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Messieurs de Bras et Huet citent le témoignage de Robert Cenalis, qui attribue la fondation de l'église Saint-Étienne à St. Regnobert. Mais ils n'avaient sûrement pas lu cet historien, ou ils le citaient de mémoire, car il ne parle que des paroisses de Saint-Sauveur, de Notre-Dame, de Saint-Pierre et de Saint-Jean, et nullement de celle de Saint-Etienne.
Ces écrivains ont regardé cette dernière paroisse comme la plus ancienne de Caen ; ils appuient leur sentiment sur la qualification de Saint-Étienne le Vieux, dont se sert Guillaume le Conquérant, dans les chartes de fondation de son abbaye, et que les actes des siècles postérieurs ont répétée. Mais comme nous l'avons déjà observé, c'est se méprendre étrangement que de donner au mot Vieux un sens général et absolu, tandis que dans ce cas il n'en a réellement qu'un relatif. Le duc Guillaume, fondant une abbaye de Saint-Étienne sur le territoire d'une paroisse de Saint-Étienne, et ayant à parler de ces deux églises, devait nécessairement pour distinguer l'une de l'autre, ajouter à Saint-Étienne paroisse, le titre d'ancien, Vetus ; il était même forcé de le faire, puisque donnant à l'une et à l'autre église le nom de Monastère, suivant l'usage du temps, il eût été obscur, s'il n'eût pas, par une désignation particulière, fourni les moyens de ne pas les confondre.
Quant à l'opinion de M. Huet, qui veut que l'église de la paroisse Saint-Étienne ait été un ancien monastère, c'est un sentiment que rien n'appuie et que nous avons réfuté ailleurs.
L'église actuelle de Saint-Étienne est un ouvrage des XIVe et XVe siècles. Sa position contre les murs de la ville, l'exposa à être beaucoup endommagée lors des différents sièges que Caen eut à soutenir. Elle en était cependant anciennement plus éloignée, et son cimetière, dans le XIe siècle, occupait une grande partie de la place et des jardins de l'abbaye. En effet, lorsque le duc Guillaume éleva les premières fortifications de notre ville, il fit passer la ligne de circonvallation à travers le cimetière de Saint-Étienne, il en prit une partie pour élever les murs et former le fossé qui devait les défendre, et il en laissa même au-delà du fossé une autre portion qu'il fit céder à sa nouvelle abbaye par une transaction du mois de juillet 1083. Cette transaction est signée par le Roi, la Reine, leurs enfants, Alain, comte de Bretagne, Richard de Courcy, Guillaume de Tournebu, etc. Lors qu'Edouard III eut pris Caen, en 1346, la faiblesse des murs élevés par Guillaume le Conquérant, obligea les habitants de fortifier de nouveau leur ville, et d'après le plan dressé à cet effet, on rapprocha encore de l'église Saint-Étienne la ligne de circonvallation. Alors les murs et les fossés de la ville occupèrent presque tout l'ancien cimetière de cette paroisse. Guillaume Corbin, en 1548, et Richard de Rie, en 1359, cédèrent des portions de leurs propriétés pour en former un nouveau ; le trésor acheta ensuite d'autres d'autres portions de terrain pour l'agrandir; enfin Charles V ayant fait informer sur l'insuffisance du local, amortit-gratuitement, par ses lettres patentes du mois de novembre 1368, les donations et les acquisitions faites pour la formation de ce nouveau cimetière.
Il est dit dans le préambule des lettres patentes de ce prince, que depuis l'an 1346 jusqu'en 1368, ne pouvant mettre les morts en terre sainte, on avait été obligé de les enterrer dans un lieu non-consacré, et qui n'était pas éloigné de l'église. C'était sans doute celui qui forme aujourd'hui la rue de Saint-Benoît : car, lorsqu'on y a travaillé de nos jours, on a trouvé beaucoup de cercueils de pierre et d'ossements humains.
L'église de St.-Etienne souffrit considérablement lors du siége de Caen, par Henri V, en 1417. Ce prince ayant placé son artillerie dans les tours de l'abbaye, pour hâter la reddition de la ville, tout ce quartier et particulièrement l'église, furent foudroyés. Aussi Henri VI, par ses lettres patentes du 6 avril 1426, accorda aux paroissiens une somme de 100 liv. pour la réparation de leur église tombée en ruine et décadence par les grosses bombardes qui avaient tombé sur icelle, et abattu la voûte pendant ledit siège ; et Raoul d'Estampes, vicomte de Caen, fit mettre à exécution ces lettres le 14 août suivant.
L'abbesse de Caen avait le patronage de cette paroisse, par un échange fait entre la reine Mathilde et l'église cathédrale de Bayeux. Le curé était aidé dans ses fonctions par un vicaire et par des obitiers dont le nombre n'était pas anciennement fixé, car j'en trouve depuis huit jusqu'à treize; ils étaient réduits à cinq en 1791, et portaient tous l'aumusse par concession des Rois de France.
Les curés dont j'ai pu retrouver les noms, sont:
Source : Essai historiques sur la ville de Caen et son arrondissement par Gervais de La Rue