Ancien château de Broyon

Il ne reste de ce château que le nom puisqu'il se limite de nos jours à une tour datant du XVe siècle d'une hauteur avoisinant les vingt mètres. Elle reste aujourd'hui le seul vestige de la famille Simon Matiphas qui la fit ériger. Cette propriété fait aujourd'hui partie du domaine privé.

Société archéologique de Soisson

En 1907, Félix Brun désignait à l'attention des archéologues une tour d'aspect féodal sise à l'extrémité de la principale rue de Bucy-le-Long.

Cette tour, encore majestueuse, a peu d'annales. Elle n'était naguère seigneuriale que dans son fief, car Bucy était fort morcelé au Moyen-Age : les comtes de Soissons en étaient seigneurs incontestés, mais les plus gros propriétaires fonciers étaient les chanoines de la cathédrale, bien que les abbayes soissonnaises elles-mêmes se partageaient les quatre cinquièmes des terres labourables de la paroisse.

Broyon devait être le nom primitif du fief qui nous intéresse, la famille Simon Matiphas le possédait au début du XIVe siècle. C'est sous le nom de "chapelle de Broyon" qu'un Simon fonda en 1513, dans "sa maison de Bucy" l'édicule qui, sous la tour, subsista jusque la grande guerre. Un autre Simon, petit-fils du précédent, désignera en 1404 "sa grande maison", c'est l’appellation que nous retrouverons en 1565, puis en 1670. Au siècle suivant on écrira "château" et même château de Broyon en 1783.

Il en résulte que, le château n'existait pas en 1313, la propriété des Matiphas n'était qu'un simple hôtel, ils en accrurent l'importance en lui adjoignant un certain nombre de fiefs, puis, le caprice d'un parvenu que nous allons évoquer y placera une maison forte et le domaine prendra aspect de seigneurie, Si bien que les Lameth profiteront de l'éloignement des comtes pour se titrer seigneurs de Bucy.

M. Brun s'est fait l'historien des Simon de Bucy, il nous suffira de signaler que cette famille porta loin le renom du village. Elle donna un évêque à Paris dont on voit encore la statue gisante à Notre-Dame, un premier président au Parlement, un évêque de Soissons qui fut le bâtisseur de Septmonts et enfin, un archevêque de Bourges.

Nos écrivains locaux n'ont pas relevé le nom du constructeur de la tour : Guillaume de Bische. Sans doute ses faits et gestes se sont produits en dehors du Soissonnais ou du Laonnois où il avait des attaches, il nous semble cependant qu'à leur évocation, le monument qu'il a laissé se cristallisera d'un singulier attrait. Bische était une bien typique figure du XVe siècle. Pour retrouver ses exploits, il nous a suffi de recourir aux chroniqueurs du temps : Du Clercq, Chastellain, Comines et Molinet.

C'est peu avant 1456 que nous trouvons notre homme à Arras. Flandre et provinces d'alentour étaient terres d'élection des Bourguignons en quête d'éperons et de sinécures. Le receveur général des Aides du comte d'Artois se nommait Martin Cornille qui cumulait la fonction de garde des chevaux. Cornille avait débuté comme couturier de robes mais il menait maintenant bel état, et moins encore que s a femme, a dit un chroniqueur peut-être envieux. Il entretenait près de lui une domesticité nombreuse, dans laquelle se trouvait Guillaume Bische, parfois dit Diche ou Visse.

D'obscure naissance, venu de Moulins-Engilbert en Nivernais, Bische a quitté son premier maître quand, en 1460, un vent d'adversité s'acharne sur lui. En Picardie on ne voyait alors qu'effrayants procès de Vaudois. Cornille, à tort ou à raison, prit peur, s'enfuit en Bourgogne et fut incarcéré par l'archevêque de Besançon. Heureusement, l'iniquité de ces tortures d’hérétiques se démontra et en 1461, maître Cornille, rentrant dans Arras, pourra apprendre que son ancien protégé est devenu le favori des deux plus puissants princes du royaume.

Bische, en effet, avait eu l'heur de se faire remarquer par le comte de Charolais qui, conquis par son enjoûment et sa subtilité, l'avait nommé maître de sa Chambre.

Dans la luxueuse cour de Bourgogne où s'élabora l'étiquette qui fut depuis celle des cours d'Europe, bien des rivalités s'affrontaient. Si d'aventure pour y trouver remède le futur Téméraire questionnait ses preud'hommes, l'avis retenu était "souverainement celui de Guillaume de Bische".

A Bruxelles, en 1457, Bische eut la hardiesse d'opiner contre celui qui avait fait trembler France et Angleterre, contre le Grand Duc qui imposait à son héritier un chambellan autre que celui-ci s'était choisi. Une colère aigüe étreignit Philippe le Bon qui voulut férir son fils, la duchesse et le Dauphin s'interposèrent et implorèrent un accommodement ; il se fit, mais une des conditions du pardon ducal fut l'éloignement des trop hardis conseillers. Notre Bische et certain autre jeune écuyer, Guyot Duisy en étaient, ces deux commensaux, trop heureux d'en être quittes à si bon compte cherchèrent refuge en France. Maintenant, le destin allait permettre à Bische de faire apprécier au "dévoyé" qu'était alors le futur Louis XI, les qualités diplomatiques qu'il avait pu lui soupçonner à la cour des Flandres. L'ex-favori s'est, parait-il, réfugié d'abord à Soissons, il se fixe ensuite à Paris où Duisy est entré au service de Charles VII. Dès lors, par leurs bons offices, le Dauphin exilé apprend ce qui se passe de plus secret dans les Conseils du roi,

En 1461 le Dauphin couronné rentre, suivi de Philippe le Bon. L'onzième Louis n'observait pas alors conduite exemplaire, la fidélité ne lui viendra qu'avec son vœu de 1473 par lequel il déclarera "ne plus jamais toucher à femme que à la Reyne" ! Il venait d'aillleurs de retrouver un joyeux compagnon en la personne de Bische. Ils allaient tous deux, la nuit, bras dessus, bras dessous à travers les rues de Paris visiter dames et damoiselles, écrit Chastellain. Le grand duc d'occident aurait bien fermé les yeux sur les folles escapades de son pupille, ce qu'il ne pouvait souffrir, c'était qu'elles se fassent en compagnie de Bische ... qu'y pouvait-il ? De l'ingratitude dont il sera payé, il n'en était qu'aux prémices !

Louis XI à son avènement combla de faveurs ses anciens compagnons, les plus roturiers n'étaient pas oubliés. Il travailla aussi à soudoyer des clients de ses adversaires, s'il ne réussissait pleinement il gagnait des transfuges et nous allons voir comment G. de Bische fut de ceux-là. Bische fut nommé capitaine de Soissons et bailli de Saint-Pierre-le-Moustier.

Nous ne saurions dire quel rôle joua chez nous le nouveau capitaine, rien d'étonnant à cela, le XVe siècle est peut-être le plus méconnu en notre région. Ce que nous savons, c'est que Bische continua à graviter dans le parti bourguignon, il y évolua d'ailleurs avec plus d'habileté que son suzerain comte de Soissons, le fameux connétable de Saint-Pol. Bische trempa dans la Ligue du Bien Public, fut à la rencontre de Montlhéry (1465) où il reçut les éperons de chevalier. A l'issue de cette bataille indécise, les négociations languissaient, les deux grands rivaux se rencontrèrent et convinrent de rester en liaison étroite par l'intermédiaire des deux affidés : Bische et Duisy.

Les grands seigneurs confédérés s'étonnèrent assez vite du va-et-vient répété de ces messagers, faisait-on fi d'eux et de leurs revendications, se demandaient-ils ?... et complots de préluder.

C'était d'ailleurs ce que recherchait le madré Louis XI, sa manœuvre aurait sans doute réussi si le sire de Contay n'avait dessillé les yeux de son maître : "Pourquoi sembler vouloir vous passer des seigneurs ? lui disait-il, pourquoi aussi entremettre dans de grandes affaires d'aussi petits personnages que Bische et Duisy ?" Le Téméraire cette fois comprit, le traité de Conflans s'ensuivit et le gain qu'il en tirera sera Péronne, Roye et Montdidier, trois villes dont Bische aussi fera son profit. Deux ans plus tard, Charolais, ceint de la couronne ducale va recevoir l'hommage des bonnes villes flamandes et brabançonnes. Derrière lui chevauchent les gens de son Conseil, on en dénombre quatre à Malines et à Louvain, trois doctes : le chancelier, le prévôt de Saint-Donat, l'archidiacre d'Avallon ; le dernier est messire Guillaume de Bische que bientôt l'on ne désignera plus que sous le nom de sire de Cléry.

A l'automne 1468, Bische est toujours aux côtes du duc, à Péronne ils attendent la venue du roi qui y vivra l’incident le plus critique de ses annales.

Les années passent, malgré les traités, France et Bourgogne sont toujours en lutte. On convient tout de même, afin de rendre "la tranquillité au service de Dieu et au peuple" de conclure une paix définitive, et, en l'attendant, d'observer une abstinence de guerre pendant neuf ans. Ces trêves sont signées au château de Soleure en 1475. On nomme des "conservateurs de trêve", ils devront agir en personne et sont chargés d'examiner et de réprimer les cas de friction qui pourront surgir sur leurs marches.

Aux huit conservateurs du domaine royal très homogène, on en oppose quinze du côté Bourguignon. Parmi eux, le seigneur de Clary est le responsable des prévôtés de Péronne, Montdidier et Roye, il est sous-entendu qu'il ne demeure pas toujours dans ces capitaineries et (il est le seul en ce cas) on accorde qu'en son absence il sera remplacé par le seigneur de la Bergerie.

Malgré la trêve, l'"universelle araignée" sut travailler. Deux années ne s'étaient pas écoulées que l'astre du duc s'abîmait dans l'étang de Nancy. Cette fois le roi Louis jeta le masque, sur les terres de Picardie il lança des troupes guère plus humaines que celles de feu son antagoniste.

Il était assez aisé de réduire des gouvernements désemparés, tous les châteaux se soumettaient un à un. A noter que les garnisaires qui tenaient Moreuil allèrent se réfugier dans Péronne que tenait Bische, il leur reprocha leur couardise et, pour l'exemple, en fit pendre dix. A son tour, Bische aussi fut menacé. Saint-Pol, le héraut du roi se présenta par trois fois ; tout d'abord le gouverneur matamore se gaussa des sommations, il répondit que "si les Français venoient, ils seroient bien galés !", mais ses bravades furent de courte durée, le seigneur de Cléry, on l'a déjà vu, était meilleur négociateur que capitaine ! il donna sa parole qu'il livrerait la place dès que le roi approcherait. (Selon Varillas. Historien de Louis XI. Bische aurait en plus rendu Ham et Bohain, nous n'en n'avons pas trouvé confirmation dans les récits contemporains.)

Et vingt-et-un chevaliers et nobles hommes de Picardie, dans Péronne prêtèrent serment de fidélité au roi, qui, fort joyeux comme on peut le lire dans Comines ne laissa pas seulement à Bische son gouvernement de cette ville, il le nomma son conseiller et chambellan, lui donnant en outre la seigneurie de Mortagne, ville de la Somme recouvrée.

Puis Louis s'attarda, tant à Péronne qu'à Clery dans le château de Bische, il n'en partit que le 20 février après avoir ordonné l'accroissement des remparts de Péronne. La félonie de notre homme mit le peuple en émoi si l'on en croit Molinet. A deux reprises l'historiographe fait éclater sa rancœur ; selon lui, Péronne était un de ces châteaux "duquel le duc vivant, le roi n'osoit regarder les créteaux." Que cette ville "paravant lui était felle et dure, car elle étoit forte a merveille et bien en poinct pour résister à sa puissance", il était d'autant plus triste que ce soit Clary plutôt qu'un autre qui l'ait ainsi trahie, "considérant qu'il avoit esté nourri en la maison de Bourgogne, notablement entretenu et honorablement essours en grands offices utiles et proufictables."

Molinet résidait à Valenciennes, ville têtue qui ne fit jamais sa soumission, il put y constater le grand dédain que les bourgeois témoignèrent à Madame Bische qui s'y trouvait, elle put se retirer ainsi que ses enfants grâce à un sauf-conduit que lui octroya Marie de Bourgogne, mais son mobilier, sa vaisselle et ses bijoux restèrent sur place. Le capitaine de Péronne tenta de les récupérer, il envoya plusieurs hérauts à cet effet, mais sans aucun résultat ; un futur comte de Soissons, Jacques de Savoie (Romont), grand officier de Bourgogne les considérait comme butin personnel.

G. de Bische, sire de Cléry, n'a plus de motifs pour s'attarder dans la faction décapitée de ses origines, désormais il va appartenir à la monarchie sans partage. En août 1477 le roi le délègue avec d'autres renégats Bourguignons conclure une trêve à Lens avec les envoyés de Maximilien d'Autriche, héritier du Téméraire. L'année suivante, Louis XI décidait de faire sanctionner par la légalité la confiscation des terres burgondes, pour cela il demanda au Parlement de flétrir la mémoire du dernier duc. II y avait lieu d'insister sur la traîtrise qui avait provoqué l'humiliation royale en 1468, le point de départ de l'enquête était la lettre de sauvegarde donnée à Péronne le 8 octobre, la pièce fut produite et les ci-devant fidèles Bourguignons la déclarèrent de la main du duc. Bische, à son tour, lança le pavé, il témoigna que cette pièce de lèse-majesté avait été écrite en sa présence et que, de même qu'aux pourparlers de Montlhéry, il en avait été le porteur.

Sur ces entrefaites les hostilités reprirent avec Maximilien et il ne fut plus question du procès.

Louis XI garda son estime au chevalier équivoque qui lui rendait de si bons services. Enrichi par les faveurs successives des uns et des autres, et par surcroît par les rapines si courantes chez les gens de guerre à cette époque, notre fieffé de Broyon pouvait désormais rire de ses détracteurs, le "pauvre valeton de Champagne" de Du Clercq était devenu un important gentilhomme picard. Dans un site où le pittoresque est donné par l'épanouissement de la Somme en vastes étangs, la terre de Cléry était renommée, sa forteresse avait été chantée par les poètes de Raoul de Cambrai, on la qualifiait "Nul s'y frotte" ce qui rendait Péronne "la pucelle" jalouse. Messire de Bische voulut à ce fort une architecture plus moderne, il le refit tout de neuf ; mais en Picardie on ne peut rien édifier d'éternel, "Nul s'y frotte" s'était depuis longtemps évanoui quand survint le saccage allemand de Cléry-Créquy en 1916. De ce fait l'euvre monumentale du personnage se réduit de nos jours au vestige de Bucy.

En 1473 G. de Bische achète à un chambellan du roi, Jean de Soissons-Moreuil, la vicomte de Laon qui comprenait les Seigneuries de Clacy et de Laniscourt, il s'y installa comme en son héritage, oubliant d'en acquitter les droits féodaux dus à l'évêque de Laon.

Isabelle de Béthune et son fils Henri de Hans, seigneur de Hans et d'Ecry, possédaient alors à Bucy un fief. (Signalons en passant qu'Isabelle était cousine germaine de Jeanne de Béthune, comtesse de Soissons, qui réconforta Jeanne d'Arc que son mari, Jean de Luxembourg, devait livrer). Ce fief, venu à eux par la succession des vicomtes de Soissons-Ostel, portait le nom de fief de Locres, Guillaume de Bische l'acheta, ainsi qu'un autre, exactement du même nom, mais sis à Anizy, en 1480.

Toujours à Bucy, le seigneur de Cléry acquit le fief Jean Trottin détempté par Louis Jouvenel des Ursins, et enfin, les Cinq fiefs lesquels, un terrier de 1565 nous le dira, avaient appartenu à Simon Matiphas, évêque de Soissons, ces fiefs étaient ceux de Nicolas le Cerf, Jean le Sauvaige, Colard Brodin, Thomas des Maretz et Gaultier Bourlette.

C'est en Broyon, sur l'héritage des Matiphas, que Bische décida dans le dernier quart du XVe siècle, d'ériger une gentilhommière digne. La paix revenue, on n'édifiait plus de forteresses incommodes, le roi René, un des premiers, avait donné autour d'Angers l'exemple des manoirs ruraux où demeures de nonchaloir, habitations de plaisance où l'architecture civile s'alliait à la féodale.

C'est dans ce sens que le seigneur des sept fiefs fit œuvrer. Si le cachet militaire qu'il voulut consacrait sa noblesse, la capacité défensive était assez précaire, tout juste, de quoi résister à un coup de main des bandes, celles des écorcheurs que le seigneur avait bien connues. Et il en résulta un des derniers châteaux d'allure médiévale, le Soissonnais du moins n'en détient aucun autre exemple.

Le sire de Cléry décéda vers 1497, laissant ses biens à son fils Jean : nous pensons que, pas plus lui, que la descendance de son gendre Lameth, n'habitèrent beaucoup Bucy. Quand leurs affaires leur laissaient quelque loisir, ces gentilshommes séjournaient plutôt à Pinon qui était résidence plus fastueuse. Le manoir de Bucy n'était que simple pied-à-terre d'occasion, il devait être déjà sérieusement déchu lorsqu'en 1713 les "sept fiefs", saisis sur un dernier Lameth, furent mis en adjudication. On pense que c'est François Dupleix qui s'en rendit acquéreur.

Trois générations de Dupleix se succédèrent, mais aucun d'eux n'habita, ni ne se para du titre local comme ils le faisaient de la dénomination de simples lieux-dits de Mercin et de Pernant.

Le château était devenu le siège d'une exploitation agricole que surveillaient des hommes d'affaires soissonnais tels les Fabus, puis les Pille. Le domaine terrien à Bucy du frère du grand Dupleix se scindait en deux fermes : celle qui nous intéresse, de laquelle dépendaient 58 articles d'arpentage en 1740, et celle de la Montagne qui comptait 37 pièces de terre.

Le bail de 1768 confia les deux exploitations à Christophe Ferté qui fixa sa résidence à la ferme nouvellement bâtie de la montagne. C'est cette désertion du fermier qui acheminera vers la déchéance l'immeuble et l'exploitation du bas.

M. Dupleix de Bacquencourt, le plus riche propriétaire de Bucy, fut une des victimes de la Terreur (1794). Ses biens, confisqués par la Nation, furent restitués à sa fille, Mme de Montesquiou-Fezenzac. La ferme du château était tombée au rang d'annexe, ses plus belles terres étaient passées dans la mouvance de celle de la Montagne, ce qui fait qu'en l820 les &poux de Montesquiou-Mornay décidèrent son aliénation en même temps que onze lots avoisinants. Le preneur du château fut Charles Binet, le gendre du fermier des Montesquiou. L'acquéreur, devenu lui-même tenancier de la Montagne ne se soucia guère d'un manoir dépouillé de la tour, il le fit démolir mais n'osa toucher à ce qu'on disait être le donjon. C'est en vain qu'en 1863 le correspondant du "Journal de Soissons" rechercha les fondations du château, ses substructions étaient dans un abandon navrant, la même désolation a été fixée sous deux angles différents par le crayon de Baraquin.

Des levés de 1740 et de 1772 nous restituent le plan fidèle du château. C'était un quadrilatère oblong renfermant une cour d'honneur. Adossé sur la rue, il était cantonné de pavillons ou tours carrées, les logements se composaient de deux ailes en équerre dont le donjon faisait charnière.

De part et d'autre de ce quadrilatère s'étiraient de vastes clos limités par des murailles, la ferme était isolée dans l'un d'eux. La chapelle Notre-Dame de Broyon, seul souvenir des Matiphas terminait sur la rue l'une des ailes du grand logis. Elle montra ses piliers et ses arcades ogivales jusque 1924 ; jetée bas elle a fait place au nouveau pavillon.

La maîtresse tour que l'on a conservée mérite une visite. Elle est actuellement haute de 20 mètres, sa section est semi-circulaire. Elle ne contient pas un étagement de salles ; en coupe elle présente un large escalier hélicoïdal qui se poursuit jusqu'aux deux tiers de la hauteur totale ; au-delà la tour s'élargit sur un encorbellement et se termine par deux salies superposées. Cette tour était l'accès obligé de toutes les parties des grands logis, elle pouvait aussi s'en isoler et servir d'ultime réduit de défense. Sa façon est encore médiévale, mais sa conception est nouvelle, c'est celle qui sera reprise à la tour Balhan de Château-Thierry et qui se multipliera en tourelles hexagonales ou octogonales à Oigny, au Plessis-Brion, etc... pour ne citer que des exemples locaux.

Le seuil est défendu par l'unique mâchicoulis du couronnement, la herse franchie, on trouve l'escalier et l'entrée du rez-de-chaussée des logis, elle aussi défendue par une herse La montée des degrés fait découvrir les enfeus de manœuvre des dites herses, et aussi des meurtrières d'un genre spécial, percées de trous de couleuvrines. Plus haut se trouve l'accès des étages des logis, et en plus une galerie allant vers le chemin de ronde, puis, nous parvenons au sommet du grand escalier recouvert d'une charmante coupole.

Elle est voûtée sur six arcs bandés par une exquise clef. Celle-ci portait l'écusson royal, aussi les révolutionnaires ont buché lis et diadème. Autour du blason le collier de saint Michel (ici chaînette agrémentée de coquilles) repose sur une rosace de feuillage de laquelle émerge le buste du tenant en chef et celui de saint Michel à l'opposé. L'archange brandit le glaive qui menace Satan dont on distingue le masque et les extrémités sous les flancs de l'écu.

De la coupole, on passe au petit escalier renfermé dans une tourelle accolée à la grosse. Cette nouvelle vis dessert d'abord le premier étage. La salle est éclairée par deux baies géminées avec bancs dans les ébrasements, elle possède une cheminée à hotte posée sur des consoles, et des voûtes qui ne le cèdent en rien à celles que nous quittons. La clé est ornée de chêne englanté, chacun de ses écoinçons contient un sujet et le tout concerne les plaisirs cynégétiques. L'écusson, ici intact est parti au 1 écartelé de Bische-Cléry, au 2 de ... à dix losanges posés 3 - 3 - 3 et 1 qui est d'Esnes. Nous savons que Guillaume était l'époux de Jeanne d'Esnes, l'emblème identifie le bâtisseur et date approximativement le monument, qui est un peu postérieur à 1469, date de la fondation de l'Ordre de Saint-Michel.

La vis s'arrête au niveau du second étage qui, vraisemblablement était destiné aux défenseurs. On y remarque l'assommoir dont il a été parlé, une meurtrière d'arbalète qui menace l'issue intérieure de l'escalier, deux grandes baies à bancs de guetteurs et une cheminée cantonnée par des faisceaux de colonnettes à chapiteaux et à bases prismatiques. Cette salle n'était couverte que d'un plafond de bois. Pour gaqner les combles il était nécessaire de revenir sur le palier ou se trouvait le pied d'échelle.

Ça et là les parois intérieures sont surchargées de graffiti, les un ? apprennent qu'en mai 1652 les Lorrains ont campé à Fismes et ont fait ravage ; qu'en 1657 on a fait procession à Saint-Sebastien, qu'en 166. le vin a gelé ! D'autres évoquent sans lacune des occupants de récentes années douloureuses : les Britanniques de septembre 1914, les Germains de 1915 à mars 1917, puis les Français et les Yankees en février 1918. Vingt-et-un ans se sont passés, de nouveaux couteaux signalent des unités françaises puis allemandes.

Il est consolant que l'ultime reste de la demeure du sire de Clery ait survécu à de telles avanies.

Isolée au milieu de bâtiments ruraux récents qui lui sont étrangers, la tour se hausse fièrement à l'instar des vestiges que sauvegardaient les féodaux des derniers siècles, lesquels, dans leurs châteaux renouvelés, tenaient à conserver un témoin de suzeraineté.

Bernard ANCIEN.

Source : bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soisson.

Localisation et informations générales

  • identifiant unique de la notice : 958
  • item : Ancien château de Broyon
  • Localisation :
    • Aisne
    • Bucy-le-Long
  • Code INSEE commune : 2131
  • Code postal de la commune : 02880
  • Ordre dans la liste : 1
  • Nom commun de la construction :
    • La dénomination principale pour cette construction est : château
  • Etat :
    • L'état actuel de cette construction ne nous est pas connue.

Dates et époques

  • Périodes de construction :
    • La construction date principalement de la période : 14e siècle
  • Date de protection : 1926/01/09 : inscrit MH partiellement
  • Date de versement : 1993/12/03

Construction, architecture et style

  • Materiaux:
    • non communiqué
  • Couverture :
    • non communiqué
  • Materiaux (de couverture) :
    • non communiqué
  • Autre a propos de la couverture :
    • non communiqué
  • Etages :
    • non communiqué
  • Escaliers :
    • non communiqué
  • Décoration de l'édifice :
    • non communiqué
  • Ornementation :
    • non communiqué
  • Typologie :
    • non communiqué
  • Plan :
    • non communiqué

Monument et histoire du lieu

  • Eléments protégés MH (Monument Historique) :
    • Un élément répertorié fait l'objet d'une protection : tour
  • Parties constituantes :
    • non communiqué
  • Parties constituantes étudiées :
    • non communiqué
  • Utilisation successives :
    • non communiqué

Autre

  • Divers :
    • Autre Information : propriété d'une personne privée 1992
  • Détails : Tour : inscription par arrêté du 9 janvier 1926
  • Référence Mérimée : PA00115565

photo : doublet

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