Croix de cimetière

Contrairement à la croix de Fossoy, la croix du cimetière de Mézy-Moulins nous apparaît privée de sa partie principale; il n'en reste plus que le fût et le soubassement, mais ces restes sont encore assez remarquables pour fixer l'attention des antiquaires et mériter une description détaillée.

Dans le tome VIe du Bulletin de la Société archéologique de Soissons, année 1852, M. Delbarre, en faisant la monographie de l'église de Mézy, s'exprime ainsi: « Je ne quitterai pas Mézy sans vous donner la description d'une croix en pierre placée dans le cimetière, et qui est une des plus curieuses de l'arrondissement. Elle se compose d'une colonne cylindrique d'un seul morceau de 3m40; 20 centimètres de diamètre s'élevant sur quatre gradins circulaires, et entourée d'une table de 1m17 de long sur 94 c. de large et 11 d'épaisseur. Cette table est soutenue par quatre colonnettes également d'un seul morceau, de 80 c. de haut, le soubassement compris, et ornées de chapiteaux sculptés. A ces colonnettes sont accolées en forme de cariatides quatre figures; la première est voilée, relève un pan de sa robe d'une main, et de l'autre tient un livre qu'elle appuie sur sa poitrine ; la deuxième, voilée aussi, semble ramasser ses vêtements dans ses bras; la troisième représente un ange; ses ailes tombent le long du fût, il a de grands cheveux, des vêtements sans draperie ; la quatrième est un saint Michel terrassant le démon sous la figure d'un dragon.
Ces quatre personnages ont environ 50 c. de hauteur et s'appuient sur des ressorts en cul de lampe. La colonne était autrefois surmontée d'une croix en pierre, qui a été remplacée par une autre en fer. »

Je n'ajouterai rien à la description matérielle et aux mesures que M. Delbarre a données de cette croix, mais l'appréciation des figures qui en font le principal mérite, demandait une analyse plus complète, et c'est cette lacune que je vais essayer de combler, en cherchant la signification des personnages représentés sur ces colonnettes qui forment les pieds de la table, au milieu de laquelle pénètre la colonne principale.

En premier lieu, décrivons avec soin les statuettes qui seules nous restent maintenant et doivent motiver notre jugement; quoiqu'elles soient très frustes et que le temps ou la main des hommes les aient mutilées, elles sont encore assez apparentes pour que nous puissions y lire et la pensée de l'artiste, et le sentiment chrétien qui l'a inspiré.

La première figure (seconde de M. Delbarre) représente une femme dont la tête et le corps sont couverts par une large draperie qui la voile entièrement.

La deuxième nous montre une autre femme la tête légèrement inclinée, les cheveux tombant sur les épaules, vêtue d'une longue robe drapant jusqu'aux pieds, et tenant un livre sur sa poitrine.

La troisième, que M. Delbarre qualifie de saint Michel, n'a nullement les formes caractéristiques de l'ange; elle n'a pas d'ailes et à sa figure rasée, ses cheveux ronds, et la longue robe qui la couvre d'une manière sévère, on la prendrait plutôt pour un clerc ou l'un de ces saints évêques qui, dans les légendes catholiques, se rendirent maîtres de guivres ou de monstres dévastant les contrées qu'ils habitaient. Ses pieds reposent sur un dragon vaincu et terrassé.

Enfin, la quatrième figure est l'ange aux ailes éployées, prêt à s'élancer vers les cieux. Son triste état de conservation ne m'a pas permis de voir, comme l'a vu M. Delbarre, s'il avait des vêtements sans draperie; mais cela n'a aucune importance pour les conclusions que je veux en tirer.

Il est une observation fort importante à faire dans l'examen de cette croix : c'est que les chapiteaux des quatre colonnettes sont ornés de feuilles de vigne, et que les quatre figures sont tournées, la première au sud-est, la deuxième au nord-est, la troisième au nord-ouest, et la quatrième (l'ange) au sud-ouest.

A la vue de ces figurines, et en les suivant dans l'ordre que j'ai indiqué, c'est-à-dire d'orient en occident, on assiste à toutes les phases allégoriques de la vie du chrétien, ou plutôt de l'âme, que l'artiste a voulu symboliser dans les quatre étapes qu'il lui fait parcourir. En effet, toute la vertu de la croix consistant dans la Rédemption, la première figure voilée tournée vers le soleil-levant, indique l'état de l'âme à son entrée sur la terre: elle est sous le voile de l'ignorance et du péché. La deuxième figure représente l'âme qui s'éclaire par l'étude et par la foi ; elle presse contre son cœur le livre saint par excellence, elle puise dans l’Évangile la force nécessaire pour combattre le démon que sous la troisième figure elle a vaincu et mis sous ses pieds; mais le soleil tourne, la vie va s'éteindre, et quand l'astre arrive au couchant, l'âme victorieuse, dont la tâche est accomplie, qui a travaillé à la vigne, selon l'expression sacrée, s'élance sous la forme de l'ange vers la croix, et vole vers le Sauveur, qui a été son but et l'aspiration de toute sa vie.

Telle est l'explication mystique que je crois pouvoir donner de la croix de Mézy, et peut-être eût-elle été justifiée par les parties qui nous manquent, mais elles sont remplacées par une simple croix en fer, fleuronnée, déjà mutilée elle-même, qui ne peut rien nous apprendre, sinon les tristes effets des dissensions religieuses, car je suppose que la croix de Mézy a pu être brisée à l'époque des guerres de religion, où l'église de Mézy, si remarquable à tous égards, et son clocher notamment, ont subi d'assez grands ravages.

La croix de Mézy paraît contemporaine de l'église, dont le style est de la fin du douzième ou du commencement du treizième siècle ; à cette époque, l'architecture religieuse était dans son plus bel état de splendeur, et le symbolisme chrétien y était employé de la manière la plus large et la plus complète. Porches, chapiteaux, voussures, portail, tout ce qui pouvait offrir une place à la sculpture et à la décoration, était rempli de figures .symboliques que déjà depuis bien longtemps l'Eglise avait transmises aux architectes chrétiens. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que le socle de la croix de Mézy contienne une allégorie qui rentre entièrement dans les habitudes et la tradition chrétiennes.

Depuis longtemps nous ne savons plus lire dans ces livres de pierre sur lesquels la piété de nos aïeux inscrivait les mystères de la foi, les naïves légendes des anciens âges, et les vies des bienheureux. C'est à l'archéologue qu'incombe le devoir de les déchiffrer et de les faire revivre avant que le temps et toutes les autres causes de destruction les aient fait disparaître.

Source : Annales par Société historique et archéologique de Chateau-Thierry (Aisne) 1864.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 2120
  • item : Croix de cimetière
  • Localisation :
    • Aisne
    • Mézy-Moulins
  • Code INSEE commune : 2484
  • Code postal de la commune : 02650
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction : 3 dénomiations sont utilisées pour définir cette construction :
    • croix de cimetière
    • cimetière
    • croix
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 13e siècle
  • Date de protection : 1906/02/10 : classé MH
  • Date de versement : 1993/12/03

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune 1992
  • Détails : Croix de cimetière, près de l' église : classement par arrêté du 10 février 1906
  • Référence Mérimée : PA00115812