La « Bayreuth française » doit sauver son théâtre

Par Fatma Alilate Mars 2014.

A Béziers, le Théâtre des Variétés a été mis en vente. Même si la magie est encore là, son état général est préoccupant et nécessite une réhabilitation. Un siècle de spectacles, publication de la Société Archéologique, retrace l'historique du Théâtre des Variétés. Alex Bèges, musicologue de formation, étudie le sujet depuis plus de trente ans, c'est à lui et à Janine Bèges que l'on doit Mémoire d'un Théâtre, ouvrage de référence, désormais épuisé, sur le Grand Théâtre à l'italienne de Béziers.

Pendant un siècle, cette sous-préfecture de province proposera jusqu'à quarante-quatre lieux dédiés aux spectacles : cafés-concerts, théâtres, music-hall, cafés et cinémas… C'est ici qu'il y a eu cette formidable aventure des Arènes avec ces spectacles grandioses dédiés à l'art lyrique qui ont attiré foule et ministres. La ville de Béziers est pourtant très éloignée de Paris mais à l'image des grandes capitales européennes, elle s'affirme alors par sa vie artistique intense en développant une aura reconnue au-delà des frontières du pays. La spécificité de Béziers est due à la participation active des propriétaires terriens à l'élaboration de la vie artistique. Déjà en 1844, le Grand Théâtre est bâti à partir de fonds privés, pour être racheté progressivement par la Municipalité. Avec l'arrivée du chemin de fer, l'économie locale s'enrichit par la vente de vins, des fortunes se constituent et des personnalités vont contribuer au rayonnement de la ville.

En 1896, les Arènes sont en construction, Fernand Castelbon de Beauxhostes (1859-1934), mécène passionné par l'art lyrique, participe financièrement afin que l'édifice soit mené à terme. En contrepartie de 1898 à 1926, la dernière semaine du mois d'août est réservée à des concerts de plein air. Camille Saint-Saëns (1835-1921) et d'autres grands compositeurs comme Gabriel Fauré (1845-1924) vont écrire des œuvres lyriques pour le Théâtre des Arènes. Ce sont alors des spectacles inédits aux décors monumentaux qui s'offrent au public qui bénéficie de quinze mille places et d'une acoustique exceptionnelle. Le phénomène est tel que des trains sont affrétés de Paris pour emmener la foule. Avant Hollywood, les premiers « péplums » sont joués avec des décors plus vrais que nature dans les Arènes de Béziers. Tout un ensemble de manifestations et de concerts accompagnent aussi cette semaine estivale.

Béziers garde les traces de ce passé brillant, notamment par la présence d'édifices comme le Théâtre des Variétés. Il faudrait que ce passé culturel soit davantage connu. Un siècle de spectacles mérite aussi un écho médiatique au-delà de la ville, car la scène biterroise était une scène de renom dans laquelle de nombreux artistes s'arrêtaient pendant leurs tournées. Dans cet ouvrage, les extraits caustiques et virulents de la presse foisonnent avec de nombreuses références basées sur d'importantes recherches. Des figures réapparaissent comme les directeurs des établissements, le personnel de scène, les vedettes (mimes, équilibristes, comédiennes…). Le public est également à l'honneur avec ses exigences, sa générosité ou ses écarts. Un voyage s'offre au lecteur dans une capitale artistique : photographies, programmations, répertoires, articles de journaux et portraits.

Un siècle de spectacles, dont les auteurs valorisent ce patrimoine constitué des acteurs, artistes et lieux de spectacles, a pour sujet principal le Théâtre des Variétés. Ce théâtre se visite lors des Journées du Patrimoine, le succès est grand et il faut attendre près de deux heures pour découvrir son décor Art nouveau et « Louis XVI rajeuni ». Pendant un siècle, ce même lieu, désormais classé au titre des Monuments historiques, a été café-concert, théâtre, music-hall, cinéma-théâtre, cinéma …

Tout commence en 1864, un décret impérial libère l'exploitation théâtrale, cafés chantants et cafés-concerts se multiplient dans le pays. Le Casino musical est construit à l'emplacement actuel du Théâtre des Variétés, il deviendra L'Alcazar dès 1867, du nom d'autres grandes salles françaises. De réputation sulfureuse, c'est un lieu dans lequel les familles ne se rendent pas, la Belle Otero y a débuté. Les conditions de travail des artistes sont très difficiles et les règles imposées par les contrats de travail draconiennes. Les artistes, en particulier les femmes, sont exploités. Après plusieurs scandales et une lassitude du public, le café-concert ferme. Et en 1904, le Théâtre des Variétés est inauguré.

La nouvelle architecture permet d'être vu car le spectacle est autant important sur la scène… qu'au promenoir ou dans le grand escalier. Le bâtiment est moderne, son éclairage composé de fleurs électriques est inséré dans le décor des balcons et des piliers. Si le succès est là, la concurrence reste forte. Les directeurs doivent faire preuve d'ingéniosité, innover et renouveler constamment spectacles et répertoires. Le Théâtre des Variétés deviendra par la suite salle de cinéma et même une discothèque pendant les années 90.

Le Théâtre des Variétés a conservé son charme. Les propriétaires actuels ont sauvé ce théâtre en l'achetant en 1989, ils lui ont ainsi évité la destruction. Ils l'ont également fait classer. Sa façade abîmée dans les années 50 a été rénovée. Lorsque le théâtre a été transformé en discothèque, le plafond-verrière d'inspiration Art nouveau a été retiré, probablement pour être vendu, il est définitivement perdu.

L'entretien et la restauration représentent un coût très élevé pour des particuliers : le Théâtre des Variétés a donc été mis en vente, il attend sa renaissance. Il incarne la mémoire d'une période artistique florissante. Une page facebook a été créée : « Pour la réhabilitation du Théâtre des Variétés » tente de sensibiliser à l'importance de ce patrimoine et rend compte de la beauté de ce site, notamment par des photographies signées Alex Bèges. L'espoir pour ce théâtre longtemps tombé dans l'oubli, ce sont les Biterrois et leur mobilisation. Le Théâtre des Variétés, s'il est sauvé, sera un atout et pourrait contribuer à faire renaître la « Bayreuth française ».

Un siècle de spectacles, de divertissements et de plaisirs à Béziers 1860-1960
Auteurs : Alex Bèges – Jacqueline Pech
ISBN : 978-2-917212-31-8
Prix papier : 30 euros
Pages : 222
Editeur : Société Archéologique Scientifique et Littéraire de Béziers
Commande : chèque d'un montant de 35 euros (frais de port de 5 euros) à adresser à la Société Archéologique - B.P. 4009 - 34545 Béziers cedex
L'ouvrage est en vente dans les librairies de Béziers et à la Société Archéologique.

Crédits photos : Fatma Alilate 2014.