe.

Les trois portes sont probablement ce qu'il reste de plus ancien dans la façade ; elles pourraient dater de la fin du XIIIe, si elles ne sont pas du XIVe.

Celle qui correspond à la grande nef est, selon l'usage, plus grande et plus riche que les autres; les colonnes qui en garnissent les parois latérales sont disposées sur deux rangs; les unes, faisant saillie sur d'autres plus petites qui supportent des arcatures tapissant la muraille. Cette disposition se rencontre assez fréquemment dans le Calvados aux XIIIe et XIVe siècles.

Entre les ogives des arcatures du second plan, on voit des trèfles au milieu desquels sont figurées des têtes qui par leur Attitude semblent regarder ce qui se passe sous le portail de l'église.

Les chapiteaux des colonnes détachées du premier rang se marient avec une frise garnie de feuillages, sur laquelle reposent les moulures de l'archivolte.

Ce portail avait été peint; la couleur verte est encore très visible. Le tympan a été maladroitement endommagé par suite de l'agrandissement de la porte.

Les deux petites entrées qui correspondent aux ailes sont plus simples, mais d'une forme très-élégante. Trois colonnettes tapissent chaque paroi et supportent les tores des voussoirs; le tympan est orné d'une rosace.

Les bases fort élégantes et dont nous avons quelques exemples dans le Calvados offrent un premier tore très-épanoui sur lequel repose un second tore ou un listel, couvert de petites moulures.

Ce genre de base se rencontre quelquefois au commencement du XIVe siècle et dans la 2e moitié du XIIIe.

La vue perspective x de la façade, que j'ai jointe à cette description, en montre l'ordonnance générale. On y remarquera la rose dont j'ai déjà présenté l'esquisse plus détaillée, les arcatures placées en-dessous et formant, combinées au dessin de cette rose, une grande fenêtre ogivale; enfin, à la base du gâble, une galerie ou balustrade dont chaque entre-colonnement est couronné d'un fronton triangulaire fort aigu orné de trèfles et de quatre-feuilles. Cette partie supérieure de l'édifice semble du XIVe, bien que la rosace inférieure soit dans le style du XVee, comme nous l'avons dit.

Les deux escaliers qui flanquent et encadrent du haut en bas la façade devaient être couronnés de clochetons qui auront été détruits.

Les murs latéraux de la grande nef montrent, au-dessus du toit des bas-côtés, des fenêtres assez simples, subdivisées en deux baies.

L'entablement est garni de dents de scie, ornement qui se rencontre très fréquemment dans le Calvados, au XIIIe siècle et dans le XIVe.

Le cloître moderne de l'abbaye, détruit de nos jours, était accolé à l'église du côté du sud ; les moines pouvaient venir à l'office à couvert : on voit encore dans le bas-coté méridional , la porte par laquelle ils entraient.

A l'intérieur, l'élévation de la grande nef est divisée en deux ordres, savoir : des arcades qui communiquent aux bas-côtés et des fenêtres ogivales subdivisées en deux baies, placées au-dessus. Il n'y a pas de triforium entre ces deux ordres, mais seulement une galerie de quatre-feuilles. Les arcades ogivales entre la grande nef et les bas-côtés, sont portées sur des colonnes cylindriques dont les bases reposent sur un socle ou piédestal. Quatre colonnettes cantonnées en croix s'appliquent sur ce fût principal, mais trois d'entre elles s'arrêtent au chapiteau de la colonne centrale : il n'y a que la colonnette de face (celle qui occupe le centre de la colonne du côté de la grande nef) qui s'élève jusqu'à l'épanouissement des arceaux de la voûte.

Des reprises diverses s'observent dans l'édifice, et l'on sait que l'Abbaye a éprouvé des malheurs à plusieurs époques; on sait aussi qu'au XIIIe siècle, la voûte du chœur s'écroula et écrasa l'abbé et 25 religieux pendant qu'ils célébraient l'office.

Dans le XIVe siècle les réparations de l'église avaient considérablement endetté l'abbaye.

Dans la seconde moitié du même siècle, les guerres des Navarrois la mirent dans l'état le plus déplorable : isolée dans la campagne, elle était continuellement exposée au pillage; les moines prirent le parti de se réfugier à Caen.

Dans le XVIe siècle, les guerres de religion entraînèrent de nouveaux malheurs. L'église fut pillée, les meubles enlevés, les revenus confisqués.

Une partie de la voûte qui a été détruite, je ne saurais dire à quelle époque, est seulement réparée avec des planches assemblées comme les pièces d'un tonneau: les culs-de-lampe ou pendentifs qu'on observe dans cette partie sont aussi en bois.

Avant la révolution, l'abbé De La Rue avait copié dans le chœur l'inscription tumulaire d'un Henry de Tilly, seigneur de Fontaine-Henry; je n'ai pas retrouvé cette inscription, mais le blé et la paille dont une partie de l'église était encombrée toutes les fois que j'y suis allé l'a peut-être dérobée à mes regards. La voici telle que l'abbé De La Rue l'avait copiée:

CI GIST MONS. JEHAN DE TILLY QUI TRÉPASSA L'AN DE GRACE MIL III CENS XX LE MERCREDI EMPREZ LA TOUZ SAINS DEX PAR SA GRACE METE L'AME DE LUI EN PARADIS AMEN.

On voit par les chartes d'Ardenne que la famille de Tilly avait fait différentes donations à l'abbaye; plusieurs des ancêtres de Jean de Tilly, dont il est question dans l'inscription précédente, avaient eu pendant longtemps leur sépulture a Ardenne ; il en était de même de plusieurs autres familles anciennes du pays telles que les d'Aignaux , seigneurs de St Contest, les Meulent, seigneurs de Courseulles, les Coustellier, seigneurs de Petiville, etc.

Les bâtiments de l'abbaye d'Ardenne encore subsistants forment aujourd'hui deux corps-de-ferme dont l'un appartient aux héritiers de feu M. de Rheinhard, pair de France, membre de l'Institut .

Source : Statistique monumentale du Calvados par Arcisse de Caumont 1846.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 13577
  • item : Ancienne abbaye d'Ardenne
  • Localisation :
    • Basse-Normandie
    • Calvados
    • Saint-Germain-la-Blanche-Herbe
  • Code INSEE commune : 14587
  • Code postal de la commune : 14280
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : abbaye
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 4 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 13e siècle
    • 16e siècle
    • 17e siècle
    • 18e siècle
  • Type d'enregistrement : site classé
  • Dates de protection :
    • 1918/08/28 : classé MH
    • 1947/10/21 : classé MH
  • Date de versement : 1993/11/22

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Site archéologique : 14 587 2 AH.
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :20 éléments font l'objet d'une protection dans cette construction :
    • élévation
    • toiture
    • salle
    • décor intérieur
    • porte
    • ferme
    • cuisine
    • grange
    • écurie
    • conciergerie
    • enclos
    • boulangerie
    • église
    • remise
    • logement
    • bergerie
    • étable
    • BATIMENT
    • port
    • TABLE
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété d'une personne privée 1992
  • Détail :
    • Eglise
    • porte nord
    • mur d' enceinte
    • grange
    • porterie ouest : classement par arrêté du 28 août 1918
    • Anciennes remises et écuries de ferme
    • logement pour les pauvres passants
    • bergeries, étables, logement du fermier
    • façades et couvertures du bâtiment dit cuisine et boulangerie
    • salle voûtée en sous-sol
    • deux salles situées aux extrémités nord-ouest et sud-ouest de ce bâtiment : classement par arrêté du 21 octobre 1947
  • Référence Mérimée : PA00111675

photo : michel

photo : michel

photo : michel

photo : michel

photo : michel

photo : michel

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies

photo : Pascal-Jean Rebillat Photographies