photo : P_J_reb
L'ancien couvent de la Visitation est aujourd'hui le collège de la ville, fondé par la veuve du dernier connétable de Montmorency, morte en 1666, supérieure des Visitandines de Moulins. C'est dans la chapelle du collège qu'on admire le superbe mausolée qu'elle érigea à la mémoire de son illustre époux, cet Henri de Montmorency, décapité à Toulouse sous le terrible Richelieu, et dans le procès duquel un témoin disait avec une remarquable énergie: « Après avoir rompu six de nos rangs, cet homme tuait encore des soldats au septième ; je jugeai que ce ne pouvait être que Montmorency. » (Source : Dictionnaire de la conversation et de la lecture 1837)
L'ancien couvent de la Visitation a été fondé par Mme de Chantal avant de devenir lycée et de subir des transformations.
La chapelle de l'ancien couvent, devenue celle du lycée, est restée intacte et constitue avec le chœur des religieuses attenant, un exemple unique en Bourbonnais de l'art architectural et décoratif du XVIIe siècle. La façade de la chapelle du lycée, ainsi que l'intérieur, sont d'ordonnance classique, la nef comprend deux travées barlongues avec chapelles peu profondes. Elle est prolongée par un chœur de plan carré, couvert par une coupole.
Sur un des côtés du chœur est adossé le mausolée du duc Henri de Montmorency. La chapelle des Religieuses, ouvrant la nef de la chapelle du lycée, présente un plafond voûté en bois, orné de peintures attribuées à Le Sueur et représentant la vie de la Vierge. (Source : Ministère de la culture)
Marie Félicie Orsini, princesse des Ursins, duchesse de Montmorency, née à Rome en 1600, soupçonnée d'avoir pris part à la révolte de son mari, fut, huit jours après l'exécution de ce dernier, conduite comme prisonnière d'Etat au château de Moulins. Ayant reçu, au bout de quelques années, la liberté d'en sortir, elle fit choix, près du couvent de la Visitation, d'une maison où elle se tenait continuellement renfermée dans un cabinet tendu de noir, et éclairé seulement par quelques bougies. Louis XIII, passant à Moulins en 1642, envoya un gentilhomme pour la complimenter. « Remerciez le roi, dit-elle, de l'honneur qu'il veut bien faire à une femme malheureuse, mais, de grâce, n'oubliez pas de lui rapporter ce que vous voyez. » Un page de Richelieu étant venu aussi, quelques heures après, au nom de son maître : « Assurez monsieur le cardinal, lui répondit elle , que depuis dix ans mes larmes n'ont pas cessé de couler. » Tour à tour visitée par Henriette de France, reine d'Angleterre, par l'héroïne de la Fronde, la duchesse de Longueville aux beaux yeux, par la duchesse de Châtillon, par Louis XIV, par Anne d'Autriche, et par la reine Christine de Suède, elle employait les moments que lui laissaient les prières et les larmes à copier un Abrégé des méditations du révérend père Julien Hayneufve, de la Compagnie de Jésus, pour les quatre saisons de l'année. Ce manuscrit, conservé à la bibliothèque de Moulins, contient près de 500 pages, et porte sur la première feuille, après le titre, ces mots écrits de la main de notre mère de Montmorency. Ayant obtenu, en 1645, la permission de faire conduire le corps de son mari à Moulins, la duchesse de Montmorency lui éleva, en 1652, dans l'église qu'elle avait fait construire pour le couvent de la Visitation, un superbe mausolée qui est encore le plus beau monument de la ville, et l'un des tombeaux les plus remarquables de la France.
Placé à la gauche du grand autel, et vis-à-vis l'ancienne grille du chœur des religieuses, il représente le duc à moitié couché, appuyé sur son coude (la gravure ne reproduit que le corps du tombeau) ; la duchesse, assise à ses pieds, est voilée et en mante. Deux statues, représentant la Valeur et la Libéralité, se trouvent auprès du monument orné d'une espèce de portique avec son fronton, soutenu de deux colonnes et de deux pilastres. Entre ces colonnes se voient les statues de la Noblesse et de la Piété. Au milieu du portique est une urne qui renferme les cendres du duc ; le feston qui l'entoure est porté par deux anges, et le haut du fronton est couronné par les armes des Montmorency. Ce mausolée peut avoir 7 à 8 mètres d'élévation sur 4 ou 5 de largeur. Le corps du tombeau est en marbre noir ; les statues, ainsi que les ornements, sont en marbre blanc, et l'inscription suivante est placée au bas, mais en latin. (C'était alors un usage général de couvrir les monuments français de mots latins, usage qui, malgré sa bizarrerie, se maintient encore). Voici la traduction de l'épitaphe de Montmorency:
« L'an 1652, et le vingtième de son deuil, Marie Félicie des Ursins, princesse romaine, éleva ce mausolée à la mémoire de son digne époux, Henri II de Montmorency, le dernier et le plus illustre des ducs de ce nom ; pair, amiral et maréchal de France, la teneur des ennemis, les délices des Français, mari incomparable, dont elle n'eut jamais à déplorer que la mort. Après dix-huit ans du mariage le plus heureux, après avoir joui de richesses immenses, et possédé sans partage le cœur de son époux, il ne lui reste aujourd'hui que sa cendre. »
Ce monument, l'un des plus parfaits qui existent en ce genre, est dû aux sculpteurs François Angnier, ne à Eu; Thomas Regnaudin, de Moulins ; Thibaut Poissant, et le célèbre Coustou, l'un et l'autre de Lyon. Selon M. de Salaberry, dans la Biographie universelle, il allait être détruit en 1793 par les révolutionnaires, qui étaient déjà dans l'église, quand une voix, sortie de la foule, s'écria : « Quoi! vous allez renverser le monument d'un bon républicain, puisqu'il est mort victime du despotisme! » Les marteaux s'arrêtèrent, et les cendres du dernier représentant de la féodalité sur les champs de bataille furent respectées a l'aide de ce certificat de civisme.
Ce témoignage mondain ne suffisant pas à sa douleur, la duchesse de Montmorency en donna un autre plus religieux, et conforme aux idées du temps, en renonçant aux grandeurs de la terre. Ayant pris le voile en 1657, dans ce couvent de la Visitation qu'elle avait comblé de bienfait, et qui n'était fondé par sainte Chantal que depuis 1616, elle y mourut le 5 juin 1666, après en avoir été la supérieure, et fut enterrée auprès de son mari, à qui elle avait donné une preuve si éclatante d'amour conjugal.
Source : Le Magasin pittoresque 1833.