cairon

Cairon est une petite commune de la plaine de Caen, qui ne peut avoir une histoire, mais qui conserve encore quelques traditions curieuses, bonnes, je crois, à sauver de l'oubli. Les traditions sont les monuments moraux d'un passé à demi échappé à l'histoire, et les dédaigner systématiquement c'est, en haine de quelques inexactitudes, d'ailleurs souvent curieuses elles-mêmes, rejeter bien des indications précieuses et bien des renseignements introuvables ailleurs.

Cairon est au nord de Caen, à moitié chemin de Creully. On y compte 537 habitants. La commune comprend une partie du hameau de Buron. L'ancienne paroisse des Bissons était annexée à celle de Cairon dès avant la Révolution. On dit que cette réunion eut lieu à la suite d'une peste qui ravagea tout le pays. Le curé des Bissons ayant eu la lâcheté d'abandonner ses paroissiens, fut suppléé, avec autant de dévouement que d'activité, par le curé de Cairon ; depuis, les deux paroisses, qui relevaient du même patron (au temps du Livre Pelut c'était le duc de Normandie), demeurèrent unies. Les Bissons conservent encore leur coquette petite église, au milieu de son cimetière; mais ils l'ont partie de la paroisse du bon pasteur qui sut offrir sa vie pour ses brebis.

Deux hameaux portent le nom de Cairon. En venant de Caen, après Buron, on traverse d'abord Cairon-le-Vieux ; puis, à plus d'un kilomètre, dans la direction de Creully, on trouve Cairon-le-Jeune. Ce qui rend ces appellations assez bizarres, c'est que Cairon-le-Vieux se trouve ainsi éloigné de près d'une demi-lieue du centre habituel de toute paroisse. L'église est, en effet, située par-delà le dernier hameau, au haut d'une éminence, assez loin de toute maison et presque aux confins de la commune.

La tradition du pays est qu'autrefois, sans doute après une première migration inexpliquée, qui fit d'abord abandonner Cairon-le-Vieux, le plus grand nombre des habitants de la paroisse s'étaient groupés autour de leur clocher. Ce fait est justifié par les fondations de maisons et les traces d'habitations dont on a pu constater l'existence dans les champs environnant l'église. Mais une peste qui ravagea le pays fit abandonner le village infecté, et Cairon-le-Jeune fut bâti au pied de la colline, sur les bords de la Mue.

L'église se compose de deux parallélogrammes dont l'un, le plus grand, forme la nef, et l'autre le chœur. Elle est dédiée à saint Hilaire. On sait que, comme l'église de Rots et plusieurs autres du pays, elle fut occupée militairement par les Anglais, après la dernière révolte de Godefroy d'Harcourt. Robert de Clermont, le 28 mai 1357, ordonna au vicomte de Bayeux de reprendre la tour de Karou, et il semble que la place ait été effectivement enlevée à cette époque.

Au reste, nulle trace ne reste de ces souvenirs guerriers. La nef vient d'être presque entièrement refaite; auparavant, elle avait déjà subi de nombreuses réparations, et conservait cependant encore quelques vestiges de son style primitif, qui était roman.

Le chœur, voûté et assez bien conservé, appartient au commencement du XIIIe siècle, ainsi que le prouvent les ornements géométriques qui décorent ses voûtes et ses ogives.

Le clocher actuel, au-dessus de la voûte du chœur, est une masse informe qui porte le cachet de sa construction : 1776. Il remplaça un ancien clocher en ardoises, qui lui-même ne devait pas remonter au temps où le vicomte de Bayeux amenait la Maie-Voisine pour lui donner assaut.

Dans un des contreforts nord-est de la tour de Cairon se trouve incrustée une pierre assez singulièrement taillée, et que l'on désigne sous le nom de Fer-à-cheval. Elle n'a guère qu'un pied carré, et porte deux entailles, qui figurent deux petites niches collatérales. Cette pierre, évidemment posée intentionnellement, et par procédé d'incrustation, à la place qu'elle occupe, est l'objet d'une tradition vivace. On prétend qu'elle sert de marque à la position d'un trésor caché dans les environs, au temps des Anglais. Il y a une quarantaine d'années, des fouilles furent faites en face de cette pierre. On les exécutait de jour et de nuit, sans désemparer; on les poussa assez loin, sur une profondeur de plus de 2 mètres. Inutile de dire qu'on ne trouva rien.

Le cimetière est très-vaste, et suffirait aux inhumations d'une paroisse plus grande que Cairon pendant plus d'un siècle. Mais il y a plus d'un siècle qu'il sert, et partout il est rempli de cercueils en pierre taillée.

On avait, dit-on dans le pays, choisi ce mode de sépulture en un temps où les cercueils de bois n'étaient pas habituellement employés, de peur de laisser dévorer les morts par les loups qui infestaient les environs. D'autres disent que, dans une maladrerie située en un champ voisin et qui relevait de la grande léproserie de Caen, on n'admettait que de riches malades, dont les familles ne voulaient pas abandonner la dépouille mortelle à la terre sans cette distinction.

L'abbé De La Rue signale, en effet, l'existence d'une maladrerie à Cairon.

Chaque temps a ses calamités. Aujourd'hui, les académies discutent sur le choléra et sur d'autres fléaux fatals au XIXe siècle et aux générations futures ; la charité large et prévoyante de nos pères détruisit la lèpre, et a préservé les races européennes de cette terrible souillure.

Un de ces dix-neuf mille hôpitaux qui, au dire de Mathieu Paris , furent consacrés dans la chrétienté au soin des lépreux, avait été fondé à Cairon. Il était situé, dit-on, à l'ouest de l'église, et il paraît qu'on en voyait encore quelques vestiges, il y a peu d'années, dans une vaste pièce de terre nommée les Clos-Terriers. Le puits n'en a été détruit qu'assez récemment, et sa margelle est encore appuyée contre le mur nord-est du cimetière paroissial.

Outre ce cimetière, il en a existé au moins deux autres sur le territoire de Cairon. Le premier se trouve dans la campagne, entre les deux villages de Cairon-le-Vieux et de Cairon-le-Jeune, en la délie du Mont-Gire, non loin du confluent de deux ruisseaux: la Mue et le Vey. En redressant cette voie, il y a une vingtaine d'années, on rencontra un nombre considérable de cercueils en pierre, assez pour en construire une petite maison sur la route, en face de la grille du château. Les ossements furent pieusement recueillis, et transportés sur deux tomberaux dans la partie nord du cimetière paroissial.

Le soc de la charrue découvre encore souvent dans les environs des débris humains, et s'y heurte à de vieux cercueils de pierre. J'ai fouillé une de ces sépultures avec M. l'abbé Delauney, alors curé de Cairon. Nous rencontrâmes les bords supérieurs du cercueil à environ 0m 10 au dessous de la surface du sol. Il n'avait pas dû être fermé avec des pierres taillées, mais seulement avec de larges moellons. Dans l'intérieur, nous constatâmes la présence des restes de cinq personnes. Un squelette entier y était couché les pieds vers l'est, et autour de lui, avec nombre d'ossements divers, nous reconnûmes quatre crânes presque complets. Nous ne trouvâmes rien que ces débris, qui furent portés au cimetière. Le cercueil était en calcaire grossier, creusé perpendiculairement sur les côtés, et d'une manière un peu déclive à la tête et aux pieds.

La tradition nous avait parlé d'une chapelle construite dans ce quartier, et nommée la chapelle St-Germain. Nous n'en pûmes découvrir aucune trace. Seulement on retrouve le croisillon d'une vieille croix de pierre incrusté dans le mur d'un herbage voisin, et nous crûmes reconnaître un tronçon informe de cette croix, employé à soutenir la barrière d'un champ.

Le second cimetière abandonné se trouve sur une colline à l'est de Cairon-le-Vieux, au-dessus d'une carrière. Il y a quelques années, des écoulements y mirent à jour quelques cercueils de pierre sans couvercle. Les cadavres étaient orientés les pieds au levant. Je fouillai l'une de ces sépultures et j'y trouvai, avec les restes d'un squelette, une broche en bronze qui depuis a été perdue. J'en ai reconnu le dessin très-exact dans une des publications de M. l'abbé Cochet, qui assignait à la broche par lui trouvée une époque mérovingienne.

Ainsi, voilà donc trois cimetières, contenant tous des cercueils en pierre, sur le territoire d'une seule et assez petite paroisse. L'un d'eux, par l'indice que je viens de dire, remonterait à un temps déjà bien lointain. Cependant, il y a peut-être à Cairon un monument plus antique encore.

Source : Mémoires par Société des antiquaires de Normandie 1869.

Eglise Saint-Hilaire

Patrimoine classé, étudié ou inscrit dit 'Eglise Saint-Hilaire' à cairon (calvados 14610). La nef est romane, les murs ont conservé leurs modillons à figures; mais quelques parties ont été reprises en sous-œuvre et refaites ; la porte latérale au sud a été retaillée intérieurement ; la porte occidentale est moderne.

Château

Le château de Cairon date du XVIIIe siècle, il accueillit probablement le Général de Gaulle. Son colombier date du XVIe siècle. On trouve peu de documentation sur ce château et son colombier.