Château-haut

Evrard III, qui n'était pas un génie médiocre et qui était passionné pour la guerre, prévoyant toute l'importance que Sedan pouvait acquérir comme place de défense et de sûreté contre les ennemis soit du roi de France, soit du prince évêque de Liège, dont il était l'avoué, conçut, en effet, le dessein d'en faire une forteresse vaste et redoutable. Le rocher de 100 pieds de hauteur qui domine cette ville lui parut très-convenable pour y asseoir une citadelle ; et bientôt il fut revêtu de remparts et de tours, qui le firent, dès ce temps-là, regarder comme imprenable.

Mais, en quelle année Evrard III jeta-t-il les fondements de sa forteresse et de son château ? Il est très-probable que ce fut vers l'an 1440. La charte de privilèges accordée à la ville de Sedan par le roi Charles VIII, en 1487, date de 1440 les services signalés rendus aux rois de France par les La Marck, « tant par leurs personnes que par leurs places fortes. » D'où l'on peut conclure, avec D. Ganneron, l'auteur des Annales du MontDieu, et le P. Norbert, notre savant chroniqueur, que, dès cette année, les tours, places et plates-formes du Château de Sedan existaient déjà.

Jean de La Marck ne se contenta pas de continuer les fortifications du château commencées par son père. Il entoura de murs le village de Sedan, et en fit une ville selon les desseins de son prédécesseur. Il ceignit d'un rempart toute la partie de Sedan comprise entre ce que nous appelons aujourd'hui la place de la Halle, à l'est, la rue de Bourbon, au midi, et la rue du Rivage, à l'ouest. Cette muraille de circonvallation avait 14 à 15 pieds d'épaisseur. Elle commençait aux fossés du château, en haut de la rue de l'Horloge, se prolongeait sur la place d'Armes, où est actuellement le portail de l'église Saint-Charles, suivait tout l'espace où fut bâtie depuis la rue des Francs-Bourgeois, jusqu'à la rue du Rivage, d'où elle remontait jusqu'à la rue de Villiers-d'En-Haut et le bastion du Fer-à-Cheval.

Cette enceinte avait primitivement deux portes : la porte Gueury ou de l'Horloge, en haut de la rue de ce nom, et la porte du Rivage, située vers l'entrée actuelle de la rue des Francs-Bourgeois. On pratiqua, dans la suite, une troisième porte pour aller à Floing, au bout de la rue de Villiers En-Haut, qui fut achevée en 1525, et dont on voyait encore les cintres en 1778. On voit que l'enceinte primitive de ce qui fut appelé la ville proprement dite, était très-circonscrite. La partie du Ménil, quoique peut-être plus peuplée que la ville, puisque là était l'église paroissiale de Saint-Laurent, était tout-à-fait en dehors du mur d'enceinte. La rue de Bourbon n'était alors qu'un marécage.

Avec le temps, les ouvrages de fortification du château et de la ville s'augmentèrent et prirent de plus en plus d'importance. Chacun des seigneurs qui se succédèrent ajouta aux travaux de ses prédécesseurs, selon que l'exigèrent les circonstances et que le permirent leurs ressources. Dès le commencement du XVIe siècle, surtout à partir de 1520, les temps devinrent orageux et nécessitèrent autour du château de nouvelles constructions; en sorte que, environ un siècle après sa fondation, cette forteresse se trouva flanquée de plusieurs bastions, qui la rendaient déjà très-redoutable.

Source : Histoire du pays et de la ville de Sedan par abbé Prégnon 1856.