Eglise Saint-Didier

L'église d'Asfeld Par M. Henri JADART Secrétaire général de l'académie de Reims.

Le bourg d'Asfeld, situé sur l'Aisne, aux confins du Rémois et du Vermandois, à la limite des départements des Ardennes et de l'Aisne, possède une église très originale, de forme circulaire, construite en briques, et portant la date de 1683. Récemment restaurée avec soin, elle se présente sous son aspect complet, avec péristyle et campanile, comme l'un des types les plus singuliers de l'art de bâtir pendant la période de décadence de l'architecture religieuse. Elle marque un essai d'importation italienne ou orientale, dont le modèle ne se retrouve nulle part, non plus que les données créatrices.

Le plan en fut fourni par deux architectes dont nous trouvons les noms dans une convention passée avec le maître-maçon, Jean Despere, le 26 juin 1680, que nous donnons en appendice n°1. Ils se nomment: le premier, Fleury, et le second, François Romain.

Fleury n'est pas connu, il semblait exercer en même temps les fonctions d'ingénieur et habiter Avaux. M. l'abbé Tourneur, dans les Ardennes illustrées, le désigne comme l'architecte de l'église d'Asfeld, mais nous croyons que le véritable architecte dut être le frère François Romain.

Celui-ci, né à Gand en 1646, et mort A Paris en 1735, appartenait à l'Ordre de Saint-Dominique. Il devint architecte du roi et dirigea en 1685, avec Mansart, les travaux du Pont-Royal. C'est lui qui traàa les plans de l'église de Traisnel (Aube), et ceux de la réparation du pont et du moulin de Brienon (Yonne).

La vue, deux plans et la coupe longitudinale de l'église d'Asfeld ont été exécutés par M. Jules Alard, élève-architecte à Reims, et ces dessins, reproduits ici, nous dispensent d'insister sur le caractère général de son architecture. Il nous a paru suffisant d'accompagner ces consciencieuses études de tous les renseignements historiques que nous avons pu recueillir, et d'y joindre une description sommaire du monument lui-même et de son mobilier.

Renseignements historiques

Après avoir porté de temps immémorial le nom d'Ecry, la localité qui nous occupe était devenue, en 1670, le domaine principal de la célèbre famille de Mesmes, dont les membres sont, restés si célèbres, sous le titre de comtes d'Avaux, dans notre histoire parlementaire et diplomatique. Ecry s'appela donc Avaux-la-ville, de 1670 à 1730, époque où il devint Asfeld, du nom de Claude-François Bidal, marquis d'Asfeld, maréchal de France.

La famille de Mesmes, transplantée du Béarn en Champagne, fournil six comtes d'Avaux. L'un d'eux, Jean-Jacques de Mesmes, vicomte de Neufchâtel, seigneur de Cramaiel, conseiller d'Etat, président à mortier au Parlement, manifesta en 1680 l'intention de démolir l'église paroissiale placée dans l'enceinte du château et tombant en ruines, afin de la reconstruire sur une place publique créée à ses dépens.

A cet effet, une transaction intervint entre lui, les habitants d'Avaux et les administrateurs de l'Hôtel-Dieu de Reims, qui étaient co-décimateurs sur la paroisse. Il fut, convenu, à la date du 19 juin 1680, que les habitants, chargés de la reconstruction de la nef et du clocher, payeraient six mille livres, dont le seigneur obtiendrait du roi la remise sur leurs tailles, et que les décimateurs, obliges à rétablir le choeur et les cancels, verseraient trois mille livres seulement.

La dépense était donc primitivement fixée à neuf mille livres, sans compter la valeur des matériaux de l'ancienne église, qui furent employés aux fondations de la nouvelle. Mais des agrandissements et des embellissements vinrent accroître le projet, sur les ordres du comte d'Avaux, car, an jour de la visite et de la réception des travaux, le 15 juin 1685, sa part de contribution, qui avait été d'abord fixée à deux mille livres, se trouvait augmentée, de son plein gré, de quatorze à quinze mille livres. On dépensa donc, durant l'espace de cinq ans, un chiffre total de vingt-quatre mille livres pour mener à terme cette entreprise, dont Jean-Jacques de Mesmes avait voulu faire l'oeuvre principale et comme la marque glorieuse de son passage an comté d'Avaux. Sa création subsiste depuis deux siècles, malgré les révolutions et les bouleversements, tandis que le château non moins remarquable construit en 1730 près de l'église par le marquis d'Asfeld, son successeur dans le domaine, fut entièrement démoli en 1793.

Si le plan de l'édifice était original, la construction fut aussi rustique et aussi simple que possible. Dans un pays de Champagne, où la pierre n'existe qu'a l'état de craie, on employa la brique plate exécutée sur place. Mais l'habileté consista à produire avec ces matériaux un monument garni de colonnes au dedans et au dehors, accompagné d'un campanile dont la forme est élégante, orné de vases et de pyramides couronnant les pilastres. L'architecte y réussit pleinement. Aussi, le dignitaire du chapitre de Reims, qui vint, en 1685, au nom de l'archevêque Maurice Le Tellier, bénir l'église en présence du comte d'Avaux, laissa-t-il trace de son admiration dans le procès-verbal de la cérémonie: Laquelle église, dit-il, nous avons trouvée solidement bastie et d'une très belle structure.

Dès lors, une certaine célébrité s'attacha à ce temple d'un aspect si insolite sous notre climat, et qui dura pourtant un demi-siècle sans nécessiter de travaux confortatifs.

Cependant, de graves difficultés survinrent en 1733, au sujet de réparations importantes entreprises par les décimateurs et les habitants. La singularité de l'édifice troublait les habitudes reçues pour partager les frais entre les différentes personnes chargées de l'entretien. En effet, la coupole et ses galeries absorbaient pour ainsi dire la nef, et les habitants ne se prétendaient grevés que des dépenses afférentes au porche et au campanile. l'arrangement qui intervint, le 30 avril 1733, sanctionna les prétentions de ces derniers, en sorte que l'Hôtel-Dieu de Reims et le marquis d'Asfeld durent restaurer toute la coupole et les tribunes dans l'étendue entière de leur circonférence.

Nous ne savons ce qu'il advint lors des réfections qui eurent lieu postérieurement, mais il est certain qu'aucun retranchement, aucune mutilation, ne furent infligés au monument, ni avant ni depuis la Révolution. Il est resté absolument tel que son auteur le conçut en 1683. Par suite d'une assez longue incurie, il fallut y opérer, de 1866 à 1869, de très amples travaux de réfection, que le budget communal et le zèle du doyen, M. l'abbé Lamorlette, suffirent à mener à terme et à solder intégralement. Les parties menacées furent reprises en sous-oeuvre et la colonnade en partie reconstruite, mais les lignes anciennes furent toutes respectées et les mêmes matériaux employés.

Ainsi remise à neuf, l'église devint, en ces derniers temps, l'objet d'études et de recherches de la part d'architectes distingués : M. Deperthes, l'architecte parisien, né à Houdilcourt, dans le canton d'Asfeld, en releva le plan et l'exposa au Salon en 1886; la même année, M. Alphonse Gosset, auteur de projets d'édifices à coupoles, s'assurait sur place de l'intérêt architectural de ce spécimen de l'emploi des coupoles en France au XVIIe siècle. Par ses soins, les dessins que nous utilisons ici ont été entrepris dans le but de vulgariser un type que certaines circonstances peuvent amener à reprendre, surtout à notre époque où l'on reproduit beaucoup plus que l'on ne crée. Malheureusement, l'absence des plans primitifs et l'ignorance où nous sommes de l'origine du projet ne permettent pas de remonter plus haut, ni d'assigner une filiation à l'oeuvre d'un architecte qui n'eut sans doute pas la prétention de faire école en ce genre.

Description du monument et de son mobilier

L'église d'Asfeld a été maintes fois décrite dans les revues et dans les ouvrages spéciaux sur le département des Ardennes. Quelques-unes de ces notices suffisent à en donner l'idée, mais aucune, sauf celle des Ardennes illustrées, n'est accompagnée d'une vue, ce qui rend la description presque inintelligible à raison de la bizarrerie de l'édifice. Le plan et surtout la coupe longitudinale permettront seuls de comprendre l'ensemble et les détails de l'architecture.

Situé sur une place bien proportionnée, le monument n'est pas orienté. Son pourtour extérieur mesure environ 145 mètres, et aucune de ses murailles ne se présente en ligne droite, toutes les lignes en sont concaves ou convexes. On peut distinguer trois parties dans la longueur :

  • le péristyle ou porche, entouré d'une colonnade à jour supportant une toiture de forme oblongue.
  • le campanile, percé de baies cintrées, garni de pilastres et couvert d'un dôme en charpente.
  • la rotonde, qui compose la partie principale de l'église.

Les trois parties sont reliées l'une à l'autre par une suite de colonnes supportant l'entablement. Trois portes donnent accès à l'intérieur.

En entrant, après avoir franchi une nef étroite qui va du porche à la rotonde, l'oeil contemple toute l'ordonnance du dôme. Il est très surbaissé, son aspect général offre une lointaine analogie avec le Panthéon de Rome. Trente grosses colonnes de l'ordre ionique soutiennent la voûte et quatre-vingt-douze petites colonnes décorent la galerie qui fait le tour de l'édifice. On accède à cette galerie par deux escaliers pris dans les murs de la nef en avant de la rotonde, et cinq tribunes sont ménagées d'espace en espace dans les entrecolonnemenls. Le maître-autel est placé sous la tribune du fond, en face de l'arcade (la seule arcade en pierre de l'édifice) qui fait communiquer la nef avec le dôme. Les autels latéraux sont disposés sous deux des tribunes latérales, dans un enfoncement percé de petites baies carrées. Un corridor règne au rez-de-chaussée sous toute l'étendue des galeries. La rotonde est éclairée par des abat-jour au sommet et par une suite de baies cintrées ouvertes à la hauteur des tribunes. Toutes ces baies ont été récemment garnies de vitres peintes, et la devanture des galeries a été alors munie d'une grille en fer forgé.

Le mobilier de l'église est entièrement moderne, approprié, autant que possible, au caractère de l'édifice. Le maître-autel, en pierre et marbre, posséde une croix et six chandeliers en cuivre doré, d'un beau style Louis XIV, les stalles, en chêne, disposées en avant, ont été sculptées dans le même goût. Les statues et les tableaux qui ornent le pourtour ne gênent en rien le coup-d'oeil. Aucune sculpture ancienne n'a été préservée dans l'église, signalons une Vierge de pitié en pierre, portant la date de 1604, et placée dans une chapelle construite à l'extrémité du bourg.

Le campanile contient une forte cloche (diamètre 1m10), portant cette inscription :

l'an 1803, l'an 11 de la République, j'ai eu pour parrain Louis Routhier, maire de la commune d'Asfeld et notaire public, et pour marraine Marie-Jeanne-Victoire Lapie, épouse de Jean-Baptiste-Nas Gobreau, adjoint et cultivateur, et bénite par M. Pierre Didier, curé dudit lieu, Cliquot, Desjardins, Augin-Nas Brunau, Eaistiez, Rohart, Pierre Rogier, Bte Gossin, L. Choppin, Guistel, G. Maquart, Prevot, Conseil mle. - C. Farnier m'a fait

Les épitaphes de deux curés du dernier siécle sont conservées, l'une sous le dôme, avec ce texte :

Hic jacet magister Jacobus Rohart, hujus ecclesiae rector, ob. ain. 1721, 11 feb.

L'autre sous le porche; on y lit :

Cy git M Jacques-Joseph de Digoine du Palay, curé d'Asfeld, décédé le 11e Avril 1756, agé de 87 ans. Requiescat in pace.

Cette derniere dalle, en marbre noir, offre un écusson échiqueté d'argent et de sable, de 7 tires de 6 points, avec couronne au sommet et deux lions pour supports.

Des traces d'une litre funèbre sont encore visibles sur les murs de la nef, offrant les armoiries des Bidal d'Asfeld. Ces mêmes armoiries se voyaient avant la Révolution aux cotés de l'autel, où elles remplaçaient celles de la famille de Mesmes. Lorsqu'on effaça en 1790, l'écusson du dernier marquis d'Asfeld, les habitants constatèrent, dans un procès-verbal notarié, que ledit sieur Bidal s'était permis d'effacer les armoiries de Monsieur de Mesmes, vivant premier président au Parlement de Paris, ancien seigneur du lieu et principal fondateur de l'église, dont le nom est toujours demeuré en grande vénération dans la paroisse. Il y eut donc, en ces jours jours où l'on mutilait tous les emblèmes féodaux, un souvenir de regret et de reconnaissance pour le comte d'Avaux, qui construisit l'église d'Asfeld avec le concours de Fleury et de François Romain.

Reims le 23 Juin 1887.

Source : Congrès archéologique de France M. Henri JADART Secrétaire général de l'Académie de Reims 1888.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 7970
  • item : Eglise Saint-Didier
  • Localisation :
    • Champagne-Ardenne
    • Ardennes
    • Asfeld
  • Code INSEE commune : 8024
  • Code postal de la commune : 08190
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : église
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 17e siècle
  • Date de protection : 1913/05/03 : classé MH
  • Date de versement : 1993/03/29

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Eglise : classement par arrêté du 3 mai 1913
  • Référence Mérimée : PA00078333

photo : jpcuv

photo : webmaster