Fontaine d'Arlette

Falaise est une petite ville du département Calvados, à quelque distance de Caen, et dans cette partie du nord de la France qu'on désignait autrefois sous le nom de Basse-Normandie. La vallée où elle est située est fertile et boisée. La ville elle-même, d'un aspect assez pittoresque, apparaît à travers d'épais ormeaux, et présente une immense ligne d'édifices, interrompue ça et là par des masses de verdure.

La place Saint Gervais est aérée, spacieuse; selon la tradition, que je crois juste, elle a vu naître le Conquérant, fruit des amours illicites de Robert et d'Arlette. Sa naissance est encore le sujet de chansons populaires chez les Normands (1), et surtout à Falaise.

Quelques antiquaires affirment, à la vérité, que Guillaume naquit dans une chambre de la tour dont vous avez déjà vu le dessin. Quoi qu'il en soit, les habitants réclament hautement, pour la place Saint-Gervais, l'honneur d'avoir porté jadis la statue de Guillaume, et la maison qui le vit naître. Quant à l'auberge où la tête est maintenant déposée, je l'ai visitée dans toutes ses parties, et j'ai peine à croire qu'elle offre rien de plus ancien que la fin du seizième siècle.

(1) La gravité des historiens s'est démentie en accueillant plusieurs histoires comme la suivante, que j'emprunte à l'ouvrage récent d'un homme, aussi aimable de caractère qu'irréprochable dans ses écrits : je dois prévenir, cependant, que si l'on s'accorde généralement à reconnaître Falaise pour la patrie de Guillaume-le-Conquérant, une autre question paraît être encore à décider ; celle de savoir si le duc naquit au château, ou dans une maison élevée jadis sur la place Saint-Gervais actuelle. Voici ce que dit M. Langevin :

« Au bout de ce donjon, sur une roche en précipice, est bâti un petit édifice carré, dont la fenêtre donne sur le faubourg de la Roche. On prétend que Robert, père de Guillaume-le-Conquérant, y faisait sa résidence habituelle, et que, regardant un jour par cette fenêtre, il vit Arlette de Verprey lavant du linge à une fontaine qui est au-dessous, et qu'épris des charmes de cette fille, il en eut Guillaume l'année 1027.
« D'autres assurent que Robert, au retour de la chasse, se promenant dans les rues de Falaise, vit Arlette de Verprey, fille d'un pelletier de cette ville, en devint amoureux, et en eut le duc Guillaume, qui naquit vers 1027.»

M. le comte de La Fresnaye compare ainsi les autorités sur le même sujet.

« M. l'abbé Delarue, professeur d'histoire à Caen, nous a rapporté qu'il a vu à la Tour de Londres ( c'est au British museum ) un exemplaire, le seul qui existe des Oeuvres poétiques, en vieux français, de Benoist de Sainte-More (Benoist de Sainte-More, un des poètes de Henri II, roi d'Angleterre, et qui écrivit, à sa demande, une histoire des ducs de Normandie en langue romane, pendant la seconde moitié du douzième siècle, chanta les Amours d'Arlette et du duc Robert, en une pièce de plus de deux cents vers. Ce morceau , découvert à Londres dans les manuscrits du roi, en 1792, est tout entier dans un ouvrage nouveau.), qui vivait vers 1150, dans lesquelles sont décrites les amours d'Arlette de Falaise avec Robert-le-Libéral, et dont il a extrait plusieurs morceaux.

« Ce poète dit que Robert-le-Libéral, revenant de la chasse, vit Arlette les jambes nues, près d'un étang, sous les murs du château de Falaise; qu'aussitôt il en devint amoureux, la demanda à Verprey son père et à Doda sa mère, pelletiers de cette ville, qui ne voulurent point consentir à sa demande, à moins qu'il ne l'épousât, et qu'Arlette n'y voulait conseutir qu'à cette condition. Cependant Arlette avait un oncle ermite près de Falaise, qui lui conseilla d'accepter la proposition de Robert. Elle suivit l'avis de son oncle, à condition qu'elle aurait les mêmes honneurs que si elle était réellement épouse de Robert ; ce qui fut accepté, mais à condition qu'elle serait conduite au château, la nuit suivante, par la porte dérobée, appelée poterne. Elle s'y opposa, et voulut y être conduite par la grande porte, en plein midi, par les chevaliers de Robert. Les chevaliers se présentèrent le lendemain, à pied ; mais elle exigea qu'ils vinssent montés sur leurs chevaux. Quand ils se furent conformés à sa volonté, elle traversa la ville au milieu d'eux, montée elle-même sur un beau cheval. Il fallut lui ouvrir la grande porte d'entrée de la ville au château, et baisser le pont-levis. Alors elle passa, entra au château, où elle fut reçue par Robert, qui lui fut toujours attaché et fidèle. »

« L'autre poète de Henri II, Robert Wace, fit aussi, à la même époque, une histoire des ducs de Normandie, à la fin de laquelle il paraît montrer un peu de jalousie envers son confrère. N'ayant pas reçu la même demande du prince, il semble s'être dépêché de finir la sienne le premier, et vouloir narguer son rival. Il chante aussi les mêmes amours, mais avec moins d'élégance que Benoist-de-Sainte-More. Voici ce qu'il dit :

A Faleise out li duc hanté,
Plusieurs faiz i out converté.
Une meschine i out amée,
Arlote out nom , de borgeiz née ;
Meschine ert encor è pucele,
Avenant li sembla è bele;
Menée li fut à sun lit,
Sun bon en fist, è sun delit.

Ces vers, en langue romane, se comprennent assez pour ne pas exiger d'explication, excepté le mot meschine, qui signifie adolescente ou jeune fille, de même que meschin a la pareille signification au masculin.

A la suite de ce début, Robert Wace donne un détail qui occupe encore seize vers mais qui semble purement imaginaire. Ici le comte reproduit une histoire remarquable par son absurdité, et pour laquelle je dois prier mes lecteurs (si tel est leur bon plaisir ) de consulter le curieux passage de Wace lui-même. M. de La Fresnaye continue ainsi :

« Cette petite anecdote grivoise, qui semble être purement un conte imaginé par notre vieux poète normand, a été cependant plus citée qu'elle ne mérite, et cela d'après la chronique de Nagerel, qui l'a répétée en prose imprimée du seizième siècle, pour l'avoir prise dans le poëme inédit de Robert Wace, qui en est l'inventeur, et dont les vers datent du douzième siècle. M. de Bras l'a répétée aussi en 1588.

« Quoi qu'il en soit de cette première nuit, il paraît constant qu'elle donna l'existence au duc Guillaume, ou plutôt Guillaume-le-Conquérant, si l'on en croit notre vieil historien des Antiquités de Caen et de la Neustrie, M. de Bras de Bourgueville, dans ses détails sur Ariette. » (Pag. 13 et 14.) Quelques pages plus bas, le lecteur trouvera une de ces chansons nationales sur la naissance de Guillaume : c'est une des plus populaires. Cependant, l'opinion reçue, que je crois fort probable, est que le père de Guillaume avait son palais sur la place Saint-Gervais , et que là, par conséquent, dut naître son fils. Suivant d'anciens manuscrits extraits du chartrier de l'église Saint-Gervais (De l'église de la Trinité, et non pas de Saint-Gervais), il résulte que Guillaume naquit dans une maison appartenant à son père, sise sur le vieux marché de la place Saint-Gervais ; et comme il n'y avait point encore d'église paroissiale (« Et comme il n'y avait point encore de paroisse Saint-Gervais », dit M. Langevin ; ce qui est bien ditférent.), il fut baptisé à l'église de la Sainte-Trinité. ( Voyez Langevin , p. 134. )

Source : Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France, Volume 2 Par Thomas Frognall Dibdin, François Isidore Licquet en 1825.

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Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 12412
  • item : Fontaine d'Arlette
  • Localisation :
    • Basse-Normandie
    • Calvados
    • Falaise
  • Lieu dit : le Val d' Ante
  • Code INSEE commune : 14258
  • Code postal de la commune : 14700
  • Ordre dans la liste : 38
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : fontaine
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction : 4 différentes époques marquent l'histoire du lieu.
    • 19e siècle
    • 1er quart 19e siècle
    • 20e siècle
    • 3e quart 20e siècle
  • Année : 1957
  • Enquête : 1986
  • Date de versement : 1987 AVANT

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • Cette construction est composée de : calcaire
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • Le décor est composé de : 'sculpture'
  • Ornementation :
    • La seule ornementation connue est 'scène historique'
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers : 2 informations diverses sont disponibles :
    • duc de normandie propriété de la commune
    • rencontre d' arlette et de robert 1er
  • Référence Mérimée : IA00001044

photo : Normandie Héritage

photo : Normandie Héritage