Château fort ducal des ducs de Guise

Alliés ou parents des anciens comtes de Vermandois avec qui ils avaient des rapports de vassalité, les châtelains de Guise étaient du nombre de ces hauts barons qui pouvaient passer pour des souverains. « Il n'est pas douteux, dit Colliette, que Guise et son château n'aient toujours fait partie du domaine des comtes de Vermandois. C'était pour eux un château bornier, reculé hors de leur territoire, et pour en défendre l'entrée. Le gouvernement en fut confié à des seigneurs courageux et puissants qui, certes, ont dû sortir de leur sang, ou leur être alliés , pour mériter cette haute préférence. Les domaines qu'ils mirent sous leur garde et qui leur devinrent propres , étaient immenses. On le voit par les donations qu'ils ont faites à divers monastères et par les fiefs et arrière-fiefs qui sont restés, jusqu'à ce jour, mouvans de leur châtellenie ou tour de Guise. Ces domaines comprenaient plus de villages que n'en contient le bailliage actuel de Vermandois. »

L'origine de cette vieille race se perd dans l'obscurité du moyen âge, mais on croit qu'elle était unie par les liens du sang à la maison de Saint-Aubert; or, Gauthier de Saint-Aubert avait épousé, vers 986, une sœur du comte de Vermandois. Il y avait encore d'autres points de contact entre les deux lignées. Gérard de Saint-Aubert avait fait alliance avec le sang de Vermandois, en donnant sa main à la noble Eléonore, comtesse de Vermandois. Enfin la maison de Roucy, qui s'allia à celle de Guise, tirait son origine des comtes de Vermandois. Il en est même qui prétendent que les rapports de vassalité qui existaient entre ces derniers et les seigneurs de Guise, seraient une preuve que ceux-ci en descendaient par branches collatérales.

Les noms des seigneurs de Guise sont restés inconnus jusqu'à Wauthier ou Gauthier, qui, lui-même, avait longtemps échappé aux généalogistes. Ainsi, dès 945, Raoul évoque de Laon, défendait par une charte aux seigneurs de Guise et d'Hirson d'inquiéter l'abbaye naissante de Saint-Michel, mais sans indiquer leur nom. On ne sait rien de Wauthier, si ce n'est qu'il apposa son seing à une charte de 1058, accordée par Henri Ier, roi de France, en faveur du monastère de Hasnon, dans laquelle ce prince déclare lui donner plusieurs menses et villas et confirmer celles qui lui ont été données par les rois ses prédécesseurs. Cette pièce se termine ainsi: « Fait heureusement à Cambrai, dans l'église de Sainte-Marie, le 5 août de l'an de l'Incarnation de notre Seigneur 1058 » (Actum Cameraci feliciter, m S. Mariœ templo, 5 aousti, an D. I. M. L. VIII. an. regni Henrici 25.),en présence de plusieurs prélats et chevaliers. Après les seings du roi, de Philippe son fils et de la reine, viennent ceux de l'archevêque de Sens, des évêques de Cambrai, d'Amiens, de Laon, de Noyon, d'Angers, etc., puis ceux des seigneurs parmi lesquels on distingue avec Wauthier de Guise (signum Walteri de Guisiâ), Bouchard de Montcornet, Ive de Coucy, Mingold de Montaigu, Thierry de Roye, Alliaume de Beaurevoir, Guy de Saint-Aubert, Renauld de Bohain, qui se trouvaient dans cette grande assemblée.

Celui qu'on peut regarder comme le successeur de Wautier, puisqu'il vivait en 1080 , est Godefroy de Guise (Godefridus de Gusgià), dont les actes sont appuyés sur des monuments authentiques. Il fit une alliance qui suffit, à elle seule, pour prouver la noblesse et l'ancienneté de sa famille. Il épousa Ada ou Ade (Adèle) de Roucy , l'une des plus puissantes maisons du pays. Ada était la cinquième fille de Hilduin ou Beaudouin, comte de Roucy, et sœur de Manassès, archevêque de Reims. Hilduin avait eu deux fils, et sept filles qui furent toutes mariées dans la plus haute noblesse. La première, Félicie de Roucy, épousa Sanche, roi d'Aragon ; la seconde, Rottholde comte du Perche, la troisième, Hugues comte de Clermont, la quatrième, Thibaut comte de Rainel, la sixième, Arnoul comte de Wark, père d'Othon comte de Chiny , la septième, Fouconde Vir, prince de Bourgogne, père du fameux Bartéhlemy de Vir, évêque de Laon. Foucon avait sans doute éprouvé quelque résistance dans son dessein d'épouser cette dernière, car on rapporte qu'il avait forcé Hilduin à consentir à cette union, en le faisant prisonnier avec Elinand, évêque de Laon, dans un voyage qu'ils firent à Rome.

Quoiqu'on ignore l'époque précise de la construction du château de Guise, on s'accorde généralement à l'attribuer à Godefroy. Ce château, qui remplaça l'ancienne forteresse insuffisante, sans doute, à la défense de ses domaines, n'était éloignée que de trois lieues des frontières de Flandre et devait bientôt jouer un rôle important dans le pays. Godefroy et ses successeurs n'oublièrent rien de ce qui pouvait en faire une place formidable. Élevé, à grands frais, sur un roc escarpé et inaccessible, ce manoir avec sa couronne de tours crénelées, son haut donjon, devait avoir un aspect à la fois pittoresque et redoutable. Comme les seigneurs n'habitaient que les châteaux, ils choisissaient toujours pour établir ces demeures féodales, un lieu favorable à la défense et de difficile accès. Ils les plaçaient, de préférence , sur les hauteurs qui dominaient de belles vallées, des forêts profondes, une rivière, un torrent. Telle était la situation du château de Guise. D'un côté une vallée profonde, de l'autre un ravin qui, par leur réunion, forment comme une sorte de promontoire qu'occupe encore la forteresse actuelle. Du haut de leurs remparts, les châtelains de Guise plongeaient leurs regards sur le cours sinueux et verdoyant de l'Oise, qui se divisait à leurs pieds en plusieurs bras pour l'usage de leurs vassaux, et sur leurs domaines de la Thiérache aux plaines immenses et onduleuses, couvertes encore ça et là de superbes forêts. Ils voyaient à la fois les tours légères de Notre-Dame de Laon , la masse gothique de la collégiale de Saint-Quentin, et l'extrême frontière de Flandre, où étaient leurs seigneuries d'Aubenton, d'Hirson, de Saint-Michel et de Bucilly, tandis qu'ils dominaient leurs fiefs de Lesquielles, de Flavigny, et autres mouvances rapprochées, dépendantes de leur terre de Guise.

Dans l'intérieur de tout château était le manoir du seigneur, où logeaient avec lui ses chevaliers et écuyers, qui lui formaient une véritable cour; une place d'armes, lieu des joutes, et divers bâtiments pour les chevaux, les harnais et les armures. Les dispositions de la forteresse moderne, avec ses longues voûtes, ses portes basses, ses ponts-levis et l'irrégularité de ses constructions présentent une image assez fidèle de ce que devait être aux XIIe XIIIe et XIVe siècles le castel gothique des sires de Guise. Au milieu de tous ces édifices on distinguait la grosse tour et la chapelle seigneuriale. La grosse tour était le signe de la puissance féodale; aussi pour désigner celle d'un seigneur on disait: il a une tour. De cette tour relevaient les fiefs du domaine. La grosse tour de Guise, qui existe encore, s'élève sur une éminence qui paraît avoir été environnée ds quelques ouvrages de défense. D'elle, relevaient les fiefs d'Aubenton, de Rumigny, d'Hirson, de Lesquielles et de Flavigny, et plus tard tous ceux qui constituèrent les comté et duché de Guise. La chapelle était desservie par un chapelain et souvent par un collège de chanoines. Elle était presque toujours dotée magnifiquement et était le lieu de sépulture des possesseurs du domaine et de leurs principaux officiers. Celle que les sires de Guise avaient fondée dans leur château, était dédiée aux saints Gervais et Protais ; elle fut l'origine de la collégiale de ce nom et la première paroisse de la ville. Confiée d'abord à des prêtres séculiers, qui possédaient aussi plusieurs églises de la ville et des environs, elle passa ensuite à des chanoines réguliers, qui exercèrent les mêmes fonctions.

Outre leur redoutable château de Guise, les seigneurs de Guise en possédaient encore d'autres à Lesquielles et à Hirson , leurs plus anciens domaines. Ils y avaient également des chapelles. Celle du château de Lesquielles, qui avait eu d'abord le titre de collégiale (collegium), et fut ensuite changée en prieuré (cella), était dédiée à saint Jean-Baptiste. C'est là que furent transférées, plus tard, les reliques de sainte Grimonie et de sainte Preuve. La chapelle du château d'Hirson , fut mise par les seigneurs de Guise sous la dépendance de l'abbaye de Saint-Michel, ainsi que la léproserie du lieu, dont les biens devaient servir à la dotation du couvent des Minimes et de l'hôtel-Dieu de Guise. La maison de Guise donna par la branche des seigneurs d'Hirson un abbé à la célèbre abbaye de Prémontré et un bienfaiteur à celle de Saint-Michel, dans la personne de Wautier d'Avesnes, fils d'Améline et de Jacques d'Avesnes, seigneur d'Hirson.

Source : Histoire de la ville de Guise et de ses environs de ses seigneurs par Louis Victor Pécheur 1851.

La suite de l'histoire de ce château nous est donnée par un résumé produit par le ministère de la culture :

Ministère de la culture

Le château des comtes de Vermandois, mentionné à la fin du 10e siècle, est agrandi par Jacques d' Avesnes au 12e siècle. Devenu forteresse royale en 1185, il fait l' objet d' importantes restautrations, et le donjon est probablement érigé à cette époque. La famille d' Anjou engage de considérables travaux sur le château au 15e siècle. A partir de 1540 environ, Claude de Lorraine, premier duc de Guise, puis son fils François transforment le castel séculaire en une des plus modernes citadelle d' Europe, première adaptation en France du système bastionnaire, sous la direction probable de l' ingénieur provençal François Mandon de Saint Remi, présent à Guise en 1537. En 1641, le château est confisqué à Henri II de Lorraine, duc de Guise, et devient une forteresse royale. Vauban, qui séjourne plusieurs fois à Guise en 1673 à la demande de Louis XIV, juge la place encore parfaitement digne d' intérêt et ordonne des travaux : sous la conduite de l' ingénieur Rivière, les ouvrages défensifs sont remaniés, les entrées dégagées et l' intérieur remblayé. Cependant, le fort de Guise ne joue plus aucun rôle militaire. En 1767, le donjon est restitué à Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, en qualité de glèbe des fiefs relevant du duché de Guise : les vassaux y font foi et hommage et les titres du duché y sont conservés sous la garde d' un concierge. La Révolution française ruine la collégiale Saint-Gervais-Saint-Protais tandis que le fort, déclassé en 1881, est anéanti par les deux batailles de Guise en août 1914 et novembre 1917 qui ne laissent subsister que le donjon et l' enceinte de brique, ruinés. Le sauvetage du château est entrepris au lendemain de la seconde guerre mondiale par Maurice Duton, fondateur du Club du vieux manoir, et couronné en 1963 par le premier prix des "Chefs-d' oeuvre en péril ".

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 1603
  • item : Château fort ducal des ducs de Guise
  • Localisation :
    • Aisne
    • Guise
  • Adresse : chemin de Ronde
  • Code INSEE commune : 2361
  • Code postal de la commune : 02120
  • Ordre dans la liste : 15
  • Nom commun de la construction : 3 dénomiations sont utilisées pour définir cette construction :
    • château
    • fort
    • château fort
  • Etat : Cette construction a 2 états différents répertoriés :
    • restauré
    • mauvais état

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • Nous n'avons aucune informlation sur les périodes de constructions de cet édifice.
  • Enquête : 1999
  • Date de protection : 1924/07/22 : classé MH
  • Date de versement : 2002/01/10

Construction, architecture et style

  • Materiaux: 2 types de matériaux composent le gros oeuvre.
    • brique
    • grès
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture : 2 modes de couvrement répertoriés :
    • voûte d'ogives
    • voûte en berceau plein-cintre
  • Etages : 2 types d'étages mentionés :
    • étage de soubassement
    • 4 étages carrés
  • Escaliers : 4 types d'escaliers différents sont présent sur le site :
    • escalier en vis
    • en maçonnerie
    • escalier en vis sans jour
    • escalier dans-oeuvre
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • Plan Type 'système bastionné'

Monument et histoire du lieu

  • Interêt de l'oeuvre : Mis en valeur par le site, l'enceinte et le donjon montrent encore l'importance de l'ouvrage.
  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Notre base de données ne comprend aucun élément particulier qui fasse l'objet d'une protection.
  • Parties constituantes : 3 parties constituantes distinctes relevées :
    • enceinte
    • donjon
    • corps de garde
  • Parties constituantes étudiées :
    • Partie constituante ayant fait l'objet d'une étude : jardin
  • Utilisation successives :
    • Cette construction a été affectée a l'usage de : citadelle

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété de la commune
  • Acteurs impliqués dans l'oeuvre : Guise Claude de Lorraine, duc de (commanditaire)Guise François de Lorraine, duc de (commanditaire)Louis 14, roi de France (commanditaire)
  • Détails : Le donjon seul est protégé.
  • Auteur de l'enquête MH : Fournis Frédéric
  • Référence Mérimée : IA02000801

photo : château de Guise