photo : zenith
II naquit à Bourges, sur la fin du Ve siècle, avant le régne de Clovis, Ier roi chrétien. Les vertus et la science de saint Loup, évêque de Troyes, répandaient alors le plus brillant éclat dans toutes les Gaules. Le désir d'une vie parfaite conduisit à Troyes le jeune Aventin, et il se mit au nombre des disciples du saint pontife. Peu de temps après, saint Loup étant mort, saint Camélien monta sur le siège épiscopal. Il connut bientôt le mérite et la vertu d'Aventin, le mit au nombre de ses clercs et le fit économe de ses revenus. Le pieux régisseur s'acquitta de son emploi avec tant de prudence et de sagesse qu'il nourrissait non-seulement le clergé de la cathédrale qui vivait alors en commun, mais encore les pauvres, les veuves et les orphelins. Les actes de fa vie rapportent même que Dieu opéra des miracles pour faire éclater sa fidélité et sa charité, et que plus il dépensait pour les pauvres et infirmes, plus les biens croissaient entre ses mains.
La réputation de sa sainteté s'étant répandue, Aventin craignit que le démon ne se glissât dans son cœur. II prit la résolution de fuir le monde et de se retirer dans la solitude pour y vivre sous les yeux de Dieu seul. Il en demanda la permission à l'évêque, qui d'abord la lui refusa pour le retenir auprès de lui, afin d'édifier son peuple. Aventin, persévérant dans son dessein, réitéra ses demandes, et obtint enfin la permission qu'il désirait. Il se retira sous les murs de la ville auprès d'une chapelle déserte ou peu visitée, et y bâtit une chaumière où il vécut en anachorète.
Cette retraite ne fit qu'augmenter sa renommée. Les hommes qu'il fuyait allaient l'y trouver pour jouir de sa conversation et recevoir des instructions sur l'affaire de leur salut. Tant de visites lui firent connaître qu'il n'avait pas encore rempli son objet et qu'il n'était pas assez éloigné du commerce du monde. Il choisit une retraite plus éloignée, où est aujourd'hui la paroisse de Saint-Aventin-sous-Verrieres. Là, il fut appelé aux saints ordres, l'évêque lui conféra le diaconat et enfin la prêtrise. Ministre fidèle il s'adonna à la prière, à l'étude des saintes écritures et à la méditation de la science des saints. II montrait la piété la plus profonde dans la célébration des saints mystères. La plus sévère austérité était son occupation, la haire était son vêtement, le pain d'orge, les racines et un peu d'eau étaient toute sa nourriture vers le milieu de la semaine après trois jours de jeûne continuels ; enfin, il n'avait pour lit que des planches couvertes de peaux.
Si nous en croyons à ses actes, un ours furieux & poussant des cris épouvantables se présenta dans la chaumière du saint pendant la nuit. Aventin effrayé se mit en prière et s'abandonna aux soins de la Providence. A la pointe du jour il ouvrit sa porte, et l'ours doux et abattu de langueur, le lèche et lui présente une de ses pattes où était enfoncée une épine, comme pour le prier de la lui arracher. L'homme de Dieu lui rend ce service, lave-la plaie, la frotte avec un peu d'huile et l'enveloppe d'une petite peau. L'animal devint familier, et lorsqu'il fut guéri il se retira dans les bois. Les mêmes actes se rapportent qu'une autre fois une biche poursuivie par des chasseurs se retira aussi dans la chaumière du saint, qui la mit sous sa protection et lui sauva la vie.
Saint Aventin avait avec lui un religieux qui le servait en ses besoins et apprenais de lui à marcher dans les voies de la justice. Un jour ce religieux ayant pêché quelques petits poissons les porta à son maître, encore vivants. Le saint les prit et les rejeta dans l'eau, en disant : allez, petites créatures, retournez en votre élément et y vivez, pour moi Jésus-Christ est mon élément et ma nourriture, c'est en lui que je veux vivre. Saint Aventin a fait encore plusieurs autres prodiges qu'il ne nous est pas possible de rapporter ici. Nous nous contenterons de remarquer qu'il guérissait les malades par ses prières, et qu'il chassait les démons suivant la parole de Jéjus-Christ. Il mourut le 4 février 537 ou 540.
Peu de temps après, frappé des miracles qui s'opéraient au tombeau de ce saint, saint Vincent, évêque de Troyes, y fit bâtir une église, où il voulut être inhumé lui-même, et qui est devenue l'église paroissiale de saint Aventin dans la ville.
Quelques-uns ont prétendu que saint Aventin dont nous venons de parler est le même que celui qui gouverna le monastère d'Isles (Aumont) en qualité d'abbé, et racheta saint Phale de captivité. Mais il est plus vraisemblable que ce sont deux personnages différents qui vivaient à peu près dans le même temps.
L'un est appelé sanctus, beatus vir. L'autre n'est jamais nommé ainsi dans les actes de saint Phale. Le premier a toujours le titre de confesseur et n'avait qu'un seul disciple ; le second est appelé Dominus abbas, memorabilis vir Aventinus abbas, & était à la tête d'une communauté, cum fuis fratribus in congregatione fancla.
Le rachat des captifs dont parle Grégoire de Tours peut avoir été exercé par deux personnes du même nom. Les actes rapportés par Camusat ne parlent point de ce rachat. Cet auteur cite seulement, dans une note, le passage de l'évêque de Tours au sujet d'un marché fait avec un homme qui fut puni de sa mauvaise foi, retenant l'argent du saint sans vouloir donner la liberté aux captifs. Le lieu de la retraite de saint Aventin est différent. Les uns ont prétendu que le saint se retira d'abord où est son église dans la ville & ensuite à Isles. Les autres, que ce fut auprès de Verrières et enfuite à la chapelle d'Oze, auprès de Molesme.
Mais en distinguant deux hommes vertueux du même nom, les difficultés disparaissent. Les deux retraites de saint Aventin seront, sous les murs de Troyes, où est l'église paroissiale de son nom, à Saint-Aventin-sous-Verrières. Et les deux autres, Isles et la chapelle d'Oze, ne conviendront qu'au vénérable Aventin, abbé d'Isles, à qui saint Phale dut-sa délivrance.
Source : Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes par Jean Charles Courtalon-Delaistre 1783.