Musée Maurice Denis

Musée Maurice Denis, un Hôpital Royal devenu maison d’artiste par Fatma Alilate

Musée Maurice DenisLe Musée Maurice Denis a été inauguré en 1980, à la suite d’une importante donation d’œuvres au Département des Yvelines. L’édifice, classé Monument historique, est entouré d’un jardin verdoyant, à flanc de colline. Il présente une collection d’œuvres de Maurice Denis (1870-1943) mais aussi d’artistes Nabis, post-impressionnistes, et de l’École de Pont-Aven.

Maurice Denis est un peintre majeur de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Il fit de l’ancien Hôpital Général Royal, construit sous Louis XIV, à Saint-Germain-en-Laye, sa demeure qu'il occupa de 1915 à 1943. A son décès, la famille a l’idée de réaliser un musée, mais le projet reste en suspens. La demeure du peintre devient une Maison d’Enfants jusqu’en 1976, date à laquelle est décidée la création du Musée Maurice Denis.

Un peintre précoce

Maurice Denis n’a pas quinze ans lorsqu’il confie ses projets dans son Journal : « Oui, il faut que je sois peintre chrétien, que je célèbre tous ces miracles du Christianisme, je sens qu’il le faut. » Tout au long de sa carrière, il reste fidèle à ses convictions morales et religieuses.Proche des artistes Nabis (Sérusier, Bonnard, Vuillard, Roussel, Ranson…), Maurice Denis est le principal théoricien du groupe et il énonce à vingt ans cette formule restée célèbre : « Se rappeler qu’un tableau - avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote - est essentiellement une surface plane recouverte de peintures en un certain ordre assemblées. » Les Nabis (« prophètes » en hébreu) sont considérés comme les précurseurs de l’art moderne : simplification des formes, lignes décoratives, couleurs posées en aplat, cloisonnement des motifs. Pour Maurice Denis, le « Nabi aux belles icônes », la peinture est une création de l’esprit : « Il ne faut pas reproduire la nature, il faut la représenter, - par quoi ? Par des équivalents plastiques. » Mais l’artiste évolue et opte pour un nouveau classicisme ; il reste ouvert à différentes disciplines : peinture, photographie, céramiques, affiches, vitraux, illustrations de livres… Maurice Denis s’affirme aussi en tant que décorateur. Ainsi, il réalise de nombreux décors muraux profanes (Chaillot, coupole du Petit-Palais…) et religieux (Vincennes, Le Vésinet…). Dans l’entre-deux-guerres, il est le décorateur le plus demandé de sa génération.

Un Hôpital Royal devenu maison d'artiste

Après son mariage en 1893, Maurice Denis loue successivement deux logements, tout près du « Vieil hôpital » de Saint-Germain-en-Laye. De ses lieux d’habitation, il peut voir l’hospice construit à la fin du XVIIe siècle, Madame de Montespan fit ériger le bâtiment pour offrir un asile aux indigents. Racheté par les Jésuites en 1870, le domaine est laissé à l’abandon en 1901-1902, en raison de la loi sur les congrégations. Dès 1910, Maurice Denis loue des locaux de l’hôpital à la paroisse, pour peindre des toiles de grandes dimensions. En 1911, le peintre a besoin de larges espaces pour réaliser le décor de la coupole du Théâtre des Champs-Élysées, le curé l’autorise à bâtir un atelier « sur terrain d’autrui », à côté de la chapelle. Auguste Perret (1874-1954), l’architecte du théâtre, construit l’atelier en 1912, grâce au soutien du financier-administrateur Gabriel Thomas (1854-1932), le commanditaire du décor.

Maurice Denis reste attiré par le bâtiment historique et espère en faire sa demeure, il l’évoque comme sa Terre Promise, mais cette acquisition paraît impossible : « Là enfin j’aurais une installation pour ma nombreuse famille et pour de grandes œuvres. Et il y a aussi une chapelle, maintenant publique le dimanche, je l’entretiendrais et je l’ornerais (…) Beau rêve ! Hélas ! Et je n’ai rien trouvé d’autre pour construire cet atelier et je ne suis pas sûr qu’on ne m’en chassera pas bientôt ! » Pourtant, le 9 juillet 1914, Maurice Denis devient l'heureux propriétaire de l’ancien hôpital qu’il nomme « Le Prieuré ». Des travaux sont entrepris pour restaurer les lieux, en mauvais état. En août 1915, la famille du peintre s’installe dans la demeure.

Au décès de Maurice Denis, en 1943, l’idée de créer un musée est déjà présente mais le projet ne semble pas réalisable en période de guerre. A l’initiative de Bernadette Denis (1899-1987), la fille du peintre qui a été son modèle pour nombre de tableaux et de photographies, Le Prieuré accueille une cinquantaine d’enfants de l’Assistance Publique jusqu’en 1976, date de la création du musée.

Un musée à découvrir

Un musée à découvrir

Le Musée Maurice Denis, ouvert au public en 1980, invite à la visite dans de grandes salles baignées de lumière. Sur deux niveaux, l’on peut contempler des tableaux, des pièces de mobilier mais aussi, par les hautes fenêtres, la verdure du parc et les sculptures d’Antoine Bourdelle. La configuration des lieux avec de larges volumes ne contrarie pas l’atmosphère feutrée. Le grand escalier à double révolution confère un aspect solennel, il abrite des photographies, des tableaux et des vitraux.

Marthe Meurier (1871-1919), la première épouse du peintre, est la Muse, son visage apparaît sur de nombreuses toiles. Maurice Denis privilégie les scènes familiales, le sacré, les paysages… Les peintures peuvent être monumentales telles que La Légende de saint Hubert. Des vitrines dévoilent des céramiques, des éventails. Les traces de l’ancienne maison d’artiste sont à chercher : L’amour et la vie d’une femme a été le décor de la chambre de Marthe (une première version avait été commandée par le marchand Siegfried Bing pour sa galerie « L’Art nouveau »).

Le musée permet de découvrir le mouvement novateur des Nabis qui a su décloisonner les arts. Mais la collection va au-delà de ce courant, car la carrière de Maurice Denis s’est développée et a évolué. La vie intellectuelle et artistique est évoquée par des œuvres d’artistes de la fin du XIXe au début du XXe siècle comme Odilon Redon, Félix Vallotton, Emile Bernard ou Louis Anquetin.

La chapelle, le trésor du musée

La chapelle, le trésor du musée

Accessible par une entrée du rez-de-chaussée, la chapelle, attenante au bâtiment principal, se révèle aussi d’un balcon, au premier étage du musée. Son Ciel est enchanteur avec ses nuages blancs et un vol de colombes. Les Béatitudes, au-dessus du chemin de croix, sont en camaïeu bleu. Le grand vitrail du chœur s’inscrit de façon originale sur trois parties : la Nativité, le peintre et sa famille entourent la Vierge et l’Enfant, la Cène dans laquelle des amis du peintre apparaissent en apôtres, et la Crucifixion, sur fonds de tranchées de la guerre 14-18. D’autres vitraux représentent la Vierge, saint Louis, le patron de la chapelle, et sainte Marthe, en hommage à l’épouse du peintre.

La restauration de la chapelle a été confiée à Auguste Perret qui a dessiné le plan du chœur et les boiseries. Plusieurs élèves des Ateliers d’Art sacré (fondés en 1919 par Maurice Denis et Georges Desvallières, avec le soutien de Gabriel Thomas) ont participé à la réalisation du décor. La chapelle, dont la décoration est achevée en 1928, est une œuvre intimiste et superbe qui accueille désormais des événements culturels du musée, avec cent vingt places disponibles. Le peintre y a marié plusieurs de ses enfants.

Un jardin dans la ville

Un jardin dans la ville

Le jardin se répartit sur trois niveaux. La terrasse est parsemée de sculptures d’Antoine Bourdelle et longe le musée dont la façade principale est bordée de tilleuls et d’ifs. Quelques marches permettent d’accéder au Théâtre de verdure où sont organisés concerts et spectacles de plein air. De là, l’édifice se découvre, imposant et tapissé de lierre. Une table et deux bancs permettent au promeneur de s’asseoir pour déjeuner ou se poser. Plus bas, le verger et le potager ferment le domaine.

Avec ses différentes entrées, le jardin du musée est un lieu de passage agréable, emprunté par nombre d’habitants de Saint-Germain. Aux beaux jours, l’on y vient pique-niquer.

Le Musée Maurice Denis mérite d’être davantage connu, il est complémentaire du Musée d’Orsay. Des liens se sont noués avec les habitants de Saint-Germain-en-Laye en raison des atouts du site et des nombreuses activités proposées : animations en arts plastiques, conférences… Les écoliers sont les invités-rois et vont régulièrement dans la « maison » du peintre ; les parents les emmènent aussi au jardin. L’artiste qui a tant aimé peindre et photographier ses enfants, jardiner avec ses petits-enfants, serait ravi de ce succès.

Musée Départemental Maurice Denis

2bis, rue Maurice Denis
78102 Saint-Germain-en-Laye
Téléphone : 01 39 73 77 87
Du mardi au vendredi de 10h à 17h30, les samedis et dimanches de 10h à 18h30.
Tarifs : 4,5 euros et 2,5 euros (tarif réduit), entrée libre pour les moins de 26 ans.

www.museemauricedenis.yvelines.fr

Le Centre de documentation est actuellement fermé.

Le musée alterne entre collection permanente et expositions temporaires.

Prochaine exposition : Beauté du Ciel, décors religieux de Maurice Denis au Vésinet, du 19 septembre 2014 au 4 janvier 2015.

Sources :

  • Bouillon J.-P. et al. - Catalogue d’exposition (2006) – Maurice Denis, Musée d’Orsay 31 octobre 2006 – 21 janvier 2007, Réunion des Musées Nationaux, Paris.
  • Catalogue (2010) – Le Musée Maurice Denis fête ses trente ans, Musée départemental Maurice Denis 7 décembre 2010 – 27 février 2011.
  • Catalogue d’exposition (1994) – Maurice Denis, Musée des Beaux-Arts de Lyon 29 septembre – 18 décembre 1994, Réunion des Musées Nationaux, Paris.
  • Denis C. (2013). Le jardin du Prieuré, in Les amis du Vieux Saint-Germain-en-Laye, Bulletin numéro 50.
  • Frèches-Thory C. et Terrasse A. (2002) – Les Nabis, Flammarion, Paris.
  • Martinez F. (2007). Maurice Denis les couleurs du Ciel, Editions Franciscaines, Paris.
  • Stahl F. (2013). Gabriel Thomas (1854-1932) Le réalisateur méconnu du Théâtre des Champs-Élysées, in Les amis du Vieux Saint-Germain-en-Laye, Bulletin numéro 50.
  • Thomas K. (2006). Maurice Denis et l’exemple de Puvis de Chavannes : vers une nouvelle « valeur sentimentale » dans l’art, in La revue du Musée d’Orsay, numéro 23.