Porte d'Orient

Charroux figurait autrefois parmi les villes closes du Bourbonnais. Des murailles subsistent les portes d'Orient et d'Occident.

Origines de la ville

La petite ville de Charroux en Bourbonnais, désignée, dans les titres latins du moyen âge, sous la dénomination de Carrofum, paraissant dériver de ces deux mots latins mis à l'accusatif Carum focum (cher foyer), est située sur un plateau fertile et nu, plus long que large, d'où il embrasse un horizon vaste et pittoresque, et à l'extrémité duquel se hissent plus spécialement les montagnes du Puy-de-Dôme, le rocher de Saint-Vincent, point culminant de l'arrondissement de la Palisse, et la crête des montagnes du Forez.

Aucun témoignage positif de l'histoire ne vient révéler que son existence remonte au-delà du règne de Charlemagne, fondateur du royaume d'Aquitaine, dont Charroux dépendait, en faveur de Louis-le-Débonnaire, son fils. Il paraîtrait seulement qu'elle doit son origine aux moines de Menat, de l'ordre de Saint-Benoît, car ce furent eux qui fondèrent, à cinq cents mètres de cette ville, une abbaye que l'on appelle le Pérou, et qui est désignée, dans la Gallia christiana, par le nom de Abbatia petrosa (Abbaye pierreuse), probablement à cause de rochers épars et de pierres aiguës, poreuses comme des ruches, hérissant, en grande partie, la surface du sol plat où elle a été édifiée. Divers fragments des murs de cette abbaye subsistant encore, on aperçoit facilement, à leur structure, qu'autrefois vivaient là de pieux et savants solitaires, bons ouvriers de civilisation. Au front de ces ruines sont actuellement les bâtiments d'un domaine appartenant à M. François Pastier, riche et honorable rentier, capitaine-commandant de la garde nationale, à Charroux.

Le plateau de Charroux ne devait pas manquer d'être utilisé au moyen âge par les sires, et plus tard par les ducs de Bourbon. En effet, ils y eurent un château dont il ne reste plus de traces ; la ville eut ses murs de circonvallation, flanqués de tous côtés d'un grand nombre de tours rondes et carrées, à créneaux ou à meurtrières, fortement assises, se communiquant par des courtines, et d'une hauteur dominant tous les sommets d'alentour, ainsi que l'annoncent les débris de plusieurs d'elles. Les murs, ayant quatre portes à assommoirs avec pont-levis, étaient entourés de larges et profonds fossés, n'ayant de l'eau que dans les temps pluvieux, et dont la plus grande partie est aujourd'hui en jardins potagers ; les faubourgs étaient, en outre, protégés par un mur fort élevé de contrevallation, et cependant cette ville ne renfermait pas plus de douze cents âmes de population, alors qu'elle était une des places les plus fortifiées de la baronnie de Bourbon, et qu'elle faisait partie des dix-neuf châtellenies de cette baronnie, ainsi qu'il résulte d'un dénombrement fait en 1248, sous Archambaud IX, qui avait un châtelain à Charroux, pour administrer la justice en son nom.

Quoique cette ville ait fait successivement partie de la sirie, de la baronnie et du duché de Bourbon, selon François du Chesne, historiographe de France, Elizachar, abbé de Saint-Maximin de Trèves et chancelier de Louis-le-Débonnaire, aurait souscrit une charte octroyée à la ville de Charroux, l'an second de l'empire de ce roi, indiction huitième, en ces termes : Ego Elizachar recognivi. Mais il n'est pas possible de dire ici, à défaut de documents plus étendus, si cette charte s'applique à Charroux en Bourbonnais, ou à Charroux en Poitou, connue dans l'histoire par les quatre conciles provinciaux qui s'y sont tenus pendant les années 989, 1028, 1082 et 1186.

Le témoignage le plus ancien et le plus certain sur Charroux en Bourbonnais, est mentionné dans la Bibliothèque des coutumes. On y voit que la plus ancienne charte des privilèges dont on ait ouï parler, est celle qui lui a été accordée par Archambaud VII, en l'an 1145, et qu'on ne sait ce qu'elle est devenue. Il fut passé acte en latin, par-devant notaires, à Charroux même, de la concession de la franchise et autres privilèges accordés aux bourgeois et aux habitants de cette ville, en vertu de cette charte. Les olim apprennent qu'à cette époque, cette ville se nommait Charroz et Charros.

Cependant une autre charte d'affranchissement de l'an 1245, donnée aux bourgeois par Archambaud IX, baron de Bourbon, qui prenait modestement le titre de sire de Bourbon, détermine les privilèges dont ils jouiraient.

Ces privilèges furent confirmes en l'an 1435, par Charles 1er, duc de Bourbon, en vertu d'une charte spéciale par laquelle il concéda aux habitants le max (garennes) de Charroux, moyennant une redevance annuelle de cinquante muids de blé et autres charges personnelles, et le droit de bourgeoisie, moyennant une rente d'une livre six sous et six deniers, et encore à la charge par les habitants de faire justement entre eux le partage de ce max, qui était d'une étendue d'environ six cents septerées de terre en bruyère.

Le XVe siècle et ses malheurs

Les malheurs de cette ville commencèrent à poindre d'une manière douloureuse et épouvantable, vers l'an 1412, car alors une maladie contagieuse y causa une grande mortalité. Jean Ier, duc de Bourbon, touché de compassion, fît remise, pendant cinq ans, aux habitants, par lettres données à Souvigny le onzième jour d'avril, après Pâques, l'an 1415, du tiers des impositions et des deniers. A partir de l'an 1422, la peste y exerça ses ravages avec tant de fureur, jusqu'en l'an 1435, que sa population diminua de plus des trois quarts. Les cadavres étaient jetés pêle-mêle dans de vastes tombes près de la commanderie de la Marche, et couverts ensuite d'une épaisse couche de chaux vive, afin de comprimer les exhalaisons des miasmes méphitiques. Les habitants qui survécurent à une telle calamité, exposèrent le tableau de leurs angoisses et de leur misère à Charles Ier, duc de Bourbon, et sollicitèrent en même temps ses munificences et ses grâces. Il accueillit leur demande avec bonté, et animé du vif désir de voir la ville se repeupler, il leur fit remise pour les cinq années antérieures de la redevance qu'ils devaient lui payer.

A peine les habitants de cette ville étaient-ils sortis de leur morne stupeur, à peine avaient-ils eu le temps de se consoler des ravages d'un fléau exterminateur, qu'ils sont encore destinés à être en proie à de cruelles émotions, à des malheurs et à des désolations d'une autre nature.

En 1440, le roi Charles VII ayant fait une invasion en Bourbonnais, pour y éteindre la guerre dite de la Praguerie, fomentée par le dauphin, son fils (depuis Louis XI), qui agissait de concert avec Charles Ier, duc de Bourbon, la ville de Charroux, incorporée dans ses souverainetés, obligée de lui obéir, fut livrée à toutes les horreurs d'un siége par les troupes du monarque. Malgré l'héroïque résistance de la garnison, elle fut prise d'assaut, ainsi que le dit Jean Chartier qui a écrit le récit de cette guerre, en ces termes:

« Les troupes royales se portèrent sur Charroux, qui s'était livré aux rebelles, et l'emportèrent d'assaut ; ils y trouvèrent un butin considérable, et y demeurèrent pendant quinze jours, y prenant à souhait abondance et repos. »

En 1471, cette ville eut un autre siège à soutenir contre une partie des troupes de Charles-le-Téméraire, duc de Bourgogne, pendant la guerre dite du bien public ; mais elle fut plus heureuse dans le résultat de ce siège que dans le précédent, puisqu'elle repoussa victorieusement les assaillants, qui, après leur défaite, décampèrent.

Il fallait réparer les désastres que deux sièges successifs, quoique à un intervalle de trente ans, avaient occasionnés, et pour cela, il fallait des ressources que le temps seul pouvait accumuler. En attendant, Pierre II, duc de Bourbon, par une charte datée de Moulins, du 27 janvier 1489, fit don aux habitants de Charroux du droit de barrage pendant vingt ans, pour la réparation de leur ville, qui devint encore une fois une ville d'étape de garnison et un bonne place de guerre.

En 1547, sur la demande des habitants, il intervint une sentence de la sénéchaussée du Bourbonnais, qui les maintint en possession des halles existantes devant l'église de Saint Jean-Baptiste, et fit défense aux propriétaires de les boucher. Ces halles, qui gênaient singulièrement la circulation des voitures, ont successivement disparu depuis 1789.

Après un siècle de calme qui, en ramenant dans son sein l'industrie et l'aisance, avait aidé à cicatriser les profondes plaies de ses trop longs malheurs, elle ne devait point échapper à des malheurs plus grands encore. Une catastrophe d'une physionomie plus sombre, surgissant du milieu du fanatisme religieux, vint ensanglanter le sol français par le sang français : c'est la guerre des Protestants contre les Catholiques. La ville de Charroux, éminemment catholique, se vit dans la cruelle nécessité de défendre et ses croyances religieuses et les droits de la couronne de Charles IX, son roi légitime.

Les Huguenots

Après la bataille de Cognat, près de Gannat, le 6 janvier 1568, où les Catholiques furent malheureusement vaincus, un corps de Huguenots, sous le commandement de Bruniquel et de Paul Richard de Mouvans, dit le Brave, se dirigea vers la ville de Charroux, afin de s'en rendre maître. A son passage au Mayet-d'Ecole, il brûla les bâtiments de la commanderie de l'ordre de Malte , et après avoir traversé la Sioule, à Jenzat, sur le pont de bois qui y avait été jeté depuis long-temps, et qu'il brûla aussi, il prit le chemin de Charroux. Arrivé à la commanderie de la Marche, située sur l'ancienne voie romaine de Augustonemetum (Clermont) ad Avaricum (Bourges), et qui était, dans l'origine, un monastère de Templiers, incorporés, après leur massacre, en 1311, sous le règne de Philippe-le-Bel, aux biens de l'ordre de Malte, il l'envahit, massacra tous ceux qui l'habitaient, la pilla et ensuite l'incendia. Ce que les flammes avaient épargné, tomba sous les coups du bélier ou du marteau. A peine resta-t-il quelques débris du fronton de son élégante chapelle, débris qui se voient encore en partie, et où l'on remarque deux écussons aux armes de l'ordre de Malte, incrustés dans le chapiteau d'une ancienne porte cintrée. A la place de cet antique séjour de preux chevaliers, se trouvent les bâtiments d'un beau domaine appartenant à M. Étienne Boirot, député du département de l'Allier, de 1833 à 1837, et maire de Charroux, sa ville natale. Les Protestants, après avoir saccagé et ruiné cette commanderie, s'avancèrent sur Charroux, pour l'investir et en faire le siège. La garnison et les habitants résistèrent à leurs attaques avec un noble courage et une héroïque résignation ; mais, après quelques jours d'impuissants efforts, la ville fut emportée d'assaut, livrée encore une fois au pillage, et la garnison, abandonnée à la fougue féroce des vainqueurs, fut passée au fil de l'épée. Les Huguenots, ivres de leurs triomphes, ne respectèrent ni la vertu des femmes, ni la candeur, ni l'innocence des jeunes filles, dont les gémissements et les accents de miséricorde éclataient sans qu'ils en fussent attendris ; et si un mari ou un père osaient s'opposer à leurs farouches violences, ils payaient de leur vie un si noble et si touchant dévouement !... Il faut bien encore qu'ils y aient exercé des cruautés d'un autre genre, puisqu'un quartier de la ville a reçu et conservé jusqu'à nos jours ce nom : Les Souffrants !

Ce n'est pas tout : ils renversèrent les deux murailles d'enceinte, démantelèrent les tours, détruisirent les assommoirs des portes, rasèrent beaucoup de maisons et démolirent les clochers et les voûtes des églises, et n'épargnèrent pas même l'hôpital, placé près de l'ancien cimetière, rue de la Croix-Caille, cet asile des douleurs, et des misères, et la chapelle qui en dépendait. Pendant qu'ils assiégeaient la ville, ils massacrèrent les Bénédictins de l'abbaye du Pérou, qu'ils pillèrent de fond en comble, et la brûlèrent ensuite. Enfin, la ruine et la désolation planèrent sur cette cité jusqu'au moment où les Calvinistes, rassasiés de leurs saturnales, l'abandonnèrent à son triste sort, pour aller dans le Berry, d'où ils se rendirent à Orléans, conformément aux ordres qu'ils reçurent en route de la part du prince de Condé.

C'est dans le monastère du Pérou que Jacques le Loup, de la maison des seigneurs de Beauvoir, près d'Echassières, qui a fourni, dans les XIIIe, XVIe et XVe siècles de vaillants chevaliers, s'était livré à des études graves et à la vie contemplative. Il devint prieur de Saint-Pourçain, et fut nommé, en 1427, évêque de Saint-Flour. C'était un prélat d'une grande énergie de caractère ; il était, par-dessus tout, dominé par un profond sentiment de générosité, car il fit relever, à l'aide de ses deniers personnels, la cathédrale qui tombait en ruine.

En 1576, la ville de Charroux eut encore à affronter une autre attaque, mais moins douloureuse, moins désastreuse que la précédente : l'armée du prince de Condé, composée de reitres (cavaliers) et de lansquenets (fantassins) recrutés en Allemagne, et de quelques troupes françaises, après s'être emparée de la ville de Vichy, vint assiéger Charroux, qui, n'ayant pas pu, dans l'espace de huit années, réparer ses fortifications, ne présentait que de faibles moyens de défense, et qui, se souvenant de ses trop funestes malheurs, se rendit et se soumit à lui payer une contribution. Selon de Thou, les bourgeois se rachetèrent du pillage, moyennant une légère somme, et l'armée se rafraîchit quelques jours dans cette place.

Il y a environ quarante ans, le sieur Guillaume Baraton, taillandier à Charroux, trouva en cultivant sa vigne, située au turail Baraton, plusieurs boulets de canon qui probablement étaient partis pendant le siège, du plateau de l'Arcan, commune d'Ussel, où les assiégeants avaient établi une de leurs batteries. Les boulets, en passant par-dessus une profonde vallée, n'avaient qu'un court espace à parcourir pour venir atteindre les assiégés, ou porter l'épouvante au milieu de la place qu'ils défendaient.

Depuis ces époques trop fatales, la ville de Charroux resta étrangère aux bouleversements et aux commotions des guerres intestines, et ne songea plus qu'à sécher ses larmes et à réparer, autant que possible, ses immenses désastres. Désormais elle doit rentrer dans la plénitude d'un repos continuel, qui imprimera, avec l'action du temps, à sa prospérité, un essor consolateur ; l'aisance dont elle jouit depuis longues années, atteste qu'elle est une des plus riches localités de la province du Bourbonnais.

Source : Tablettes Historiques de L'Auvergne par Jean-Baptiste Bouillet 1842.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 3298
  • item : Porte d'Orient
  • Localisation :
    • Auvergne
    • Charroux
  • Code INSEE commune : 3062
  • Code postal de la commune : 03140
  • Ordre dans la liste : 3
  • Nom commun de la construction : 4 dénomiations sont utilisées pour définir cette construction :
    • porte
    • porte de ville
    • ville
    • port
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 13e siècle
  • Date de protection : 1929/12/09 : inscrit MH
  • Date de versement : 1993/08/27

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Porte d' Orient : inscription par arrêté du 9 décembre 1929
  • Référence Mérimée : PA00093048

photo : pierre bastien

photo : pierre bastien

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