Arc de triomphe

Les deux monuments romains qui subsistent encore dans la petite ville de Saint-Remy, connue par les Anciens sous le nom de Glanum, ont longtemps exercé l'esprit des Savants, qui, malgré l'étendue de leurs recherches, n'ont pu jusqu'ici nous en donner une explication satisfaisante. L'inscription qui existe en entier sur l'architrave du mausolée, n'a pu, par les difficultés qu'elle présente, à raison des abréviations dont elle est presque toute composée, leur donner à connaître par qui ces édifices ont été construits, ni à qui ils ont été consacrés. L'époque de leur érection leur a été également inconnue : ce qui a fait croire à quelques-uns d'entre eux, que l'arc triomphal, dont toute la partie supérieure est ruinée, devait aussi porter quelque inscription, qui ne laissant aucun doute sur la construction de deux bâtiments aussi magnifiques, aussi rapprochés, et ayant entre eux une analogie évidente, dispensait d'entrer dans les détails qu'aurait exigés la composition de celle du mausolée, si elle eût été seule, et commune aux deux monuments.

L'inexactitude des copies qui en furent fournies à plusieurs célèbres Antiquaires, et à l'Académie royale des Inscriptions et Belles Lettres de Paris, n'a pas peu contribué à faire perdre de vue le véritable point sous lequel il faut l'envisager pour parvenir à un résultat utile, et à éloigner tout espoir d'arriver avec ce faible secours à la découverte de la vérité.

C'est en parcourant cette foule d'explications réprouvées par le bon goût, qui ont été successivement mises au jour ; c'est en lisant les diverses interprétations que d'un autre côté quelques auteurs du premier mérite ont donné aux sigles qui forment les abréviations, et qui néanmoins n'ont résolu qu'une faible partie des difficultés que présente l'inscription, que je me suis senti entraîné à joindre mes efforts à ceux qu'avaient faits dans le temps M. de Mautour et l'abbé Barthélemy, dont les noms commandent le respect, et inspirent la confiance. Mais je dois avouer ici qu'en cherchant à donner à cette inscription une explication historique, qui puisse apprendre quelque chose aux curieux, je n'ai pas la prétention de faire prévaloir mon sentiment, en ce qu'il aura d'opposé à celui des Savants que je viens de citer, ni même aux opinions de M. Honoré Bouche, auteur de la Cosmographie de Provence, et de M. Joseph-Marie de Suarès, évêque de Vaison, quelque inadmissibles qu'elles paraissent, ainsi qu'il sera démontré ci-après ; ni enfin aux observations de M. l'abbé Lamy, qui, en 1777, publia une nouvelle description de ces mêmes monuments.

Je sens toutefois que j'aurai beaucoup fait, si je puis parvenir à indiquer les noms des hommes illustres qui ont fait la dépense de ces beaux édifices, les réunir avec vérité aux prénoms qu'ils portent, et déterminer à la fois, à quelle époque, pour quel motif, par qui, et pour qui ont été consacrés ces deux bâtiments, qui ayant une analogie évidente, et des rapports certains, semblent être opposés entre eux ; puisque l'un n'a pu être érigé qu'à la gloire d'un héros vivant, et l'autre à l'honneur d'un grand, ou d'un prince décédé.

J'aurais désiré de pouvoir me dispenser de faire ici la description de ces deux édifices, mais je sens que l'explication que je dois en donner, nécessite que je traite cette matière au moins sommairement, puisque je serai dans le cas d'indiquer que la représentation des quatre bas-reliefs concorde avec l'inscription, dans le sens que je lui prête.

Description

L'arc de triomphe qui existe au nord et tout près du mausolée, est assez bien conservé depuis sa base jusques au-dessus de l'archivolte ; mais la partie supérieure est depuis longtemps ruinée. Toute l'architecture de ce monument repose sur un socle, aujourd'hui élevé hors de terre d'environ 90 centimètres, au-dessus duquel ont été placés deux pieds-droits, ou pilastres d'ordre dorique, qui forment l'entrée du portique qui est au centre de l'édifice, et dont les chapiteaux, servant d'imposte à l'arc, reçoivent à plomb la retombée de l'archivolte, qui fait retraite de 25 centimètres. La hauteur de ces pilastres, y compris le chapiteau et la base, est de 3 mètres 97 centimètres ; et celle du cintre de l'arc, de 2 mètres 70 centimètres. La largeur du portique, prise au-dessus du socle, est de 4 mètres 98 centimètres ; et l'édifice a de longueur totale 13 mètres 30 centimètres, sur une largeur de 5 mètres 61 centimètres : sa hauteur, jusqu'à la bâtisse moderne, est environ de 9 mètres 47 centimètres. Tous ses ornements forment retour et la même saillie sous le portique, dont les murs se trouvent par-là enrichis de moulures, et par conséquent du seul embellissement dont ils étaient susceptibles à défaut de bas-reliefs. La corniche y forme avec l'astragale, qui est au-dessus du fût des pilastres, une espèce de frise qui se répète aussi sous le portique, sur laquelle on remarque divers instruments de sacrifices, réunis à des enseignes militaires.

L'archivolte est ornée sur chacune des faces de ce monument, de pommes de pin, de branches de lierre, de tiges d'oliviers, et de raisins enlacés de rubans ; et en dessous du portique, de fleurons, et de brindilles légèrement tracées.

La voûte du portique est entièrement décorée de caissons hexagones dont les moulures sont chargées d'oves, et le fond garni de rosaces infiniment variées. Sur chacun des côtés du portique, et au-devant des massifs en maçonnerie qui soutiennent tout l'édifice, s'élèvent, sur des piédestaux, deux colonnes cannelées qui, si l'on en juge par leur légèreté, semblent appartenir à l'ordre corinthien ou à l'ordre composite. La corniche et la base de ces piédestaux, dont la hauteur est à peu près égale à la moitié de celle des pilastres qui supportent l'arc, sont continuées en dehors sur les faces latérales ; comme celles des pilastres le sont sous le passage du portique. Elles s'étendent sur un embasement formé par la retraite du mur supérieur, dans lequel les piédestaux sont engagés, et qui règne sur tout le pourtour extérieur de trois faces de chaque côté de l'édifice.

Chacun des quatre angles extérieurs de ce monument est orné de colonnes adossées, engagées par quart de leur diamètre dans le mur contre lequel elles sont placées : et par cette heureuse disposition, chacune des quatre faces est également décorée de tous les ornements qu'elle pouvait comporter. Leurs bases sont attiques, et leurs fûts inégalement tronqués. Celles qui sont posées aux extrémités, ne s'élèvent guère au delà du renflement : celles qui sont placées immédiatement aux côtés du portique, moins délabrées, ont encore conservé les deux tiers de leur hauteur primitive ; une seule s'élève à très-peu près à la hauteur du niveau de la clef de l'archivolte, et a 3 mètres 81 centimètres de hauteur ; elle fait face au levant.

Sur les deux côtés de ce monument, qui sont disposés à l'aspect du couchant et du levant, on trouve, dans chaque entre-colonnement, à environ 1 mètre 28 centimètres de haut, au-dessus des piédestaux, une corniche qui sert de console à des groupes de deux figures adossées contre le mur. Ces corniches sont exactement au niveau des chapiteaux des pilastres qui supportent l'archivolte, et ne s'étendent pas jusqu'aux colonnes, dont elles sont détachées par une distance égale à celle qui sépare les chapiteaux des pilastres de ces mêmes colonnes. Les statues qui sont sur la face du levant, représentent de chaque côté une figure d'homme, et l'autre de femme, ayant toutes les deux les mains liées, et enchaînées à un arbre placé entre deux. Ces figures de captifs ont 2 mètres de hauteur. Celles qui existent sur la face occidentale représentent aussi deux femmes, à côté de deux hommes : l'une porte la main sur le bras d'un guerrier enchaîné ; et l'autre, qui parait assise, ayant sous ses pieds des boucliers, des faisceaux d'armes, et des trompettes guerrières, est aussi placée à côté d'un captif également enchaîné contre un arbre, les mains liées derrière le dos. Ces figures sont pour la plupart mutilées, et deux têtes seulement ont échappé aux ravages du temps. Derrière ces quatre groupes, on remarque des draperies qui partent du dessus de leurs têtes, et retombent avec grâce jusques sur les consoles où ces figures sont placées.

Deux bas-reliefs représentant des renommées ornaient, sur chacune des grandes faces, les voussoirs qui entouraient l'archivolte ; et malgré tout le délabrement de cette partie supérieure du monument, l'on en voit encore quelques légères traces du côté du couchant, où elles tenaient dans leurs mains des branches de lauriers. Celles qui décorent la face orientale sont mieux conservées. Elles portaient des étendards nommés labarum, au lieu de branches de lauriers ; et l'on peut dire que l'une de ces deux figures est à peu près dans son entier.

Enfin sur les deux côtés qui formaient la largeur de cet édifice, on voit encore contre le mur du fond, et entre les colonnes qui décorent les angles, des restes de consoles qui devaient autrefois supporter des figures dont on ne découvre aujourd'hui plus de traces : on y aperçoit seulement de faibles fragments de brindilles qui indiquent que ces deux parties, qui font face au nord et au midi, avaient été décorées avec autant de soin que les faces principales de ce monument.

Le second édifice est un mausolée, ou plutôt un cénotaphe (Les Anciens appelaient cénotaphes, les tombeaux qui ne contenaient pas les corps, et qui n'etaient, par conséquent, que leur représentation.) à quatre faces qui répondent à peu près chacune à l'un des quatre points cardinaux du Monde.

Il s'élève avec élégance et majesté, sur un socle carré construit en gros quartiers de pierres, à 19 mètres 3 centimètres, dans œuvre, non compris l'épaisseur de la pierre qui scelle la couverture conique, et y forme deux étages richement ornés de pilastres, de colonnes et de frises travaillées avec beaucoup de goût. Le premier de ces étages faisant retraite sur le stylobate ou piédestal, et le second paraissant, par sa forme ronde, le faire sur le premier, donnent au monument une forme pyramidale, terminée par une couverture en cône, qui frappe agréablement la vue. Leurs dimensions en hauteur sont toutes inégales ; et c'est sans doute à raison de leur élévation respective que l'architecte en a réglé les proportions. Le stylobate n'a en totalité, même en y comprenant les deux gradins pour y arriver, que 4 mètres 95 centimètres. Le premier étage au contraire a 6 mètres 6 centimètres, et le dernier étage, y compris le dôme qui parait être un hors-d'œuvre, 8 mètres 2 centimètres.

La première marche de cet édifice a de longueur 6 mètres 75 centimètres, et de hauteur 34 centimètres. La seconde fait retraite sur la première, de 1 mètre 1 centimètre ; elle n'a par conséquent que 5 mètres 74 centimètres de long, sur une hauteur de 62 centimètres. Elle se trouve par-là plus élevée que la précédente, de 28 centimètres. La base et le socle du stylobate réunis ont de hauteur 1 mètre 44 centimètres, et de longueur 5 mètres 15 centimètres.

Les quatre faces de ce piédestal sont chargées de bas-reliefs qui, représentant divers sujets de batailles dont les figures sont presque de grandeur naturelle, portent, par la beauté des formes, la régularité des contours, et la correction du dessin, ce ton de grandeur et de noblesse qui agrandit les idées et élève l'âme, cette forte expression des passions qui exclut tout ce qui n'appartient pas essentiellement au caractère. Chacun de ces bas-reliefs a de hauteur 2 mètres 19 centimètres, et de longueur 3 mètres 37 centimètres ; les figures droites qu'ils représentent ont de hauteur 1 mètre 33 centimètres.

Le bas-relief du côté du nord représente un combat de cavalerie.

Sur celui du couchant, qui représente un combat d'infanterie, on remarque dans le premier plan, et au milieu de la mêlée, le corps d'un guerrier étendu par terre, que des soldats s'empressent d'enlever, tandis que d'autres font tous leurs efforts pour s'y opposer.

Le bas-relief du midi offre l'image d'un champ de bataille, après une action sanglante. On y voit un mélange confus de gens à pied et à cheval, de morts, et de mourants. On y aperçoit, d'un côté, un sanglier entre les jambes des soldats ; et de l'autre, une femme qui parait nue, étendue devant un cheval cabré que des soldats semblent vouloir arrêter. Au centre du bas-relief est un vieillard mourant, entouré de plusieurs personnes ; et à l'une de ses extrémités l'on voit un soldat tenant sur son épaule une masse d'armes qui, n'ayant pu être représentée dans l'étendue du tableau, a été, par le [... texte indisponible ...] et qui sont si hideuses, qu'on les prendrait pour autant de masques, sur lesquels le caprice de l'ouvrier s'est plu à rassembler tout ce que son imagination a pu lui présenter de ridicule ou de grotesque.

Sur ce piédestal s'élève un premier étage carré, et percé d'un arc sur chaque face, en forme de portique. La longueur de sa base, dans tous les sens, est de 4 mètres 33 centimètres ; et sa hauteur d'environ 49 centimètres. L'édifice qui est en dessus, faisant retraite de 38 centimètres et demi à chacune de ses extrémités, n'a plus que 3 mètres 57 centimètres, d'un angle à l'autre, portant sur l'axe des colonnes.

L'archivolte de ces arcs est ornée de moulures, et enrichie par des enroulements de feuillages. Elle retombe sur des pilastres absolument unis, dont les chapiteaux ressemblent beaucoup à ceux de l'ordre dorique. Ils ont 3 mètres de hauteur, y compris bases et chapiteaux, sur lesquels l'archivolte fait retraite de 12 centimètres. Sur la clef de chaque arcade est sculpté un masque de jeune homme, surmonté de deux ailes.

L'ouverture de chacun des quatre arceaux est de 1 mètre 31 centimètres ; et la hauteur de leurs cintres, de 69 centimètres.

Les quatre angles de Cet étage sont ornés d'une colonne cannelée, à base attique, dont le chapiteau très-délicatement travaillé, paraît appartenir à l'ordre corinthien, quoique le fût renforcé semblé l'éloigner des proportions affectées à cet ordre. C'est sans doute en vue des masses que cet étage avait à supporter, que l'architecte en a doublé la force. Ces colonnes ont de hauteur 4 mètres 15 centimètres, y compris bases et chapiteaux. Elles soutiennent un entablement qui sert de couronnement à cet étage et dont les proportions se rapporteraient plutôt à l'ordre composite, qu'au corinthien. Elles se trouvent engagées dans l'angle du mur, de manière que celui de la frise, au lieu de retomber à l'aplomb de la ligne extérieure du fût, selon l'usage reçu, repose au contraire sur l'axe de la colonne. Cette exception aux règles parait avoir été pratiquée par l'architecte, pour éviter le mauvais effet qu'aurait produit le renfoncement des pilastres et des archivoltes, sous la saillie de l'architrave.

La frise de cet entablement est chargée d'ornements de sculpture représentant, du côté des angles, des monstres marins ailés ; et dans le centre, des sirènes tenant des patères, instruments de sacrifices ? qui indiquent que celui en l'honneur de qui a été érigé ce monument, était revêtu du souverain sacerdoce, comme il sera bientôt démontré. Ces sirènes ont aussi des ailes ; mais elles sont découpées comme celles des chauve-souris, et telles qu'on les voit sur d'autres édifices. Ces figures de caprice ne sont pas, au reste, parfaitement uniformes sur les diverses faces de ce bâtiment.

Enfin l'architrave, la frise, et la corniche formant le couronnement total de cet étage, ont ensemble une hauteur d'un mètre 42 centimètres ; et la corniche, qui fait saillie de 32 centimètres 7 millimètres, a de longueur 4 mètres 31 centimètres 2 millimètres.

Au-dessus de ce premier étage s'en élève un second de forme ronde, sur le socle duquel sont distribuées dix colonnes qui supportent un entablement circulaire. Leurs bases sont attiques, et leurs chapiteaux semblables à ceux de l'étage inférieur ; mais avec cette différence, qu'elles sont plus dégagées et moins renforcées, tant à raison du moindre poids qu'elles ont à supporter, qu'en vue de leur moindre hauteur, qui en a par conséquent fait réduire le diamètre, et les a par-là rapprochées davantage des proportions affectées à l'ordre corinthien. Elles sont cannelées, comme celles qui sont placées aux angles du premier étage. Les moulures sont aussi plus délicates et plus riches que dans l'étage en dessous ; et la frise est ornée d'un enroulement de feuillage bien travaillé, et disposé avec goût

Une coupole parabolique termine agréablement cet édifice à jour, au milieu duquel étaient placées deux figures d'hommes revêtues de la toge, qui restèrent longtemps renversées et appuyées contre les colonnes. Elles ont été redressées sur leurs bases, et remises à leur place depuis plusieurs années. Leurs tètes, dont elles avaient été privées, et qui selon l'opinion commune, avaient été sciées pendant la nuit, par l'ordre de quelque curieux qui les avait richement payées et fait enlever pour les conserver dans quelque cabinet, ont été en même temps remplacées par de modernes qui malheureusement sont sans goût, sans proportions, et contrastent, d'une manière désagréable avec la richesse et la beauté de l'antique. Ces statues ont de hauteur 1 mètre 99 centimètres 7 millimètres, ou 6 pieds 4 pouces 6 lignes, les têtes restaurées non comprises.

Les murs de cet étage sont parallèles et à l'aplomb de ceux de l'étage inférieur. Ils ne font par conséquent retraite que par l'effet de la saillie de la corniche qui est au-dessous. Le socle et la base ont 3 mètres 30 centimètres et demi de longueur, et 1 mètre 1 centimètres et demi de hauteur. C'est dans l'intention de faciliter la vue de toutes les parties de l'édifice, que l'architecte leur a donné une hauteur aussi grande, et qui égale presque le quart de son élévation totale jusqu'au dôme. Il avait senti que l'angle des rayons visuels devenant plus petit à raison de l'éloignement des objets, il devait leur donner des dimensions plus fortes que dans les étages inférieurs. Les colonnes, y compris leurs bases et chapiteaux, ont de hauteur 3 mètres, et 1 mètre 30 centimètres de circonférence mesurée au bas de leur fût. Le couronnement de cet édifice, composé de l'architrave, d'une frise et d'une corniche, a 1 mètre de hauteur, et 47 centimètres de saillie ; et enfin le dôme ou couverture en forme de cône qui le termine, a de hauteur dans œuvre 3 mètres, qui réunis aux 5 mètres 2 centimètres d'élévation, qu'ont ensemble le tourillon, la base, les colonnes, et l'entablement de cet étage, forment la hauteur totale de 8 mètres 2 centimètres, et par conséquent une hauteur plus grande que celle de l'étage inférieur, qui (comme il a été dit ci-devant) n'a que 6 mètres 6 centimètres de haut, et conséquemment bien plus grande encore que celle du stylobate et de ses deux marches réunies qui ne forment qu'une élévation totale de 4 mètres 95 centimètres.

Inscriptions

Sur l'architrave de l'entablement du premier étage de ce monument, et à l'aspect du nord, on lit l'inscription suivante, dont les lettres disposées sur une seule ligne sont gravées dans la pierre :

SEX. L. M. IVLIEL C.F. PARENTIBVS. SVEIS.

Quoique l'on connaisse déjà dix ou douze interprétations différentes de cette inscription, on peut dire, avec vérité, qu'aucune d'elles n'a pu résoudre le problème, ni éclaircir les difficultés que présentent les sigles qui la composent, et le mot IVLIEI qui se trouve au milieu. Sur ce nombre même, à peine en est-il trois qui méritent d'être rapportées : tout le reste doit être rejeté, comme opposé au style lapidaire, et contraire au bon goût. D'ailleurs ces dernières explications, au lieu de répandre quelque clarté sur l'état de la question, ne servent au contraire qu'à l'obscurcir, et à détourner l'esprit du but et de la route qu'il faut prendre, pour parvenir à un résultat instructif, et qui puisse fixer les doutes des curieux par une opinion plus vraie, exempte par conséquent des défauts qui les caractérisent.

Je me bornerai donc à l'examen de ces trois principales opinions successivement publiées par M. l'abbé Barthélemy, par MM. de Mautour et Bouche, et enfin par M. Suarès, qui seules présentent trois sens divers, puisque les autres n'en sont que des répétitions ou des nuances ; et après avoir, le plus brièvement possible, discuté ce qu'elles peuvent avoir de vrai ou de contraire à l'histoire et aux usages des Romains, je me permettrai seulement de communiquer au public mes conjectures sur cette inscription, sans prétendre en fixer irrévocablement le sens, ni même infirmer ce qu'en ont pu dire ces savants.

M. l'abbé Barthélemy, qui en avait obtenu une copie plus exacte que celle sur laquelle avaient travaillé les autres écrivains, dont je ferai bientôt mention, a aussi émis une opinion plus rapprochée de la vérité. Les trois premiers mots, parmi lesquels se trouvent deux sigles, ou lettres initiales, ont été par lui considérés comme des prénoms, et rendus par ceux de SEXTVS, LVCIVS, MARCVS, et c'est sous cette forme, en effet, que tous les anciens monuments rendent les abréviations de ces mêmes prénoms ; et que les historiens, les orateurs, etc. en ont fait usage, comme le prouvent leurs écrits presque à chaque page. Mais les deux derniers sigles C. F. qui suivent le mot IVLIEI, doivent-ils être expliqués de la même manière, par Caii Filii, et être joints à Juliei qui précède ; de sorte que le sens de ces trois mots soit Julii Caii Filii, comme l'a pensé cet homme justement célèbre ?

S'il en était ainsi, l'on aurait lieu d'être étonné que le prénom de Caïus donné à un membre de la race des Jules, au lieu de précéder le nom de famille, eût été placé à sa suite, contre toutes les règles établies et constamment suivies à Rome, comme dans tout le reste de l'Empire, soit sur les monnaies, suit dans les inscriptions. Les Romains, dit Pausanias, n'imitèrent point les Grecs, qui n'avaient qu'un seul nom, mais en prirent quelquefois trois, et souvent quatre. Ils avaient tiré cette coutume des Albains et des Sabins dont ils étaient issus. On les désignait par les mots prœnomen, nomen, cognomen, et agnomen, et comme pous disons aujourd'hui, prénom, nom, surnom, et sobriquet. Le premier ou le prénom serrait à distinguer chaque personne ; le second désignait la race d'où sortait l'individu ; le troisième indiquait la famille, qui était une branche ou division de la race ; et le quatrième enfin était celui qui était ajouté aux précédents, soit à cause d'une adoption, ou pour quelque grande action, et quelquefois enfin pour quelque défaut naturel, comme l'a fort bien observé Appien. Cette distinction fondée sur la nature des choses, et l'ordre établi par un usage constant, ne fut jamais intervertie, et ne pouvait l'être : car les Anciens ne s'étaient pas avisés de placer, comme nous, les prénoms des personnes, entre deux parenthèses, après les noms de famille. Il faut donc nécessairement interpréter ces deux derniers sigles C. F. par d'autres mots que ceux de Caii Filii ; et l'on se verra forcé encore à le faire, si l'on se trouve dans l'impossibilité de déterminer par l'histoire, qui est ce Julius Caïus, qui est supposé père de trois fils qui portèrent les prénoms de Sextus, Lucius, et Marcus, et de retrouver, soit dans les annales, soit dans les fastes du Capitole, un nom qui pourtant devait être connu par des exploits et des triomphes, comme d'un autre côté celui des enfants devait l'être par les plus éminentes charges de l'État, auxquelles la gloire de leur père devait les avoir appelés : observation qui doit nous faire sentir, que l'interprétation de M. Barthélémy n'est pas exacte dans toutes ses parties, et que cette inscription présente un tout autre sens.

Il est vrai que le mot IVLIEI peut être employé pour Julii. Les Romains faisaient souvent usage de la diphthongue EI pour l'I, comme pour l'E. L'inscription que je cherche à expliquer nous en donne la preuve, et l'on en trouve une foule d'exemples dans les recueils de Gruter et de Muratori. Mais est-il bien certain que ce mot soit au second cas du premier nombre de sa déclinaison ? C'est ce qui sera soigneusement discuté dans la nouvelle opinion que je me suis formée de ce monument, et que je n'ose avancer que comme une conjecture.

M. de Mautour, à qui on n'avait fourni en 1729 qu'une copie infidèle de cette inscription, qui, au lieu du mot IVLIEI, portait celui de IVLIAE. I. n'a pas été plus heureux, en attribuant cet édifice à un Sextius de la famille de Caïus Sextius Calvinus, Consul romain, qui fut le fondateur ou le restaurateur de la ville d'Aix, l'an 630 ou 631 de Rome. Il a supposé d'abord, « que le Sextius du monument avait » pour prénom celui de Caïus marqué par un C que le temps peut avoir effacé, ou que le dessinateur peut n'avoir pas aperçu. Car ce prénom était attaché à la famille de Sextius, comme le porte une inscription découverte à Rome, en 1563, » qu'il a citée ; et passant ensuite à l'explication des lettres que portent la copie qui lui avait été transmise, il a expliqué le sigle L, qui suit le nom de Sextius (selon son opinion), par Lucius ; et, en continuant d'expliquer les lettres initiales, si fréquemment employées sur les anciens monuments, il a cru « que la lettre M, qui précède le mot Julice, devait signifier Maritus, que l'on trouve fréquemment dans les épitaphes, et que l'I qui le suit devait être traduit par le mot Incomparabilis, également usité dans les inscriptions tumulaires. »

Par suite de cette erreur, il a dû nécessairement supposer encore (comme il a fait), « que le Sextius du monument avait épousé une Julie de l'ancienne famille des Jules, et qui était alliée à Julie tante paternelle de Jules César, et femme du grand Marius, qui, vingt-deux ans après la victoire remportée par C. Sextius sur les Saliens, défit aux environs de la ville d'Aix les Cimbres du Nord, les Teutons de la Germanie, et les Ambrons de la Gaule Lyonnaise, comme le rapporte Plutarque » : de sorte que le Corps entier de l'inscription serait conçu en ces mots :

Caïus SEXtius Lucius Maritus IULIAE Incomparabilis Curavit Fieri PARENTIBUS SUIS.

Ce qu'il à traduit de la sorte : Caïus Sextius Lucius, mari de Julie, a fait ériger ce monument à la mémoire de ses ancêtres et des victoires par eux remportées dans la Provence, qui en différentes occasions a été le théâtre de la guerre des Romains.

A l'appui de cette explication, il a observé que quoique l'expression de parentes ne signifie proprement que le père et la mère, néanmoins, suivant les anciens jurisconsultes, elle s'étend en ligne ascendante jusqu'au degré de grand-père du trisaïeule, et de grand'mère de la trisaïeule inclusivement.

Indépendamment de l'erreur qui a fait attribuer ce monument à un Sextius, descendant de Caïus Sextius Calvinus, prétendu mari de Julie descendante de la race des Jules, que M. de Mautour assure avoir été alliée à Julie tante paternelle de Jules-César ; cette interprétation renferme plusieurs défectuosités, que Je me bornerai à indiquer, sans entrer dans aucune discussion. Elle se fait d'abord remarquer par le même défaut qui s'est glissé dans celle de M. l'abbé Barthélemy qui, comme je l'ai dit, a dans sa construction placé un prénom après le nom de famille, ce qui est contraire à l'usage des Romains. Ainsi le prénom de Lucius, placé par M. de Mautour après le nom de Sextius, ne peut pas mieux figurer, dans cette inscription, que celui de Caïus après le nom de Julius, comme l'a disposé M. l'abbé Barthélemy.

Rien n'indiquant qu'avant les trois premières lettres du mot SEXTIVS il ait existé un sigle C, et personne jusqu'ici n'en ayant découvert les traces, il est à présumer, et même il est certain, que l'inscription ne commençait pas par ce caractère ; et que par suite, au lieu que les trois lettres SEX soient les initiales d'un nom de famille, elles ne présentent au contraire d'autre idée que celle d'un prénom, tels que sont les deux mots suivants, indiqués simplement par des sigles, ou lettres premières, de chacune des deux expressions qu'elles représentent respectivement.

Quant à l'M, que cet académicien a interprété par Maritus, je ferai observer qu'à la Vérité Ce mot se rencontre souvent sur les épitaphes ; mais que jamais on ne l'y a vu par abréviation en une seule lettre : et que, si les Romains en avaient ainsi usé, il n'y aurait rien de plus obscur que leurs inscriptions, destinées à éclairer la postérité sur les événements qui pouvaient intéresser l'État ou les familles. J'en dirai encore autant de la lettre I, qui suit le mot Juliœ (au sens de cet auteur), et qu'il interprète par Incomparabilis : car j'avoue qu'en retrouvant souvent ce mot dans les épitaphes consacrées principalement à la mémoire des personnes du sexe féminin, je ne l'ai jamais vu exprimé par sigle, ni réuni à un nom de famille ; mais toujours au long et à la suite du titre de femme, d'épouse, ou de mère, et quelquefois d'époux.

Je dirai plus bas, que l'arc de triomphe qui est à côté de ce monument, et qui a une analogie évidente avec lui, ne permet pas de penser qu'il ait été érigé par Sextius Calvinus à l'honneur de ses ancêtres.

M. Bouche, ainsi que les divers écrivains dont il rapporte les opinions, s'est servi, pour son interprétation, d'une copie également infidèle : et tous ensemble, à l'exception de M. Suarès, évêque de Vaison, et des PP. Varadier et Georges, jésuites, ont lu IVLIAE. I. au lieu de IVLIEI, que porte l'inscription. C'est de cette méprise, que sont résultées tant d'explications réprouvées par l'histoire et par le style lapidaire : et c'est par elle aussi, que dénaturant le nom de la race des auteurs du monument, qui peut seul nous conduire à la solution du problème dont il est la clef, cet écrivain ne laisse plus subsister que des prénoms incertains, qu'il attribue successivement à un seul individu, qu'il suppose mari d'une Julie dont il ne nous indique pas, comme M. de Mautour, la famille ni l'alliance.

Voici donc comment il explique les nombreuses abréviations de ce monument, et comment il en compose l'inscription :

Sextus (Lucius Lœlius Liberius) Maritus Juliae (Istud Cenotaphium ou Intra Circulum) Fecit Parentibus Suis.

Ce qu'il traduit et commente à la fois par ces mots : Sextus.... à l'honneur de son père et de sa mère, ensevelis en cet endroit, et représentés par les deux statues, entourées de colonnes en la partie supérieure du mausolée.

Peu avant cette explication, il avait annoncé, que par les figures qui existent sur l'une des faces du piédestal, et sur le bas-relief qui envisage le couchant, et qui représente un cheval effaré, duquel on voit choir une noble dame, que quelques personnes à l'entour relèvent de terre, et les autres tendent les mains en haut, en signe d'étonnement et de douleur, on peut en quelque façon savoir au vrai le sujet de l'érection de ce mausolée, qui vraisemblablement a été dressé en l'honneur du père et de la mère (qui peut-être mourut de la chute d'un cheval) de celui qui le fit faire. Mais, comme l'observe judicieusement M. l'abbé Lamy, il n'y a point là de motif qui puisse faire construire un arc de triomphe, tel que celui qui existe trop près du mausolée, pour n'avoir pas avec lui des rapports immédiats ; surtout si l'on considère que l'inscription gravée sur l'architrave du monument, envisage l'arc triomphal, et rend en quelque sorte l'inscription commune aux deux édifices, pour servir d'explication à l'un et à l'autre à la fois.

Il est à regretter, qu'après avoir connu la véritable version de l'inscription, et avoir senti combien étaient dénuées de fondement les interprétations des divers auteurs dont il a fait mention, M. Lamy se soit borné, dans son Ouvrage, à décrire le matériel de ce cénotaphe, avec tous les détails possibles, et ne se soit aucunement occupé à chercher le véritable sens de l'inscription qu'il porte.

Une quatrième opinion, qui a été successivement mise au jour par Emile Ferret, jurisconsulte d'Avignon, par le P. Jean-Jacques, de l'ordre des Augustins, et par M. Joseph Marie Suarès, évêque de Vaison, tous les trois cités par M. Bouche, attribue l'érection de ces deux monuments à la VIe Légion des troupes romaines. Mais ces divers auteurs, d'accord sur le principe, ont singulièrement varié sur la composition générale de l'inscription. Le premier traduit les trois premiers mots par Sextœ Legionis Militibus, et passant ensuite à l'explication des trois lettres qui suivent le mot Juliœ, et dont il fait trois sigles, les rend par Julia Cœsaris filia, et termine sa version par ceux de Parentibus Suis. Le second commence aussi la sienne par Sextœ Legionis Militibus, mais il explique les trois lettres I. C F. qui suivent le mot IVLIA qu'il a cru trouver sur le monument, par Intra Circulum Fecit, expression inconnue dans les inscriptions, et termine par les mêmes mots Parentibus Suis. Le troisième enfin de ces écrivains a ainsi commencé sa leçon, Sextœ Legionis Milites, et l'a terminée par (Istud Cenotaphium ou Intra Circulum) Fecerunt Parentibus Suis.

Et par conséquent de la même manière que MM. Bouche et Budée, dont cet historiographe a aussi rapporté l'opinion.

En basant une nouvelle interprétation sur celle de M. Suarès, M. Meunier (dont il a été fait mention ci-dessus), qui avait pris sur le monument une copie plus correcte de l'inscription, en évitant l'erreur adoptée par MM. De Mautour, Bouche, et autres, sur le quatrième mot que l'on y lit en entier, ne l'a pourtant pas mieux expliquée, puisqu'il l'a composée comme suit : Sextœ Legionis Milites Juliei Cenotaphio Fecerunt Parentibus Suis. Et qu'il l'a traduite de la sorte : Les soldats de la sixième Légion de Julius l'ont élevé à leurs capitaines.

Il paraît que ces derniers auteurs se sont copiés les uns les autres, sans s'apercevoir que jamais dans les inscriptions le N° de la Légion n'a précédé sa dénomination ; que le N° affecté à chaque Légion, comme à chaque Cohorte, a dans tous les temps été exprimé en chiffre, comme le prouve cette multitude d'épitaphes que l'on trouve dans tous les recueils, et que nos villes jadis occupées par les Romains nous retracent si souvent aux yeux ; et enfin que le mot Légion y a constamment été rendu par le trois lettres LEG, et jamais par une L seule.

On peut donc établir avec certitude, que quoique la sixième Légion fut avec Jules-César dans les Gaules, comme le prouve Hirtius Pansa au 8e livre des Commentaires, qu'il a suppléé, et que les vétérans de cette même Légion eussent été envoyés dans la ville et colonie d'Arles, voisine des deux monuments, elle n'a jamais contribué à leur érection, comme principe de leur existence, ni par conséquent placé son nom sur un édifice qui ne lui devait pas son origine, et qui ne pouvait pas être construit en l'honneur des pareils d'une pareille multitude.

Le surplus des interprétations mentionnées par M. Bouche, et par lui attribuées à Michel Nostradamus, aux sieurs Mutonis, docteur en droit, de Bomy, professeur en droit, Jorna, jurisconsulte, et au P. George, jésuite, sont trop éloignées du bon goût pour mériter un examen particulier. Celle du P. Varadier, qui est conforme au style des monuments, manque malheureusement de vérité, et ne peut être prouvée par l'histoire : car il est impossible d'établir par elle, qui serait ce Sextus Lucius Maximus, fils de Jules Consul, qui aurait consacré cet édifice à ses parents ; surtout si l'on fait attention que le prénom Maximus a toujours été étranger à la famille des Césars, et que ceux de Sextus et Lucius, qui à la vérité lui étaient propres, n'ont jamais été cumulés avec lui sur la tête d'aucun des individus de toute cette race, qui, ayant été tous décorés du consulat, ou ayant occupé les plus hauts emplois militaires et les premières charges de l'État, nous sont par conséquent tous connus.

Si après tant d'écrivains, parmi lesquels on compte quelques hommes du premier mérite, il était permis de hasarder une opinion qui s'éloigne plus ou moins de la leur, et qui, en admettant une partie de leurs interprétations respectives, en compose une exempte au moins. des défauts qui ont été mentionnés. plus haut, je dirais, avant d'entrer en matière, qu'il n'est, dans toute cette inscription, qu'un seul mot qui puisse nous donner la clef de l'énigme parce qu'il est un nom de famille, et qu'il peut seul, par les prénoms qui le précèdent, nous faire connaître les auteurs des deux édifices, et les personnes en l'honneur desquelles ils les ont fait construire.

Relecture des inscription

Voici donc de quelle manière je lis l'inscription, et comment je l'explique ;

SEXTVS. LVCIVS. MARCVS. IVLIEI. CVRAVERVNT. FIERI. PARENTIBVS. SVEIS.

Sextus, Lucius, Marcus, (tous trois) de la race des Jules, ont fait élever ces monuments à la gloire de leurs parents.

On voit qu'à l'exemple de M. l'abbé Barthélemy, je fais des trois premiers mots, trois prénoms d'autant d'illustres Romains, tous liés par le sang, ou par alliance, et appartenants à la race Julia, parvenue au plus beau trône du monde ; et qu'adoptant la version de M. de Mautour, en sa dernière partie, j'explique les deux derniers sigles CF. par Curaverunt Fieri, au lieu de Caii Filii, comme les avait interprétés le premier de ces deux savants.

Avant d'entrer dans le détail des preuves destinées à soutenir mon opinion, je sens que je dois dire un mot des règles relatives aux sigles, ou abréviations par lettres initiales, dont l'oubli a fait mettre au jour, par des hommes très-instruits, tant d'explications absurdes ou obscures, qui ne présentent à l'esprit que des doutes et des incertitudes, au lieu de l'éclairer sur la partie historique de ces monuments, qui peut seule intéresser les curieux. Elles exigent d'abord que ces initiales présentent aux yeux, soit par l'arrangement qu'elles ont entre elles, soit par la place qu'elles occupent dans le discours, une suite d'expressions connues ; et en second lieu, qu'elles soient rarement, pour ne pas dire jamais, susceptibles de diverses interprétations, comme sont le S. C. Senatus Consulto, D. D. Decreto Decuriorum, S. P. Q. R. Senatus Populus Que Romanus. Il résulte de ces observations, que les sigles qui précèdent les noms de famille, sont inévitablement des prénoms, et que par conséquent dans l'inscription dont il s'agit, l'initiale M, qui est avant le mot IVLIEI, ne peut pas être traduite par Maritus ; que les deux derniers sigles CF. ne peuvent pas être rendus par Caii Filii, par la raison que chez les Romains il était contre les règles de placer les noms avant les prénoms ; et enfin que le mot Caïus ne peut pas être considéré comme surnom, ce qu'il faudrait admettre de rigueur pour qu'il fût à sa place. S'il en était autrement, la même lettre M pourrait signifier Marcus, comme on le voit dans tant d'inscriptions, Maritus, comme l'ont supposé M. de Mautour et quelques autres auteurs déjà cités, et enfin tant d'autres choses dont les dénominations commenceraient par le même caractère ; d'un autre côté les deux lettres C. F. qui sur tant de monuments ne peuvent être interprétées que par Curavit ou Curaverunt Fieri, pourraient encore présenter à l'esprit l'idée de Caii Filii, Caii Frater, Consulis Filius, Caesaris Filius, etc. dès lors les inscriptions, au lieu d'éclairer la postérité sur l'histoire des peuples, ne serviraient au contraire qu'à obscurcir les connaissances déjà acquises par les monuments

historiques : car les fastes et les annales de Rome ne nous donnant à connaître d'autre individu de la race Julia, qui ait porté le prénom de Caïus depuis l'an 487 jusqu'au temps d'Auguste, que Caïus Julius César, qui fut marié à Aurélia fille de Caïus Cotta, et Caïus Julius César son fils, qui fut dictateur perpétuel, et n'eut, d'après les auteurs, d'autres enfants mâles, que Brutus de Servilie, et Césarion de Cléopâtre : il est impossible de supposer que SEXTVS, LVCIVS, et MARCVS, dénommés eu l'inscription, aient été fils de Julius Caïus ou Caïus Julius

Auguste, successeur de Jules César, reçut il est vrai le prénom de Caïus, mais il ne porta jamais, avant d'être adopté, le nom de César ni de Julius, par la raison qu'il était de la race Octavia ; et après son adoption, il ne fit qu'ajouter à son prénom, le nom de César, qui était celui de la famille de son père adoptif, qui était en même temps son grand oncle.

Le fils aîné d'Agrippa et de Julie fut bien aussi nommé Caïus, du prénom d'Auguste son grand-père maternel ; mais il ne fut jamais appelé Jules, et n'ajouta à son prénom que le titre de César, que reçut à son tour son frère Lucius, ainsi nommé du prénom de son grand père paternel : et enfin Caligula fut le dernier des Césars par adoption qui reçut le prénom de Caïus.

Il serait inutile de remonter aux premiers siècles de la République Romaine pour y chercher un Julius Caïus. On ne rencontre ce nom ni sur les marbres du Capitole ni dans les annales de Rome. On y voit, à la vérité, depuis l'an 265 de la supputation de Varron jusqu'à l'an 375, et conséquemment pendant un espace de 110 ans, divers individus, Consuls ou Tribuns militaires, qui ont été connus par les prénoms, noms, et surnoms, de Caïus Julius lulus ; mais jamais le mot Caïus n'y est employé en surnom. De cette époque jusqu'à l'an 487, c'est-à-dire pendant 112 ans, on ne retrouve ce même prénom qu'une seule fois en Caïus Julius Libo, qui fut Consul avec Attilius Regulus ; et depuis cette année enfin jusqu'en 664, et par conséquent pendant 177 ans, on ne le voit plus que dans Sextus Caïus Julius Cesar qui fut Consul avec P. Rutilius Rufus.

Le premier individu de la famille des Jules, qui a porté le prénom de Sextus, est Sextus Julius Iulus qui fut Tribun militaire en 330, selon le même calcul de Varron, et en 329, selon les marbres capitolins ; et de là jusqu'en 597 on ne le retrouve plus qu'en Sextus Julius Cesar qui fut Consul avec L. Aurelius Orestes en 673, Sextus Julius Cesar fils du précédent, fut Consul avec L. Marcus Philippus ; et l'année suivante Sextus Caïus Julius Cesar, dont il vient d'être fait mention, fut Consul avec P. Rutilius Rufus.

Le prénom Lucius est plus ancien dans la même famille que celui de Sextus : on le voit, dès l'an 316, en Lucius Julius Iulus Tribun militaire, c'est-à-dire 437 ans ans avant J. C. On le retrouve encore en 324, en 351, et successivement jusqu'en 366. Depuis cette époque on ne le voit plus jusqu'en 690, année en laquelle Lucius Julius Cesar fut Consul avec L. Marcus Figulus.

Il ne sera pas inutile de faire observer ici, que les prénoms de la branche mère, et par conséquent la plus ancienne de la race Julia, ont été, exclusivement à tous autres, ceux de Caïus et de Lucius, qui furent réunis aux noms et surnoms de Julius Iulus ; que ceux de la branche des Césars qui fut la cadette, furent indifféremment Sextus, Caïus, et Lucius ; et enfin que celle des Bursions n'en eut d'autre que celui de Lucius, qui est du moins le seul qui soit parvenu jusqu'à nous. D'où il est facile de conjecturer, que les deux illustres Romains Sextus et Lucius, dénommés en l'inscription, étaient de la branche des Césars, et qu'ils avaient consacré ces monuments à des princes de la même famille, comme il sera bientôt expliqué.

Il est souvent fait mention, dans les Commentaires sur la Guerre des Gaules et la Guerre Civile contre Pompée, de Sextus Julius, et de Lucius Julius, père et fils, qui furent lieutenants généraux dans l'armée de Caïus César leur parent. On lit au liv. 2 : que Sextus fut envoyé auprès de Varron lieutenant général de Pompée pour recevoir la Légion qu'il offrait de remettre à César. Il est dit au liv. 7, chap. 65 de Bell. Gall. : que Lucius n'avait que 22 Cohortes pour soutenir les diverses attaques des Gaulois, et qu'avec ce faible secours il était obligé de faire face partout. Et enfin il est fait mention du jeune César, connu aussi sous le prénom de Lucius, au premier liv. sur la Guerre Civile, chap. 8, et au liv. 2, chap. 23.

D'après ces premières notions il est permis de conjecturer que les deux princes Sextus et Lucius, dont l'inscription porte les noms, ne sont autres que Sextus Julius et Lucius Julius Cesar, lieutenants généraux de l'armée commandée par Jules César leur parent ; et qu'en conséquence ils ont pu se dire membres de la race Julia, par le mot IVLIEI qu'ils n'ont placé après tous les prénoms, que pour ne pas répéter autant de fois le nom de Julius qui leur était Commun. Toute la difficulté résiderait donc sur le troisième prénom Marcus, qui paraît étranger à cette même race, et qui l'était en effet dans la ligne de descendance. Mais si d'une part on fait attention que Jules César, à défaut d'enfant mâle qui pût succéder à son nom et à son trône, adopta avant sa mort Caïus Octavius petit-fils de sa sœur Julie, qui, par l'effet de cette adoption, passa dans la race Julia à laquelle il appartint par son origine maternelle, et par le droit que lui conférait le titre de fils adoptif de Jules César son grand oncle, auquel, pour jouir de la plénitude des avantages qu'il pouvait en retirer, il fit ajouter l'autorité et le sceau de la loi portée par les Curies, comme l'insinue Appien ; si d'autre part on observe que Marcus Vipsanius Agrippa, d'une famille d'abord peu distinguée, après s'être élevé par son rare mérite aux premières dignités de l'Empire, entra, par son second mariage avec Marcella fille d'Octavie nièce d'Auguste, dans la famille des Jules, et devint par son troisième mariage avec Julie, le gendre de cet empereur fils adoptif de Jules ; et que par cette alliance il acquit le titre de César qu'il transmit à ses enfans Caïus et Lucius ; et enfin que ces deux derniers princes furent à leur tour adoptés par Auguste leur grand-père maternel, on cessera d'être surpris que le prénom d'Agrippa se trouve réuni à ceux de Sextus et Lucius, et que le beau-fils d'Auguste, époux de sa fille Julie et père des héritiers présomptifs du trône des Césars, se soit dit de la race des Jules.

Il est vrai que le même sigle M. du troisième prénom que porte l'inscription, pourrait aussi convenir à Marcus Marcellus fils d'Octavie, et par conséquent neveu d'Auguste, et ensuite son gendre par son mariage avec Julie, puisque ce prince portait, comme Agrippa, celui de Marcus, et qu'il était comme lui de la race des Jules, par suite de l'adoption faite en faveur de son oncle, et mieux encore en vertu de son origine maternelle ; mais le peu de temps qu'il vécut ne permet guère de penser qu'il ait coopéré à l'érection de ces monuments.

Pour ne rien laisser en arrière de tout ce qui est possible, je dirai que cette même initiale peut aussi désigner Marc Antoine, qui était entré dans la famille des Césars, comme Agrippa, par son mariage avec Octavie sœur d'Auguste, qu'il avait épousée en troisièmes noces ; mais il n'est point à croire qu'ayant répudié cette princesse pour épouser, par un quatrième mariage, Cléopâtre reine d'Egypte, et après avoir totalement rompu avec Octave, avant même cette époque, il ait pu se réunir à Sextus et Lucius Julius, pour ériger, d'un concert unanime, un monument de gloire à la famille qu'il venait d'outrager. N'étant d'ailleurs point venu dans les Gaules depuis le partage de l'Empire, et ayant obtenu, lors du Triumvirat, le gouvernement de l'Orient, où il fit la guerre jusqu'au moment qu'il se réfugia en Egypte, où il se tua, pour éviter de tomber entre les mains victorieuses d'Octave qui l'y poursuivait, il paraît bien difficile de penser que son nom eût pu être associé à celui des Jules, qui précédait.

Il serait enfin permis de conjecturer que le prénom Marcus désigne Marcus Atius Balbus Aricinus, qui, ayant épousé Julie sœur de Caïus Julius César, était entré dans l'illustre famille des Jules, et qu'il pouvait par conséquent donner le titre de parent à Jules César son beau-frère, et avec bien plus de raison encore à Auguste, puisqu'en mariant Atia sa fille à Caïus Octavius, qui fut père de Caïus Octavius petit-neveu de Jules et son successeur au trône, il se trouvait grand-père maternel de cet empereur.

Cependant quelque vraisemblables que puissent paraître ces quatre explications du mot Marcus, je pense que l'on doit préférer la première : car la reconnaissance d'Agrippa pour la famille d'Auguste son bienfaiteur, son oncle, et ensuite son beau-père, jointe à son goût connu pour les monuments publics dont il avait enrichi Rome et les provinces ; et enfin le séjour qu'il avait fait dans les Gaules et dans la capitale des Volces Arécomiques, tout près des lieux où furent construits ces deux superbes édifices, ne permettent guère d'imaginer que l'idée de leur construction doive son origine à d'autres que lui.

Quoi qu'il en soit, il résulte toujours que c'est par trois membres de la race Julia qu'ils ont été érigés et consacrés à la mémoire et à la gloire de deux princes de cette illustre maison, dont les statues revêtues de la toge, comme la portaient les empereurs de Rome, peuvent encore être vues à travers les intervalles que laissent les colonnes qui supportent la coupole qui termine le mausolée : et que ces deux princes ne peuvent être que Jules César et Auguste, au premier desquels a été consacré le sarcophage, indiquant qu'il était décédé avant l'érection du monument ; et au second, l'arc de triomphe, annonçant qu'il avait été construit en l'honneur du prince qui lui avait succédé et qui occupait en ce moment le trône. Aussi je ne doute point que si les têtes de ces deux statues n'avaient pas été séparées de leurs troncs et enlevées par quelque curieux, comme on le soupçonne avec juste raison, l'une aurait été trouvée nue ou radiée, et l'autre couronnée de lauriers.

Je dois avouer ici qu'en retrouvant sur l'un de ces deux édifices les prénoms généralement connus de deux lieutenants généraux de César, ma première pensée fut que le troisième sigle devait aussi appartenir à un officier de même grade, et que ces trois illustres personnes, avaient fait élever ces monuments pour célébrer les victoires et éterniser la mémoire de leur général en chef, qui devint leur empereur. Mais en même temps se présenta à mon souvenir l'usage, constamment conservé à Rome, de varier, par les terminaisons, les différentes expressions homonymes dont on s'y servait pour dénommer des objets divers : et je me rappelai sans peine, que les officiers, les partisans de César reçurent la qualification de Juliani, et non de Juliei ; que ceux de Pompée étaient nommés Pompeiani ; ceux de Marc Antoine, Antoniani ; et enfin qu'antérieurement ceux de Sylla et de Marius avaient porté la dénomination de Syllani et Mariant ; que les enfants de Pompée, au contraire, avaient été nommés Pompeii, et que c'était sous ce nom qu'Aurélius Victor en avait fait mention, lorsqu'il avait dit, en parlant de César : Pompeios juvenes apud Mundam oppidum, ingentiprœlio vicit. (Additament. cap. i.) et que par la même raison les parents de cet empereur avaient dû être appelés Julii, et par la diphtongue Juliei, pour être distingués des officiers et soldats de son armée qui portaient le nom de Juliani.

Il n'y a assurément pas plus de difficulté d'adopter le mot Juliei ou Julii, et de l'approprier collectivement aux divers membres de la famille Julia, qu'il n'y en aurait de leur donner celui de Cœsares, dont s'est servi Florus. en ses histoires, liv. 4, chap. 3, même en un sens moins direct : et en effet César lui même s'en est servi, lorsque, dans la harangue funèbre qu'il prononça aux rostres en l'honneur de Julie sa tante paternelle, il a dit : Amitœ meœ Julice maternum genus ab regibus ortum, paternum cum Diis immortalibus conjunctum est ; nam ab Ânco Marcio sunt Mardi reges, quo nomine fuit mater : à Venere Julii, cuj'us gentisfamilia est nostra.

Il est donc impossible d'attribuer l'origine de ces monuments aux officiers ou aux partisans de Jules César, auxquels le titre de parent ne pourrait convenir, lors même qu'on voudrait le rapporter à la qualité purement honorifique de Parens Patriœ que le Sénat donna à César et à Auguste après leur mort, et après les avoir fait jouir, pendant leur vie, de celui de Père de la Patrie. On ne pourrait pas mieux en accorder l'honneur à trois affranchis de la famille des Césars, comme l'a prétendu un auteur anonyme, puisque les esclaves, après avoir recouvré leur liberté, ne donnaient aux maîtres qui la leur avaient accordée, que le nom de Patrons, et ne prenaient eux-mêmes à leur égard que celui de Liberti, comme on le voit dans tant d'épitaphes. Ainsi ce n'est que d'une véritable parenté, résultant d'une origine commune, qu'il faut entendre le mot Parentibus que porte l'inscription ; et ce n'est dès lors qu'à Jules César et à son successeur qu'ont pu être érigés les monuments que j'entreprends d'expliquer.

Si l'on considère la composition des quatre bas-reliefs qui ornent les quatre faces du mausolée, on s'apercevra qu'elle concorde avec l'explication qui vient d'être donnée, et qu'elle est véritablement l'abrégé des batailles et des triomphes du vainqueur des Gaules, de la Germanie, et de la Grande-Bretagne ; que le bas relief du levant, qui représente plusieurs femmes mêlées parmi des groupes de soldats disposés près d'un fleuve qui est sur le premier plan, nous retrace l'issue du combat contre les Germains, près du Rhin, et le triomphe de César sur Arioviste, dont les femmes et les filles furent prises ou tuées ; que celui du midi nous représente sa victoire sur les Allôbroges, et la prise de la fille d'Orgétorix, l'un des plus puissants seigneurs de ce pays, instigateur de cette guerre ; que celui du nord, qui nous offre l'image d'un combat de cavalerie, nous rappelle la victoire qu'il remporta sur les peuples de la Grande-Bretagne, commandés par Cassivellan roi des pays situés au delà de la Tamise ; et enfin que celui du couchant, qui représente un combat d'infanterie, nous retrace le tableau de la bataille qui eut lieu auprès de Lutèce, sur les bords de la Seine, et la mort du vieux Camulogène, général des troupes alliées de tous les peuples voisins, qui fut tué sur le champ de bataille, au milieu de ses soldats qui, enveloppés de toutes parts, périrent glorieusement dans leurs rangs : de sorte que l'on peut dire que ces quatre bas-reliefs sont les mémoriaux des quatre expéditions de César contre les Allobroges, les Germains, les Bretons, et les Gaulois.

Ce n'est qu'aux temps de la seconde monarchie romaine, que les arcs de triomphe devinrent des édifices somptueux. Comme ils n'avaient été d'abord destinés qu'à récompenser la vertu, ils furent dans l'origine fort simples et grossiers. Sous Romulus ils ne furent que de briques. Dans la suite on en érigea un à Camille en grosses pierres carrées, sans goût et sans ornement, que l'on peut encore voir à Rome, sur le chemin de Sainte-Marie sur Minerve ; et Fabius, après avoir vaincu les Allobroges, en fit bâtir un autre à peu près semblable dans la Voie sacrée, dont on voit les restes près du temple d'Antonin et de Faustine. Ils devinrent, sous les Empereurs, des édifices pompeux ; parce que l'ambition et la vaine gloire ayant pris la place de la vertu, on oublia les anciens principes et les règles de sagesse qui avaient porté les premiers Romains à respecter et ménager les peuples qu'ils avaient vaincus.

C'est à la vérité vers le déclin de la République, que les Romains s'avisèrent de faire représenter des jeux funèbres près des tombeaux des grands. On en trouve la preuve dans Tite Live, et dans Valère Maxime qui fait remonter la première origine des combats de gladiateurs à l'an 490 de Rome, selon la supputation de Vairon, et celle des combats des athlètes à l'an 647 du même calcul ; mais on n'en fit passer la représentation sur les tombeaux et les cénotaphes, qui d'après les lois anciennes ne comportaient aucune espèce d'ornements, que bien postérieurement à ces époques, lorsque l'austérité des moeurs primitives eut totalement disparu par l'introduction du luxe asiatique : et aucun Romain que je connaisse, jusqu'aux Empereurs, n'y fit graver des exploits et des triomphes. Il est par conséquent impossible que l'arc de triomphe et le mausolée de Saint-Remy puissent être attribués à C. Sextius Calvinus, et rapportés à l'an 630 y comme l'a pensé M. de Mautour, ou à C. Marias et Q. Catulus, comme l'avait publié en 1718 M. Peilhe, antiquaire d'Arles.

Les preuves matérielles viennent encore à l'appui de cette opinion : car il suffit de jeter un coup d'œil sur l'architecture de ces deux édifices, qui aux anciens ordres ont réuni le composite qui ne fut mis en usage que sous le règne d'Auguste ; et sur les ornements de la frise de l'arc triomphal, qui, représentant des instruments de sacrifices, mêlés à des enseignes militaires, nous annoncent les temps où les Empereurs, par une usurpation jusqu'alors inouïe, s'étaient rendus les arbitres suprêmes de la religion, pour être assurés de l'exactitude de cette dernière explication qui attribue la consécration de cet arc à un prince vivant revêtu du souverain pontificat, et être convaincus que l'époque de l'érection de ces deux monuments ne peut être reportée, par rapport à nous, plus loin que l'an 735, temps auquel Agrippa fut envoyé dans les Gaules par Auguste, pour aller soumettre les Cantabres, apaiser les mouvements, et régler les affaires de la province, ni plus près que l'an 741, époque à laquelle Auguste, par la mort de Lépide, fut élevé au souverain sacerdoce, comme l'avait été précédemment Jules César son oncle.

Enfin si pour opérer une entière conviction dans l'esprit des lecteurs, il pouvait encore manquer quelque chose aux preuves qui viennent d'être détaillées, on pourrait, par une comparaison simple et naturelle autant que noble, et digne de tous ceux qui en sont respectivement l'objet, faire disparaître tous les doutes. Supposons en effet qu'aujourd'hui Leurs Altesses Royales Monsieur, et ses augustes fils les Ducs d'Angoulème et de Berry, voulant ériger un monument de gloire à leurs ancêtres, comme autrefois les illustres membres de la race Julia, le fissent décorer d'une inscription portant ces mots : Charles, Louis, Ferdinand de Bourbon à leurs Parents ; pourrait-il exister en elle quelque équivoque, quelque obscurité ? Cette inscription ainsi conçue ne serait-elle pas essentiellement la même que celle que je viens d'expliquer ? et serait-il à craindre qu'après quinze ou dix-huit siècles elle pût être méconnue ? Non sans doute : car de même qu'à travers les diverses révolutions arrivées sur notre globe et le renouvellement des peuples, la gloire de ces héros des temps antiques est parvenue jusqu'à nous et passera à nos derniers neveux, de même l'homme instruit, dans les siècles futurs et jusqu'aux époques les plus reculées, ne pourra ignorer les noms des princes illustres qui auront régné sur notre patrie. Il se rappellera avec admiration et attendrissement. la gloire et les vertus civiles d'Henri IV, chef de l'auguste famille qui occupe le trône de France ; les guerres et les triomphes de Louis XIV et de Louis XV ; les malheurs de Louis XVI et de son Fils si digne des regrets de l'Europe dont il aurait fait les délices, et dont la mémoire sera aussi chère aux Français que celle de Marcellus le fut pour les Romains ; et enfin les vertus religieuses et morales, la haute sagesse, et l'inimitable bienfaisance de Louis XVIII glorieusement régnant, qui n'a connu aucunes bornes dans le pardon qu'il a généreusement accordé à tous ceux qui, sans cause et sans motifs, s'étaient faits les ennemis de son auguste famille, en ces temps de profonde calamité que le burin devrait se refuser à retracer, si le souvenir n'en paraissait utile à l'instruction des peuples.

Source : Monuments antiques de Saint-Remy par Paulin Malosse 1818.

photo pour Arc de triomphe

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 11404
  • item : Arc de triomphe
  • Localisation :
    • Provence-Alpes-Côte d'Azur
    • Bouches-du-Rhône
    • Saint-Rémy-de-Provence
  • Code INSEE commune : 13100
  • Code postal de la commune : 13210
  • Ordre dans la liste : 2
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : arc de triomphe
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Date de protection : 1840 : classé MH
  • Date de versement : 1993/06/04

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : 18 04 1914 (J.O.)
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : 1992
  • Photo : eb723a3b092200d0c4ce5440b189ecb4.jpg
  • Détails : Arc de triomphe : classement par liste de 1840
  • Référence Mérimée : PA00081438

photo : pierre bastien

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