photo : Normandie Héritage
Le Château de Caen fut bâti par Guillaume le Conquérant ; son fils Henri Ier ne fit qu'en exhausser les murs et construire le Donjon, qui a été abattu par un décret de la Convention du 6 août 1793. Le même décret ordonna aussi la démolition du Château , mais la difficulté de l'exécution prouva l'absurdité des législateurs, et sauva cette citadelle.
La chronique de Normandie assure qu'avant que le Duc Guillaume fit bâtir le Château, il y en avait un beaucoup plus petit dans le même lieu. Il est vrai que Robert Wace atteste, que lorsque le Roi de France, Henri Ier, marchant contre le Duc Guillaume en 1054, s'avança avec son armée jusques sur les bords de la Seulle, il traversa la ville de Caen sans difficulté, parce qu'alors elle étoit sans chastel, et que le Duc ne l'avoit pas encore entourée de murs ; mais l'historien semble parler comparativement, et veut dire que la ville n'étoit pas fortifiée comme de son temps, ce qui ne contredit pas pas positivement le témoignage de la chronique Normande.
Le Château fut, dès le XIe siècle, gouverné par un Châtelain, cette châtellenie, en 1106, fut donnée héréditairement à Robert Fitz Hamon, Seigneur de Creuly, et ses héritiers en jouirent jusqu'en l'année 1199. Sous le Duc Jean Sans-Terre, le Donjon avoit un gouverneur particulier, qu'on appeloit le Connétable de la ville de Caen ; mais après la prise de cette ville par Philippe-Auguste, le Château, le Donjon et la ville, furent gouvernés par un Châtelain auquel on donnoit aussi le nom de Capitaine, Cependant sous Louis XI, on trouve un Raymond d'Argeau, garde particulier du Donjon, mais sans doute la politique de ce Prince soupçonneux lui avoit prescrit de mettre deux chefs dans cette forteresse.
Le Château de Caen était le chef-lieu dont relevaient directement ou indirectement les diverses seigneuries de la vicomté de Caen. Aussi elle étaient presque toutes tenues envers cette place, à des redevances annuelles en flèches, carquois, arcs, glaives, cuirasses et autres armures anciennes. En temps de guerre, tous les vassaux de ces seigneuries devaient faire le service du guet au Château de Caen ; mais ordinairement les paroisses s'en libéraient, en composant pour des sommes en argent; en l'année 1383, la paroisse de Mery payait 56 livres par an et celle de Cléville 3 a livres 10 sous. M. de Bras nous apprend que les autres Vicomtés du grand Bailliage, élaient tenues au ravitaillement du Château, lorsque la guerre éclatait.
La ville de Caen avait le droit de nommer le receveur des contributions, pour lesquelles les paroisses composaient pour libérer leurs habitans du service personnel, ainsi que des taxes qu'elle imposait sur elle-même pour sa défense, et c'était à elle seule que ce receveur était comptable. En l'année 1360, Louis de Harcourt, Gouverneur de la Province , ordonna à Robert de Brucourt, son Lieutenant à Caen, de faire compter devant lui Robert de la Colombe, que la ville avait nommé receveur des taxes de guerre et des compositions des communes rurales ; mais les Bourgeois assemblés en grand nombre, s'opposèrent à l'examen des comptes de leur receveur, et il n'eut pas lieu.
Les sommes qui provenaient de ces contributions, étaient employées à solder des gens de guerre que la ville prenait à sa solde pour sa garde et pour celle du Château. C'était ordinairement les Seigneurs des paroisses qu'elle appelait, et ils arrivaient avec leurs Ecuyers et leurs Archers pour ce service. On les passait tous les mois en revue ; c'était le Capitaine du Château ou son Lieutenant qui, avec un officier municipal, recevait la montre ; il nous reste encore plusieurs procès verbaux de ces anciennes revues.
Le Gouverneur de Caen avait, en 1369 , 1000 livres d'appointement, dont une moitié sur les revenus de la Vicomté de cette ville, et l'autre sur ceux de la Vicomté de Bayeux. Dans le XIVe siècle, la garnison en temps de paix, n'était que de six Ecuyers et dix Arbalétriers. Sous la domination Angloise, le Gouverneur avait une retenue de quinze hommes d'armes et quarante-cinq archers à cheval, et quinze hommes d'armes et quarante-cinq archers à pied pour la garde de la place. Charles VII, après avoir repris Caen en 1450, laissa dans la Château une garnison de quatre-vingt-seize hommes d'armes et deux cents archers, et quand la paix fut consolidée, elle fut réduite à quarante hommes d'armes et cent archers.
Anciennement le Gouverneur de Caen avait sous ses ordres plusieurs officiers : D'abord , il avait son Lieutenant, qui fut à sa nomination jusqu'au XVIe siècle, un garde du Donjon et un garde de l'artillerie que le Roi choisissait. Le Connétable et le Maréchal de la ville lui étaient également soumis; mais nous ne savons pas qu'elles étaient les fonctions du premier; le second avait la garde de la ville pendant la nuit, et l'on peut voir dans M. de Bras, les détails qu'il donne sur ses devoirs et sur la force armée qu'il commandait. Depuis le commencement du XVIIe siècle jusqu'en 1789, l'état-major du Château était composé d'un Gouverneur, d'un Lieutenant de Roi et d'un Major. Il y avait aussi des officiers d'artillerie et du corps de génie attachés à cette place.
source : Essais historiques sur la ville de Caen et son arrondissement Par Gervais de La Rue en 1820