Manoir le Logis

L'art des étymologies est très-conjectural. Nous trouvons deux explications du mot Noron, et peut être n'avons-nous pas rencontré la véritable.

Les mots de Nôrie, Noerie, Noerais, indique un lieu bas, marécageux, une crue d'eau, une abondance d'eau. Tout le village de Noron est garni de sources qui remplissent les chemins, et les rendent presque impraticables. La principale rue est comme un ruisseau, et les gens de pied ne peuvent marcher que sur un exhaussement ménagé de chacun des côtés, en forme de trottoir. Noron, dans le principe, a donc pu indiquer un lieu noyé d'eau, couvert d'eau. Ce sens n'offre rien de déraisonnable.

Huet, dans ses Étymologies a, donné au mot de Noron une autre origine, et celle-là nous semble plus forcée que la première ; selon lui, c'est de noix, nucetum, nuceretum, nucalia, que viennent les noms donnés à Noron, Norrey, Nocey, etc. C'étaient des lieux couverts de noyers. Si cette origine est juste, ces mots, on doit l'avouer, ont été fortement détournés de leur sens primitif.

Abordons les faits historiques qui se rattachent à cette commune :

« L'an de l'incarnation de N. S. J. C. 1074, au temps de Guillaume-le-Grand, roi des Anglais et duc des Normands, un chevalier Guillaume, surnommé Pantou (Pantol), par le conseil du vénérable abbé Mainier, son ami, et du consentement du comte Roger, son seigneur, donna à St.-Evroult les églises de Noron, dont l'une est construite en l'honneur de S. Pierre, et l'autre en l'honneur de S. Cyr, martyr. Il donna en même-temps toute la dîme de Noron, son propre plessis (ou parc), une partie de la forêt du Pont-Ogeret, sa part d'une terre nommée Molenx (Moulins ou le Moulin), et d'une autre terre qui est au-delà du torrent, et que l'on nomme vulgairement Ruplices (lieux nouvellement cultivés). Il concéda ensuite tout le fief de Guillaume de Maloi, qui contenait environ trente acres de terre, et il en reçut 16 livres rouennaises pour entreprendre le voyage de Saint-Gilles ; il céda de plus à Saint-Pierre toute la terre que Gauthier, fils de Rufa, avait vendue au moine Robert, et il en reçut de ce moine 100 sols rouennais ; enfin, le même Guillaume donna aux moines, sur le même domaine, soixante acres de terre, le moulin du Helmet (Hommet), et la dîme de la moitié du moulin de Noron, etc Peu de temps après, Guillaume concéda en outre à St.-Pierre de Noron toutes les églises et la dîme de tous les lieux qui viendraient à lui échoir en Angleterre, en Normandie et partout ailleurs. Il donna la dîme de toutes ses possessions, tant en chevaux, vaches, fromages, qu'en toute toute espèce d'objets dont la dîme pouvait se recueillir. Il abandonna pareillement tout ce qu'il plairait à ses hommes (ses vassaux ) de donner à Saint-Évroult, se réservant toutefois le service personnel qui lui était dû. Enfin, il donna toute une partie de son bien de manière à ce qu'une moitié dût appartenir, après sa mort, aux moines de St.-Évroult, et l'autre moitié rester aux moines de Noron.

« Voilà ce que Guillaume et Leéline, sa femme, donnèrent librement à Dieu pour le salut de leur âme et celui de leurs amis ; il confirmèrent cette donation dans le chapitre de St. - Evroult, en présence d'une assemblée de moines et de plusieurs témoins. Guillaume remit encore en ce moment quarante marcs d'argent entre les mains des religieux qui allaient partir pour jeter à Noron les fondements du monastère. »

C'est ainsi qu'Ordéric Vital, moine de Saint Évroult, raconte, dans son Histoire ecclésiastique, la fondation de l'abbaye ou prieuré de Noron. Guillaume Pantou était un guerrier qui avait eu occasion de s'illustrer dans les combats livrés par le duc Guillaume en Angleterre. Nous voyons ce chevalier cité parmi ceux qui reçurent dès le commencement des fiefs pour récompense, sur la terré conquise. Il était vassal des comtes de Bellême, et avait été obligé, comme nous l'avons vu, d'obtenir leur consentement quand il voulut faire ainsi l'abandon de ses domaines à l'église. Ordéric Vital dit que pour obtenir ce consentement, l'abbé, le prieur et Pantou se rendirent eux-mêmes à Bellême, où se trouvait le comte. Il céda de bonne grâce ; et Pantou, après s'être ainsi dépouillé, partit avec son neveu, Robert de Corday, pour la Pouilie, où les fils de Tancrède de Hauteville se signalaient alors par de grands exploits. Guiscard reçut le nouveau chevalier avec distinction, à cause de sa renommée, « le fit asseoir à sa table le jour de Pasques, et lui promit trois villes, s'il vouloit rester avec lui en Italie. »

Des circonstances imprévues empêchèrent Pantou de profiter des bienfaits du prince normand. Il avait eu, avant son départ, des démêlés avec Mabile de Bellême, et celle-ci, comme nous l'avons dit, s'était emparée de son château de Perai. Mabile périt par le fer d'un chevalier, Hugues de Saugay ; et comme c'était la nuit que le crime avait été commis, on ignora pendant quelque temps quel en était l'auteur, et les soupçons se portèrent sur Pantou qui s'était mis en route à cette époque pour l'Italie. Il apprit ce que l'on disait de lui, et comme il était innocent, il revint promptement pour se justifier. Il se réfugia d'abord dans l'abbaye de Saint-Évroult, et de-là il sollicita instamment un jugement public. Le roi accueillit sa demande, et arrêta « qu'il se rendrait à Rouen pour y subir, en présence du clergé, l'épreuve du fer chaud. Cette épreuve eut lieu ; l'accusé porta dans sa main un fer rouge, scintillans, et Dieu ne permit pas qu'il en fut brûlé. Le clergé et le peuple chantèrent sa aussitôt une hymne d'actions de grâces, et les ennemis de Pantou, qui étaient venus en armes à ce spectacle, afin de lui trancher la tête avec le glaive, si le jugement du feu venoit à lui être contraire, se retirèrent avec confusion. »

Les moines de St. - Évroult avaient témoigné un vif intérêt à leur bienfaiteur pendant cette longue affaire, et, pour reconnaître leur zèle, il leur fit de nouveaux présents. Il leur donna, entre autres, « quatre manteaux magnifiques qu'il avait rapportés de la Pouille. » Le bon historien dit qu'on en fit quatre chappes qui donnèrent un grand éclat au service divin dans l'église du monastère.

Quatorze ans plus tard, en 1092, après la mort du Conquérant, Pantou retourna dans la Pouille, et il en rapporta des reliques du bienheureux Saint Nicolas. « Il en fit le dépôt dans l'église de Saint Pierre de Noron, pour la décoration du lieu, et il donna aux moines un manoir qu'il possédait en Angleterre, nommé Traditon, ainsi que le moulin et l'église qui en dépendaient, avec la dîme de six autres villages. » Le dépôt des précieuses reliques se fit à Noron avec une pompe extraordinaire. « Robert, abbé de St.-Évroult, et Roger d'Escures, abbé de Séez, et depuis archevêque de Cantorbéry, s'y rendirent. Ils reçurent les restes du saint en présence d'un grand concours de moines et de peuple, et ils les déposèrent envsuite dans une châsse d'argent préparée par le généreux chevalier. Depuis ce temps, ajoute l'écrivain, on n'a cessé de les implorer arec succès dans les attaques de fièvre et dans les autres maladies Les mérites du bienheureux prêtre Nicolas ont toujours contribué à rendre la santé aux personnes qui les ont invoqués avec confiance. »

Chaque fois que le moine de Saint Évroult parle du chevalier Pantou, il le représente comme un véritable héros, comme un des personnages les plus marquants de son siècle. « C'étoit un guerrier vaillant, un esprit distingué, renommé dans toute l'Angleterre et dans l'Italie comme un des plus sensés et des plus riches d'entre ses compatriotes. » Dans les guerres qui éclatèrent en 1102, entre Henri Ier et Robert de Bellême, il rendit de grands services au monarque anglais. Ce fut lui qui fit rentrer sous son autorité les rois du pays de Galles, et qui porta ainsi le dernier coup au comte révolté, dont ils avaient jusque-là suivi la fortune avec une grande constance. On peut même dire, ajoute encore l'historien, que nul ne nuisit plus à Robert dans cette guerre que ce preux et vaillant chevalier ; il ne cessa de poursuivre le traître, de ses conseils et de ses armes jusqu'à ce qu'il l'eût entièrement abattu.

Ce fut en 1112, quarante ans après la fondation de Noron, que Pantou et Leéline, sa femme, vinrent à Saint-Évroult, pour y confirmer solennellement de nouveau toutes leurs donations ; leurs quatre fils y furent appelés, et, tous ensemble, ils déposèrent sur l'autel l'acte de concession. Pantou vécut encore quelque temps, comblant de biens les pauvres et le clergé. Il donna, entre autres, soixante marcs d'argent pour bâtir une nouvelle basilique à Saint-Évroult ; mais la mort l'empêcha de terminer ce grand ouvrage, et ses fils ne jugèrent point à propos à ce qu'il paraît, de concourir à son achèvement. Le corps du pieux chevalier et celui de sa femme furent déposés par les moines dans le cloître du monastère qu'ils avaient fondé. Parmi les personnages distingués qui avaient occupé ce couvent dans les quarante premières années de sa fondation, on en comptait quatre qui étaient devenus successivement évêques de Séez : Robert, Gérard, Serlon et Jean ; d'autres encore, non moins renommés s'y étaient fait remarquer, Ils vivaient tous dans la crainte de Dieu, et donnaient au peuple l'exemple des vertus.

Le roi Henri Ier, par une charte solennelle en date du 11 novembre 1128, confirma les donations faites par le chevalier Pantou à l'abbaye de Saint-Evroult, dont Noron n'était qu'une dépendance. Cet acte est souscrit par onze témoins, parmi lesquels figurent Néel d'Aubigny, Guillaume de Sacy et Guillaume Bigot, tous personnages distingués de ce pays.

L'établissement du prieuré de Noron fut confirmé par une bulle d'Alexandre III, en date de 1159.

Les faits que nous venons d'exposer ne sont pas tous d'une bien haute importance, mais ils se rattachent en général à l'histoire du pays, et, sous ce rapport, nous devions les mentionner dans cet ouvrage. Ils sont très-propres d'ailleurs à donner une idée de l'époque à laquelle furent fondés presque tous les établissements religieux que nous trouverons successivement dans nos environs, et ils jetteront quelque variété sur le travail monotone que nous sommes tenus de présenter au public sur les temps actuels. C'est une bonne fortune pour le lecteur et pour nous de trouver ainsi à nous reposer dans un récit historique, quelque insignifiant qu'il puisse être ; l'imagination sort un instant du positif pour se rejeter dans les rêves du passé ; il y a toujours un intérêt dans ces vieilles histoires, auquel les âmes les plus froides ne peuvent elles-mêmes rester insensibles.

Nous ne rencontrons plus dans les écrivains postérieurs aucun nouveaux détails sur le prieuré de Noron, qui resta une modeste succursale de l'abbaye de Saint-Evroult. Le bienfaiteur étant mort, l'établissement ne prit plus d'accroissement, et quelques moines l'occupèrent seuls pour en recueillir les bénéfices, dont une partie sans doute était envoyée au monastère principal. Dans le Livre Pelut, qui date à ce qu'on croit de 1356, le prieur de Noron est cité dans la liste générale des abbés et prieurs qui relevaient plus ou moins directement de l'évêque de Bayeux. Dans le Neustria Pia, publié en 1663, Noron figure parmi les prieurés dont les titres n'avaient point été communiqués jusque-là au rédacteur du savant ouvrage. Enfin, l'on sait qu'il y a près de quatre-vingts ans que le couvent ne renferme plus de moines, et que les religieux de St.-Évroult faisaient valoir depuis ce temps le domaine par des fermiers, qui recueillaient les dîmes et usaient de tous les droits acquis au prieuré par les donations du fondateur. A la révolution, les abbayes furent supprimées, et leurs possessions se trouvèrent aliénées au profit du trésor public C'est ainsi que Noron, après six cents ans, cessa d'être un bien de main-morte, et redevint une propriété privée. La terre est maintenant entre les mains de M. Douillon, de Falaise ; il a conservé l'église ou plutôt la chapelle, et quelques parties d'anciennes constructions que nous décrirons bientôt.

Nous trouvons un Guillaume du Merle, seigneur de Noron, dans la liste des gentilshommes normands qui se signalèrent en Sicile, dans le IIe siècle. II avait peut-être suivi Guillaume Pantou et Robert de Corday, quand ils partirent pour l'Italie. Un chef puissant entraînait toujours à sa suite quelques chevaliers avides de renommée.

Nous voyons ces du Merle reconnus nobles par Montfault, en 1463 ; ils résidaient alors à Saint-Pierre-du-Bû, commune voisine de Noron, et déjà précédemment décrite ; il se disaient seigneurs de Couvrigny, en 1663 ; l'un d'eux, Fouque, fut un des braves qui défendirent le Mont-Saint-Michel contre les Anglais, en 1484.

Description

Nous continuons à parcourir les environs de la ville, et à suivre la ligne de séparation des terrains anciens et des terrains secondaires. Noron appartient à ces deux systèmes : sa plaine repose sur un fonds calcaire, et ses hauteurs tiennent à la chaîne des grès quartzeux qui traversent la ville dans la direction de l'ouest à l'est.

Lés rochers de Noron, couverts d'un terreau noir et brûlé, contrastent avec la, couleur blanche des terrains inférieurs. Leur sommet ne produit guère que de chétives bruyères ; mais sur les revers on a construit quelques cabanes, défriché quelques jardins, et l'on y cultive pendant l'été quelques arpents de sarrasin, ou l'on y sème de l'ajonc, qui, après un petit nombre d'années, s'élève à une moyenne hauteur. Des points les plus escarpés, vers la ville, la vue s'étend sur un vaste horizon, et les promeneurs citadins viennent y chercher des émotions. Ceux qui préfèrent à cette nature animée, une nature plus sauvage et plus solitaire, se dirigent vers l'ouest, et s'enfoncent dans une gorge étroite, où coule, en faisant quelques circuits, la modeste rivière d'Ante. On n'a plus alors devant soi que deux moulins, une vingtaine d'arpents de fraîches prairies, et tout à l'entour une masse informe de rochers déchiquetés ; quelques chèvres se montrent ça et là sur les pentes élevées, avec deux ou trois pâtres qui chantent un ancien cantique ou la romance de Geneviève. La pointe du vieux donjon de Guillaume et les créneaux de la tour de Talbot, apparaissent dans le lointain, au bout de la vallée, et viennent ajouter le charme de leurs souvenirs aux impressions que la vue de ces lieux, vraiment agrestes et pittoresques, ne peut manquer de produire sur les âmes. On trouverait difficilement ailleurs, à la porte d'une ville, un site plus remarquable que celui-là. On est à peine à dix minutes de chemin des maisons du faubourg, et l'on pourrait se croire à dix lieues de toute civilisation. La nature est calme comme dans une vallée des Alpes. Heureux l'homme qui sait goûter le repos au sein de cette solitude profonde ! Quand il est fatigué du tumulte et de l'éclat des affaires, il est sûr d'y trouver au moins une heure de délassement et de paix : c'est pour lui le soir d'un beau jour, après une matinée d'orage.

Toute cette partie de rochers et de bruyère forme à-peu-près sur la commune 300 arpents, qui sont jouxtés à l'est par le territoire de Falaise, et au nord par Aubigny, Saint-Pierre-Canivet et Villers-Canivet. Les terres cultivées sont à l'ouest et au sud, et bornées d'un côté par Martigny, de l'autre par St.-Vigor-de-Mieux et St.-Martin-du-Bû. On compte en champs de labour 580 arpens ; en prairies, 92 arpents ; et en bois, une douzaine d'arpents seulement ; en tout, pour la commune entière de Noron, 985 arpents environ (de cent perches) ou 503 hectares.

Celles des terres qui sont encore mêlées d'argile se cultivent comme dans le Bocage ; on y fait une année de blé, une année d'avoine, et la troisième est livrée aux jachères. Les terres blanches produisent au contraire trois années de suite, et ne se reposent que la quatrième ; on y sème successivement du blé, de l'orge et de l'avoine ; quelquefois même, au milieu de prairies artificielles, on a essayé de ne jamais laisser la terre en friche. Les engrais dont on fait usage sont le fumier et le marc de colza ou de rabette pulvérisé ; sur les argiles on met quelquefois un peu de chaux.

Les prairies sont de médiocre qualité et un peu trop mouillées ; il y croît une plante bulbeuse (le colchide d'automne) qui gâte ordinairement les foins.

Le prix de l'acre de labour, en très-bon fonds, s'élève à 2,400 fr. ; il y en a de 1,000 à 1,200 fr. L'acre de prairie vaut 3,000 fr. environ.

Les bois ne sont pas très-estimés. Sur la lisière des rochers, on remarque quelques rangées de hêtres d'une assez belle apparence.

Trente-huit chevaux de trait, 204 vaches et 420 moutons sont employés à la culture. Dans, le nombre des moutons on compte 100 mérinos.

Le village principal est placé à-peu-près au milieu de la commune, à 4 kilomètres (environ une demi-lieue) de Falaise. Il se compose d'une longue rue principale, et se divise en quatre petits quartiers :

  • le Haut de Noron,
  • les Fontaines,
  • le Manoir et
  • le Bas de Noron.

Les autres hameaux ou groupes séparés, sont :

  • le Moulin de Noron,
  • le Haut du Vallon,
  • le Jageolet,
  • le Hameau de Miette,
  • le Moulin-Foulon Saint-Vigor,
  • la Motte,
  • le Bois,
  • l'Abbaye,
  • le Marais,
  • Nilly
  • et les Bruyères.

Le hameau des Bruyères embrasse toutes ces petites maisonnettes construites sous la pente des rochers, sur une étendue de près d'une lieue, depuis Falaise jusqu'à Martigny.

La rivière d'Ante arrose tout l'est de la commune, depuis Miette jusqu'au moulin de Noron. L'eau est abondante sur toutes les parties basses, et même sur la bruyère, où l'on en voit presque de tous côtés. Dans le bassin calcaire on trouverait de bonne pierre de construction, si les eaux ne se montraient partout à quelques pieds de profondeur, et n'arrêtaient les travaux des mineurs. Ils sont forcés de n'enlever que les couches supérieures pour les réduire en chaux ; un propriétaire en cuit chaque année douze fournées environ, qu'il exporte en grande partie dans le Bocage. Deux très petits ruisseaux, l'un venant de Martigny et l'autre formé dans le village même de Noron, servent à l'irrigation des prairies de la commune, et vont Se mêler à l'Ante, au petit pont de Trendeville.

Le nombre des maisons à Noron est de 87 ; la population se monte à 375 individus. L'état civil a offert, en cinq ans, un mouvement de 40 naissances sur 19 décès. Nulle part nous ne trouvons un résultat plus favorable, malgré le voisinage de la ville L'habitant cependant, même dans le village principal, ne paraît ni riche ni aisé ; nous avons vu la misère dans quelques intérieurs. On nous a pareillement assuré que les eaux répandues dans le bassin calcaire, développaient fréquemment à la surface des brouillards épais. Nous constatons ces faits qui nous ont paru assez remarquables.

Les enfants que l'on envoie aux écoles primaires sont, en hiver, an nombre de 40.

Il n'y a point de commerce dans cette commune. Un moulin à blé est la seule usine que l'on y trouve ; Outre les cultivateurs, on compte seize individus qui travaillent sur des métiers à bonnets, et six qui fabriquent des tissus pour le compte des fabricants de la ville. Quelques vieilles femmes filent encore le lin, le chanvre, et même le coton, malgré le peu de produit qu'elles en retirent ; l'habitude et l'impossibilité de se livrer à d'autres occupations, les réduisent à ces minces travaux. Le peuple de ces campagnes fut ruiné par l'introduction dans le pays des filatures de coton.

La route de Falaise à Vire traverse le territoire de Noron, à l'est, pendant un quart de lieue environ ; elle est bien entretenue par le département. Quant aux chemins vicinaux et communaux, ils sont mal réparés sur plusieurs points, et l'on paraît y attacher peu d'importance.

Les impôts payés à l'Etat par la commune de Noron, s'élèvent à 4,787 fr. 38 cent.

Il nous reste à décrire les débris de l'abbaye et l'église qui sert aujourd'hui de paroisse.

En s'avançant du village de Noron vers celui de Martigny, on aperçoit à gauche, au-dessous de la bruyère, un groupe d'arbres mêlé d'anciennes constructions qui servent, maintenant de ferme. Là était autrefois l'abbaye, et l'entrée principale rappelle encore une certaine magnificence. C'étaient une grande et une petite porte à ogive du XIIIe siècle, à plusieurs rangs de nervures et de filets. Dans la cour est un grand colombier rond et des bâtiments d'exploitation presque tous modernes ; la chapelle est à l'angle du nord, et n'a point de portail, soit qu'il ait disparu, soit, plus vraisemblablement, parce que l'édifice n'a jamais été terminé ; tout le bas de la nef, en effet, est construit comme une grange, et ne date que du dernier siècle. La partie supérieure du monument est normande, mais normande du meilleur style, de l'époque où l'ogive commençait à s'introduire, et où la sculpture était déjà plus délicate et plus soignée. Les fenêtres sont à plein cintre, dans de justes proportions, et ornées à l'entour d'un simple bourrelet. Les voûtes de pierres sont soutenues par des arcades en croix.

les colonnes rondes, sur des piliers carrés, sont surmontées de chapiteaux représentant des têtes grossières, des fleurs, des feuillages, etc. Tout ce travail est pur et achevé : c'est un modèle pour le temps où il fut exécuté. En général, toute cette petite construction, dont la date est connue, nous semble mériter de fixer l'attention des antiquaires ; elle peut leur donner une idée de ce que l'on faisait de mieux au commencement du siècle. Il est évident que l'intention du fondateur était de prolonger l'église vers le bas ; ce qui reste eût été le chœur des moines ; il a peut-être quarante pieds de long sur vingt de large. Derrière l'autel, en dehors, on voit une grande ogive qui fut ouverte postérieurement, et que l'on a supprimée depuis longtemps. Les corbeaux, sous la corniche, sont ornés de figures, d'étoiles et d'objets bizarres et divers. On entre dans un cellier qui touche à la chapelle, et qui fut, dit-on, l'ancienne sacristie, par une petite porte antique, dont le cintre est chargé de billettes.

En fouillant dans le champ le plus voisin, on a trouvé des fondements de mur ; on prétend que c'était l'emplacement de la première chapelle de Saint-Pierre, donnée aux moines par le chevalier Pantou, avant qu'il élevât celle que l'on voit encore. On assure aussi que, dans la campagne, on a trouvé des retranchements, des armes, des monnaies anciennes, et même un trésor considérable. N'ayant rien vu de tout cela, nous ne pouvons que rapporter les propos des paysans, toujours portés à l'exagération.

L'église de Noron est à l'entrée du village, au milieu d'un petit cimetière entouré de murs ; elle est de plusieurs époques, mais en général dans le style gothique primordial. La tour est carrée, avec deux rangs de fenêtres en arcades. Le portail était à plusieurs cintres, soutenu de colonnes légères, et orné de feuilles de vigne et d'acanthe ; les pierres trop tendres n'ont pu résister au temps, et les sculptures ont disparu. On dit dans nos campagnes que c'est la lune qui ronge ainsi la pierre de nos monuments. Des arcades, terminées en tête de trèfle, circulent autour des murs extérieurs du chœur, à vingt pieds de terre. L'intérieur de l'église n'a rien de remarquable. On a prétendu que sous l'autel était un trésor, et, dans la révolution, on y a fouillé soigneusement, mais sans succès. Parmi les pierres tumulaires conservées, on voit celle d'un Prévost, seigneur de Miette, mort en 1666 ; cette famille se dit issue, on ne sait comment, d'Ariette, mère de Guillaume. On lit encore les noms d'un De Lannoy, décédé en 1763 ; d'un Dubuisson, et d'un Letellier, curé. Une inscription gothique, placée dans l'intérieur d'une grande fenêtre de la nef, rappelle une fondation de rente au profit du trésor, créée en 1412, par Robert Després ; on devait lui dire deux messes par semaine, un libera et des oraisons le jour de Pâques, avant les vêpres, etc., etc. La rente produit encore à l'église 250 fr. par année. La paroisse est sous l'invocation de S. Cyr et de sainte Julitte, comme au temps de Pantou. La fête a lieu le 16 juin.

Le manoir, séparé de l'église par le chemin, est une maison seigneuriale, avec colombier et murs anciens, percés de meurtrières. Il réunissait les deux fiefs de Goulafre et de Royville. Le nom de Goulafre se reproduit fréquemment dans l'histoire de Normandie, et notamment au temps de la conquête d'Angleterre et de la première croisade. Il est cité sur toutes les listes du temps. C'est un héros de plus parti de ce pays, qui, comme on peut le reconnaître à chaque page de cet ouvrage, en a fourni un très-grand nombre sous le règne de Guillaume et de ses fils.

Nous devons beaucoup de nos renseignements sur Noron à M. de Lannoy, maire actuel, qui nous a même transmis un mémoire étendu sur sa commune ; il a bien voulu la visiter aussi avec nous en détail. L'adjoint est M. Bréard ; le déservant, M. l'abbé Delavignez.

Source : Statistique de l'arrondissement de Falaise  par Frédéric Galeron

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 13222
  • item : Manoir le Logis
  • Localisation :
    • Basse-Normandie
    • Calvados
    • Noron-l'Abbaye
  • Adresse : le Logis
  • Code INSEE commune : 14467
  • Code postal de la commune : 14700
  • Ordre dans la liste : 11
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : manoir
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 17e siècle
  • Enquête : 1986
  • Date de versement : 1987 AVANT

Construction, architecture et style

  • Materiaux: 5 types de matériaux composent le gros oeuvre.
    • calcaire
    • moellon
    • enduit
    • pierre de taille
    • pierre
  • Couverture : On remarque 6 types de couverture différents :
    • toit à longs pans
    • toit en pavillon
    • pignon couvert
    • appentis
    • pignon
    • toit
  • Materiaux (de couverture) : 2 types de matériaux de couverture entrent en jeux dans le couvrement de cet ensemble
    • ardoise
    • tuile plate
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • Etage type : 1 étage carré
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes : 4 parties constituantes distinctes relevées :
    • colombier
    • four à pain
    • étang
    • four
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété privée
  • Référence Mérimée : IA00000836

photo : michel