photo : joel.herbez
Pour que l'on puisse juger des forces des assiégeants et les comparer aux ressources des assiégés, je vais donner la position de Givet. Cette place est à la réunion des routes de la partie ouest et nord des Pays-Bas, de la Roer, de la Moselle, de la Haute-Meuse et de l'intérieur de la France. La place est un composé de 4 forteresses :
Les deux premières sont situées sur la rive gauche de la Meuse et les deux dernières sur la rive droite. Les deux Givets constituent ce qu'on appelle proprement la ville dont les deux parties communiquent entre elles par un pont de pierre. Le petit Givet est défendu par 3 bastions entiers et un demi avec des fossés pleins d'eau. Il a deux portes, dont l'une conduit à Dinant et l'autre à Luxembourg; le fort des Vignes-est entre les deux routes. Sur les derrières, il est fermé par un mur de quelques pieds d'épaisseur et garni d'embrasures. Entre ce fort et la Meuse, on avait établi une redoute sur une hauteur qui domine le fort.
Le Grand-Givet a deux bastions et un demi, deux ravelins, dont l'un est muni d'un réduit; les fossés sont à sec Une porte conduit à Dinant et Phillippeville, et enfin en amont, vers Charlemont s'appuient les fortifications de la ville au moyen d'un mur qui conduit jusqu'au rocher.
D'une deuxième porte sort une route qui passe entre le rocher sur lequel est situé Charlemont et la Meuse, et conduit par Fumay ou Chaud à Mézières et Rocroy. Le Grand-Givet est uni par un mur à la grande caserne qui se trouve sur la Meuse. De l'autre côté de la rivière, le Petit-Givet est aussi enfermé par une muraille qui s'appuie sur les fortifications du Mont-d'Haurs.
Charlemont est situé sur une langue de rocher qui suit la Meuse, mais qui s'élève à plus de 200 pieds de la surface des eaux; cette pointe est très-étroite du côté du Grand-Givet, et elle a à peine 100 pas de largeur. Du côté de la ville et de la Meuse, le rocher s'abaisse et il est escarpé, quoiqu'il y en ait un vis-à-vis moins escarpé, néanmoins la pente en est encore d'un difficile accès.
Charles-Quint profita de ce lieu, déjà fortifié par la nature, pour en faire une place forte d'après le système du temps et il lui donna son nom. Plus tard, Vauban fit beaucoup pour rendre meilleurs les ouvrages de fortifications, et les Français regardent cette place comme un chef-d'œuvre.
Au nord du Grand Givet, est un ouvrage à cornes. Au couchant, un système de bastions presque en ligne droite avec des flancs casematés, couronne un glacis. Le côté sud est détendu par une file de petits bastions devant lesquels on a établi un camp retranché, sous le nom de couronne d'Asfeldt et qui forme une petite forteresse. Sur le front et le côté, ce camp est flanqué par deux lunettes avancées, de sorte que les ouvrages finissent où se termine le rocher nu; une brèche est donc pour ainsi dire impossible.
Au nord-ouest, on a aussi profité du gros rocher isolé pour construire un bastion avancé, le fort Condé. Cette masse de rochers creusés sert comme de réduit, et tout le fort est miné. La communication à la place n'est pas longue, c'est pourquoi il n'est pas facile de la couper.
Les bâtiments qui se trouvent dans l'intérieur de Charlemont ne sont destinés que pour la garnison et les magasins; en outre, il y a de bonnes casemates. Le Mont-d'Haurs n'est, à proprement parler, qu'un camp retranché. Au sud et à l'est, il est entouré par 3 bastions avec des orillons et 2 ravelins.
Pour la défense de tous ces ouvrages, il y avait d'après le récit des ingénieurs français, pour le Grand Givet, 10 pièces tant canons qu'obusiers ; pour le Petit-Givel, 10 ; pour le Mont-d'Haurs, 30 ; et pour Charlemont, 98 ; en tout 148 pièces qui exigeaient pour chaque canon 600 coups et pour chaque obusier, 500. Il fallait en outre 336 artilleurs, 300,000 kilogrammes de poudre et 2,400,000 cartouches pour 6,000 hommes de garnisons. Au commencement de 1815, 11,000 hommes munis de provisions pour 6 mois avaient été destinés pour cette place, quoiqu'une garnison de 6,000 hommes soit suffisante. Il y a un hôpital pour 1,700 malades.
Quand on réfléchit que sur le Mont-d'Haures seul, 10,000 hommes pourraient camper commodément, il faut croire que dans les différents forts on logerait bien 25,000 hommes. La forteresse de Givet ne doit donc pas être considérée seulement comme une place d'armes pour une guerre offensive, mais encore en cas de revers, une armée battue peut s'y rallier et profiter avec avantage de la localité des environs.
Source : Histoire de la campagne de 1815 par Karl von Damitz, Léon Griffon 1841.